SS Pierre et Paul 2019

+ Solennité des Saints Apôtres Pierre et Paul, N.D de Triors, le samedi 29 juin 2019.

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

D’un bout à l’autre de l’évangile S. Pierre témoigne de sa foi, mais de façon plus profonde selon les circonstances. Sa confession sur la route de Césarée, entendue ce matin, est la plus connue ; à entendre la réponse du Seigneur et les privilèges qu’il lui octroie, cet acte de foi est décisif de la mission reçue alors (Mt. 16,16). À la fin du discours déconcertant sur le Pain de vie, à Capharnaüm, l’apôtre avait déjà eu ce mot si tendre et si profond à la fois : À qui irions-nous, vous avez les paroles de la vie éternelle ? (Jn. 6,68s). Peu après la Résurrection en revanche, sa foi avoue avec larmes et gémissements : Vous savez tout, vous savez que je vous aime (Jn. 21,17). La question répétée trois fois, m’aimes-tu ? venait de lui rappeler sa faiblesse chez Caïphe ; sa présomption naturelle en était gravement humiliée, puisqu’il avait renié Jésus, « sa vie ». Sa foi le convainc désormais qu’en dehors de Jésus, il n’y a rien de bon en lui : « sa vie », oui, c’est Jésus, et Jésus seul ; seul ce lien d’amour avec lui le définit, sans lui, il sait bien qu’il ne peut rien faire de bon ; pire, qu’il ne peut que le renier (Cf. Jn. 15,5). Son exemple vaut pour tous, spécialement pour nous autres français, avec notre générosité souvent encombrante et mélangée.

Puis l’Esprit de Pentecôte a confirmé Pierre dans la grâce et dans sa foi. Peu après, lorsque le mendiant de la Belle Porte au Temple sollicite son aide, sa foi fait le miracle, c’est-à-dire le Seigneur qui vit en lui, comme le dira plus tard l’apôtre Paul, vivit in me Christus (Gal. 2,20). Pierre, se tournant vers le mendiant lui dit : Regarde nous. Lui le fixait donc des yeux, s’attendant à recevoir quelque chose. Mais Pierre lui dit : De l’argent ou de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus-Christ de Nazareth, marche ! Et le prenant par la main droite, il le souleva (Act. 3,4-7).

Peu avant Pierre avait connu lui-même ce statut de mendiant, lors du reniement, Jésus se retourna et le fixa de son regard (Luc 22,61). Ce regard dévoilait la faute et enclencha peu après le pardon de Tibériade. Et le pardon divin le purifia sa belle assurance et son tempérament généreux. Pierre n’eut dès lors d’autre fierté que d’être auprès de nous le prolongement de Jésus notre Sauveur. Sur le lac de Tibériade, il put alors se voir confier son Église, la propre Épouse de Jésus, Sainte et Immaculée, issue de la boue et du sang. Face au péché et à la misère de l’humanité, Pierre contrit et humilié était apte désormais à devenir le canal de la grâce qu’est Jésus, sans plus s’opposer à celle-ci.

Les successeurs de Pierre prolongent au long des siècles dans l’Histoire de l’Église ces scènes merveilleuses de l’Écriture. Par eux, Jésus est toujours là, jusqu’à la fin des temps (Mt. 28,20). Chaque Pape est le doux Christ de la terre, comme disait Ste Catherine de Sienne à une époque où pourtant le charisme pétrinien était si humilié et confus. Et il en va toujours de même. Après Paul VI, le saint pape, fort par son seul silence, S. Jean-Paul II a paru comme une torche ardente. Je me souviens de la parole de ce dernier sur le parvis de Notre-Dame lors du 1er voyage en France, nous prenant en main comme l’estropié de la Belle Porte, avant de se recueillir en notre faveur à Montmartre. Sa méditation com-mençait par ce qui est devenu de nos jours le titre d’un livre bien clairvoyant : Reste avec nous, Seigneur, car le jour est sur son déclin (Lc 24,29) : Les disciples avaient le cœur déjà tout brûlant au-dedans d’eux-mêmes après avoir entendu expliquer sur le chemin, les merveilles du plan de salut révélé dans les Écritures, disait-il alors (31 mai 1980). Maintenant encore, aujourd’hui, le Christ vivant nous aime et nous présente son cœur comme la source de notre rédemption, semper vivens ad interpellandum pro nobis (Heb. 7,25). À chaque instant, nous sommes enveloppés, le monde entier est enveloppé, dans l’amour de ce cœur ‘qui a tant aimé les hommes et qui en est si peu aimé’. Ces derniers mots rappellent les plaintes du Sacré-Cœur à Paray-Le-Monial.

Puis ce fut le Pape Benoît et désormais le Pape François. Le 1er encourageait les belles liturgies et leurs ornements somptueux, le second met en garde contre un attrait trop mondain qui s’introduirait dans la sainte liturgie. Loin de les opposer, nous voulons obéir intelligemment à ces remarques successives, c’est-à-dire avec l’intelligence de la foi. La soutane élimée du Curé d’Ars allait bien avec les ors de sa chasuble. À l’inverse, une liturgie deviendrait pur théâtre sans la foi vive du grand mystère qu’elle célèbre.

Un article paru hier du pape émérite titre : Il n’y a qu’un seul pape, le pape François. L’unité de l’Église a toujours été plus forte que les luttes et les guerres internes, y dit-il (Vatican News 28 juin). La terre est un lieu plein de risques, mais la sécurité nous vient sans cesse du ciel de notre foi, gardée par celle de Pierre. Le Pape François, avec sa finesse jésuite qui déconcerte, a parlé du Pape Benoît dans l’avion le ramenant de Roumanie (2 juin 2019) : Chaque fois que je vais le voir je lui prends la main, je le fais parler. Il parle peu, lentement, mais avec la même profondeur et lucidité que toujours… En l’écoutant parler je sens les racines qui m’aident à aller de l’avant, je sens cette tradition de l’Église.

Le lendemain de la Fête du Sacré-Cœur est consacré au Cœur Immaculé de Marie. Cette année, Notre Dame cède la place aux saints apôtres, mais sa présence discrète et efficace est celle de la Mère de l’Église qui, surtout en ces dernières décennies, se révèle si pleine de sollicitude. Là où est Pierre, là est l’Église ; disaient les Pères (Ambr. In Ps. 40 & Irénée A.H. III,24,1) ; là où est Marie là est l’Église, peut-on dire aussi (D. Jean Roy, Contempler Marie, p. 173). Depuis un quart de siècle elle est l’abbesse de ce lieu-ci ; depuis Pentecôte, elle surveille avec sa prudence consommée les aléas de l’histoire de l’Église, amen.

Pentecôte 2019

Solennité de la Pentecôte

Dimanche 9 juin 2019, Notre-Dame de TRIORS.

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

L’évangile qui vient d’être chanté clôt le chapitre XIVème de S. Jean (Jn. 14,23-31). Il s’agit de la réponse du Seigneur à la 4ème et dernière question que venait de lui poser un disciple lors du dernier repas (14,22). S. Jude s’étonnait : les confidences extraordinaires du Seigneur ouvrent d’immenses perspectives ; pourquoi les réserver seulement au Douze, sans les proclamer au monde entier ? La raison en est simple et profonde, explique S. Augustin ; c’est tout simplement que Jésus est aimé des uns et non pas des autres. Et il poursuit : L’amour qui distingue et sépare les saints des partisans du monde, c’est cet amour qui inspire un même esprit aux fidèles qui, selon le psalmiste (Ps. 68,7), habitent dans une même maison, un même Cénacle ; plus précisément, cette demeure où le Père et le Fils résident, en répandant leur amour sur ceux à qui ils doivent se manifester un jour. Quant au monde hostile à Dieu, il répugne à cette invasion de l’amour de Dieu sur l’homme.

Pourtant, changement de décor : sept semaines après, au même endroit, le Cénacle s’ouvre au monde ; nous sommes au matin de Pentecôte. Tout se passe à la hâte, presque brutalement, avec un grand vent mystérieux qui brusque la porte du saint lieu (Act. 2,2) : vent mystérieux, vent du saint Mystère de Dieu se manifestant comme au Sinaï. La foule des Hébreux, alors, eut peur ; on supplia Moïse que Dieu cesse ses foudres et son grand vent, que Dieu ne parle qu’à Moïse (Heb. 12,18-21). Mais ici, on l’a entendu dans la lecture, malgré quelques moqueries, la foule des pèlerins est attirée et vient écouter Pierre parlant avec les autres apôtres dans toutes les langues de l’univers (Act. 2,5-11).

Dieu vient faire sa demeure en ceux qui gardent sa parole (Jn. 14,23), tandis que ceux qui la refusent, se placent hors de l’amour de Dieu (14,24). La leçon du Jeudi-Saint reste la même, mais la demeure divine s’élargit à l’échelle de l’univers : Spiritus Domini replevit orbem terrarum (Sag. 1,7) – l’Esprit du Seigneur remplit tout l’univers pour en reprendre posses-sion et mettre fin au divorce originel entre la création et son Créateur (Cf. Rom. 8,19s).

Maintenant que Jésus a quitté ses apôtres à l’Ascension, la présence divine se diffuse par le Saint-Esprit. Il assoit dans l’histoire humaine le règne de Dieu, fixant en nous, et, autant que faire ce peut, dans toute l’humanité, la présence divine, confirmant le nom messianique d’Emmanuel, Dieu-avec-nous. Le passage évangélique de ce matin prend tout son relief, autour des deux thèmes antinomiques : l’intimité inouïe avec Dieu et l’hostilité du Prince de ce monde qui œuvre en sens contraire.

Vingt siècles de christianisme ont permis à l’homme de découvrir sa propre demeure planétaire pour y annoncer le saint Nom de Jésus, Dieu-Sauveur, venu habiter en chaque homme et y faire Sa demeure. Le Prince de ce monde, le grand vaincu, n’accepte pourtant pas sa défaite. Par ses prestiges et la fascination qu’il exerce, il cherche à éloigner l’homme du plan de Dieu. Un athéisme désormais plus profond et plus subtil que les idéologies du siècle passé, brouille sa conscience. Dans son livre sans faille, le Cal Sarah, décrit ce bras de fer entre lumière et ténèbres. Jour après jour l’actualité ajoute ses confusions, anesthésiant peu à peu l’esprit de foi.

Pour le Cardinal guinéen, le Soir approche, et déjà le jour passe (Cf. Luc 24,29). Sous nos yeux, nombreux sont les disciples d’Émmaüs s’éloignant du salut, du pas lourd et déçu de leur incrédulité. Sous nos yeux, indifférence et mépris de Dieu engendrent mépris et haine de l’homme. Sans Dieu, le pire finit par arriver. L’homme finit pas être méprisé (Dostoïevski), et ce mépris touche tout l’homme, son passé, le présent et son avenir, sa famille, sa patrie et sa façon de vivre, il imprègne la notion même qu’il se fait du progrès, devenant peu à peu régression vers le désespoir et le suicide collectif.

Ce mépris se concentre contre le corps humain, par le biais de lois perverses. L’amour conjugal est depuis trop longtemps profané : on a mis en opposition, en divorce, la joie spécifique de l’union intime des époux, d’une part, et la vie, fleur de cette joie qui lui est génialement conjointe, de l’autre. Le débat des gens honnêtes dénonce les sophismes à ce sujet, mais on persiste et on veut signer. La technique parodie l’amour humain ; elle le frelate à l’infini, en en faisant de l’argent sale (op.cit., p. 219). Pour illustrer la 3ème Guerre mondiale, comme dit le Pape François, le Cardinal cite en exergue un texte de Péguy annonçant la 1ère (Cahiers de la Quinzaine IX,1, 1907) : Le monde moderne avilit. Il avilit la cité ; il avilit l’homme ; il avilit la femme. Il avilit la race ; il avilit l’enfant. Il avilit la nation ; il avilit la famille. Il avilit même, il a réussi à avilir ce qu’il y a peut-être de plus difficile à avilir au monde : il avilit la mort.

Pourtant, Notre-Dame de Paris est devenue un grand signe, en mondiovision ! L’accident tragique fait d’elle un Cénacle, béant sur le monde et ouvert vers le ciel. Et ce matin à S. Sulpice 400 baptisés sont confirmés dans l’Esprit-Saint. La statue blanche dans sa cathédrale reste inviolée, alors que tout autour d’elle est écrasé. Elle fait penser à Benoît XVI, orientant paisiblement vers le Bon Dieu et ses dons merveilleux, au dessus du grave discrédit que l’actualité porte sur Dieu et son Église. Je le cite : Nous devons avant toutes choses apprendre nous-mêmes à reconnaître Dieu comme le fondement de notre vie et à ne pas le laisser de côté comme s’il s’agissait d’une belle formule sans contenu réel (Klerusblatte, 10 avril 2019). Notre Dame nous met sans cesse en face du Dieu pour que nous ouvrions la porte de notre cœur au Sauveur, notre Emmanuel, Dieu demeurant parmi nous, amen.

ASCENSION 2019

Solennité de l’ASCENSION du Seigneur,

Jeudi 30 mai 2019, Notre-Dame de TRIORS.

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

La solennité de ce matin fait mémoire de l’Ascension de Notre Seigneur, 40 jours après Pâques (Mc. 16,14-20). La dernière conversation du Seigneur avec ses disciples relatée par le livre des Actes fait envisager un nouveau mode de présence du Christ avec nous (Act. 1,6-11). Le Seigneur Jésus quitte physiquement le monde visible, mais c’est pour se rendre présent plus intimement et plus efficacement dans notre vie pascale qui se nourrit des sacrements : ceux-ci nous donnent sans cesse sa vie : Pleins de joie, puisons l’eau de la vie, prophétisait Isaïe (12,3). L’évangile de S. Luc (24,49-53) associe cette effusion de joie à la prochaine venue du Saint-Esprit et, par là, la formation de l’Église, lors de la Pentecôte qui sera fêtée dans dix jours.

Au delà du ciel ouvert où disparaît dans la nuée le Corps de Jésus, le mystère de l’Ascension préfigure ainsi à divers titres pour les chrétiens le ciel ouvert de la vie éternelle. Étienne lorsqu’il affronta ceux qui allaient le lapider, vit le ciel ouvert et Jésus dans sa gloire (Act. 7,56). Aujourd’hui même, nous aussi avons accès au même mystère. L’oraison de la fête nous invite tous à habiter déjà au ciel à la suite d’Étienne et de tous les saints, in caelestibus, par la douce tension de la vie spirituelle ; oui, apprenons à voir notre vie comme le noviciat de notre éternité.

Le mystère de ce jour inspire aux saints, nos frères aînés et premiers de cordée, un zèle heureusement provocant. Par exemple, Guerric d’Igny au XIIème s. nous engage à ne pas ramper. Je le cite : Notre divin Sauveur, durant Sa vie mortelle, exerçait ses Apôtres à Le suivre dans son Ascension glorieuse, de même que l’aigle excite ses petits à voler et vole lui-même à l’entour pour les provoquer davantage. S’Il nous voit trop faibles, espérons qu’Il aura pitié de notre faiblesse, et qu’Il étendra ses grandes ailes, pour nous prendre dessus, et nous porter jusqu’au Ciel. Accordez-nous, Seigneur, de ne pas être des aiglons trop paresseux ou trop lâches. S. Paul s’est élevé jusqu’au troisième ciel : le moins que nous puissions faire nous autres, c’est de ne pas ramper.

Le Bx Pierre Vigne, notre voisin ardéchois, cite un auteur ancien reprochant au grand nombre d’aimer trop leur étable d’ici-bas, oubliant leur demeure véritable. Avec un autre saint, il commente le Viri Galilaei, qui a servi de chant d’entrée tout à l’heure : Ô Galiléens, pauvres voyageurs ! Pourquoi vous arrêter, âmes lâches ! Le travail que vous avez à faire est court, et la joie qui vous attend est éternelle… Vous regardez le ciel, et en même temps vous le négligez ! Sachez qu’on ne l’acquiert pas avec les yeux seulement, mais avec de saintes élévations du cœur et de saintes occupations.

Pourtant, nous le savons bien, dédaigner le créé ne saurait honorer le Créateur ; bouder la terre n’honore pas le ciel. Ce que Dieu attend de nous, c’est d’arracher tout désordre dans notre regard sur le créé : voilà le combat implacable et de tous les instants, jusqu’au bout. Selon S. François de Sales, l’amour propre ne meurt qu’après notre corps (Lettre, 7 juillet 1620). Le combat spirituel fait partie du gémissement de la création en attente de la plénitude du salut, ce dont parle S. Paul (Rom. 8,20-23) : La création a été assujettie à la vanité, non pas de plein gré, mais par la volonté de celui qui l’y a soumise. Néanmoins elle a l’espérance d’être un jour affranchie de cette servitude, de devenir partie prenante de la liberté glorieuse des enfants de Dieu. Nous aussi qui avons les prémices de l’Esprit, conclut S. Paul, nous gémissons avec elle, attendant l’adoption la rédemption de notre corps, sauvés que nous sommes déjà en espérance.

Per admirabilem Ascensionem tuam, libera nos Domione. Les saints, libérés de leurs ambi-guïtés, admirent pleinement le mystère de ce jour avec de belles formules : Ô mon très aimable Jésus, que j’ai de la joie de Vous considérer dans la magnificence et dans les grandeurs de Votre triomphante Ascension ! (Père d’Argentan +1680). À nouveau, mettons nous à l’école du Bx Pierre Vigne, si accessible et si ardent à la fois : Avec le secours de ta grâce, Jésus mon Sauveur, jamais je n’oublierai ta bienheureuse Passion, qui est la cause de mon bonheur. Jamais je n’oublierai ta glorieuse Résurrection qui me fortifie dans la foi et dans l’espérance de ressusciter comme toi. Jamais je n’oublierai ton Ascension qui m’a tracé le chemin de mon bonheur. Il poursuit en nous orientant vers la sainte Eucharistie : Ton Sacrement me propose ces trois mystères que j’y adore. De grâce, achève en nous ton grand ouvrage, afin que nous puissions te louer éternellement des dons que tu nous faits et que nous t’offrons… Oui, je crois que Tu es présent dans cette Sainte Hostie (Heures Nouvelles, 1ère partie, p. 160).

Ste Jeanne d’Arc a été brûlée sur le bûcher de Rouen un 30 mai, tout comme aujourd’hui. Avec S. Étienne et tant d’autres saints, elle a vu alors les cieux s’ouvrir pour elle. Elle reçut au petit matin pour la dernière fois la Communion en prison, puis fut immédiate-ment conduite au supplice sur la place du Vieux Marché. Elle demanda à l’un de ses prêtres de tenir devant le bûcher une croix de procession. C’est ainsi qu’elle mourut en regardant Jésus Crucifié et en prononçant plusieurs fois et à haute voix le Nom de Jésus (Benoît XVI, 26 janvier 2011). L’expression de la foi de l’Église est bien là, associant Passion et Ascension. Notre Dame Mère de l’Église nous apprend cela devant l’Eucharistie : Oui, je crois que Vous êtes présent dans cette Sainte Hostie. Mais, Seigneur, fortifiez la faiblesse de ma foi. Beau Soleil du monde, remplissez mon âme de votre Lumière (Cf. Bx Pierre Vigne). Amen.

 

Pâques 2019

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Dimanche 21 avril 2019, Solennité de Pâques,

Notre Dame de TRIORS.

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

Pâques commence par une veillée funèbre, empreinte d’une grande pudeur, mais toute marquée aussi par la ténacité propre aux femmes, face à l’énigme de la pierre roulée. Un peu en retrait, les hommes aussi sont en deuil. S. Marc nous parle en effet ce matin de trois femmes venues embaumer un mort envers et contre tout (16,1ss). Demain S. Luc évoquera deux hommes s’éloignant de la Ville Sainte l’âme lourde, engourdis par le même deuil (24,13s). La mort rodait autour de la première Pâque chrétienne, avant que n’éclate le ferme message de l’ange, puis la Présence du Ressuscité, si peu théâtrale humainement parlant à dire vrai. Pourtant les deux pèlerins d’Émmaüs en sortent le cœur tout brûlant (24,32), et auparavant la rencontre au Jardin avec Madeleine sous la plume de S. Jean devient une merveilleuse icône du Cantique des cantiques (20,11-15). Et en tout premier lieu de façon à la fois plus rationnelle et plus modeste, S. Jean aura décrit la foi pascale de Jean et de Pierre, lors d’une apparition qui honore le privilège apostolique (Jn 20,1-8 & Luc 24,34). La vie s’impose ici doucement et fermement face à la mort.

Sous diverses formes, la mort rode aussi en notre actualité, tandis que la vie pascale cherche à se frayer un chemin chez des saintes femmes et en des disciples toujours un peu trop lents à croire (Luc 24,25). Vraiment, nous vivons toujours cette question de vie ou de mort, mors et vita duello. Notre société imbue d’elle-même a du mal à désirer voir le Ressuscité, ne se remettant pas assez en cause pour s’ouvrir en toute confiance à Lui. Comme sur le chemin d’Émmaüs, elle se traîne lourdement, dans un climat d’irres-ponsabilité qui flatte la faiblesse humaine, s’endettant à n’en plus finir, car le vice coûte très cher, discréditant sans vergogne la vertu et l’innocence. Depuis l’avortement, la contraception, depuis le divorce encouragé, il faut mentir de plus en plus sur l’homme, en diffusant de façon contagieuse le mal comme une radiation radioactive. Les dénis issus des compassions déréglées obligent à toujours plus d’hypocrisie, dans un enchaînement démoniaque qui pousse la victime à la tentation de devenir elle-même prédateur : si mal aimé, si mal accueilli, l’homme devient dangereux. Triste, il attend Jésus sur sa route.

Pourtant des victimes d’abus ont su briser le mur de leur silence ; en libérant leur fardeau trop longtemps comprimé, elles sonnent le tocsin de ces dénis. Dire victimes d’abus fait allusion bien sûr d’abord à l’enfance et à l’innocence profanées. Au delà, elles dénoncent l’ensemble des attitudes mortifères liées au relativisme moral. On attend toujours du personnel de l’Église qu’il fasse ressortir davantage la fécondité du grand mystère de l’Église, en sachant rejoindre leur cri, pour être enfin le phare et la colonne de la lumière révélée qui sauve l’homme ; puisse-t-elle se libérer pleinement et résolument de toute connivence avec un pouvoir temporel parjure.

Des victimes qui, dans leur épreuve, gardent précieusement la foi pascale, souhaitent nous entraîner à fêter la Miséricorde, don du Ressuscité. Leur prière peut rejoindre beaucoup d’entre nous qui portons de rudes fardeaux à offrir :

Nous avons été objets de mépris, abandonnés des hommes ; hommes et femmes de douleur, familiers de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face ; méprisés, on ne faisait (et souvent encore on ne fait) aucun cas de nous (Is 53,3). Meurtris, transpercés à cause des crimes, nous attendons la délivrance, pas seulement en paroles, mais surtout en actes. Nous croyons que Jésus est notre berger qui a porté la croix et qu’il porte encore dans le cœur et le corps des personnes victimes ce lourd fardeau des abus de toute sorte. Puis, élargissant leur épreuve en priant pour la conversion de ceux qui les blessèrent, elles poursuivent avec Isaïe : Le Seigneur porte les péchés des multitudes, s’identifiant aux victimes et intercédant aussi pour les criminels… Que vienne le temps favorable où Dieu nous exaucera, que vienne le jour du salut où il nous secouera parce que le cri de notre prière sera monté au ciel. Que le Christ notre Sauveur vienne nous tirer de l’ombre et des ténèbres de la mort.

Avec l’agrément du Pape François, le Pape émérite Benoît XVI vient de dire son sentiment sur ces désordres enchevêtrés dont le poids l’a sûrement poussé à se démettre de sa charge (article dans Klerusblatt). Benoît XVI voit la cause d’une recrudescence de ces maux dans la perte de repères moraux normatifs dans l’enseignement catholique depuis plusieurs décennies, avant de dénoncer l’abus introduit dans la sphère liturgique qui a vocation de purifier les consciences et les mœurs. Comme tout baptisé, les ministres du culte ne sont pas dispensés de se considérer serviteurs inutiles, comme dit le Seigneur (Luc 17,10). Il attend d’eux pourtant qu’ils mettent la main à la pâte ; mais hélas, les serviteurs sont peu avisés, la parabole dénonce le zèle attiédi, comparé à celui des ouvriers du Prince de ce monde (Luc 16,8). Mais que dire alors si, peu à peu, par évanescence progressive du sens surnaturel, ils œuvrent eux-mêmes plus ou moins consciemment pour ce dernier, devenant alors des serviteurs méchants et cruels dont parle encore l’évangile (Luc 12,45s) ? Avoir la foi, ici, ce n’est pas tant bien en parler, que surtout bien vivre ses exigences pascales, vivre de Dieu et non de l’esprit de la chair.

La cathédrale de Paris est subitement devenue le grand signe des points faibles de notre temps, tout en ouvrant l’heureuse perspective d’un regard pascal vers Jésus, regard de foi, comme celui de Madeleine ou des pèlerins d’Émmaüs. La cathédrale est à genoux, disait l’archevêque (messe chrismale, 17 avril), mais la ruine matérielle n’atteint pas l’âme. La différence entre un tas de pierres et une cathédrale, poursuivait-il, est la même qu’entre un amas de cellules et une personne humaine : tas de pierres et amas de cellules ne sont qu’amoncellement informe. Mais dans une cathédrale, dans une personne humaine, il y a un principe d’organisation, un principe d’unité, une intelligence créatrice, et Dieu est là. De plus la cathédrale est ointe lors de sa dédicace et le reste ; le baptisé-confirmé est oint pour toujours. L’édifice matériel, s’il brûle, fait monter comme un encens sur notre temps la prière des siècles chrétiens qui l’ont construit et entretenu.

La Mère de Dieu à Pâques semble en retrait, la foi seule devine sa place singulière et la vigueur de sa propre foi au matin de Pâques. Le futur Pie XII prêchant à Notre Dame de Paris, justement, peu avant la guerre la voyait toujours sereine en sa calme et pacifiante gravité, semblant répéter sans relâche à tous ceux qui passent : Orate, fratres (13 juillet 1937). Oui, elle nous apprend à prier pour entrer dans la joie pascale victorieuse sur le monde, amen, alleluia.

Jeudi Saint 2019

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Jeudi Saint 18 avril 2019, Messe de la Cène ,

Notre Dame de TRIORS.

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

Le Bon Dieu a prévu ce rendez-vous au Cénacle dès les origines. La scène évangélique de ce soir est pour Lui un point d’arrivée patiemment attendu. Depuis la création d’Adam qui fut une conversation avortée, Dieu l’attendait, tel le père patient d’un prodigue faisant sa crise d’indépendance, claquant la porte et parti au loin (Cf. Luc 15,12s). Dieu alors appela Abraham, encore nomade, puis la vie du peuple hébreu fut une longue errance, mais cette fois guidée par Dieu Lui-même. Et Il fait maintenant quelque chose de nouveau sous le soleil de l’histoire (Cf. Eccle, 1,9). Les 40 ans de l’Exode avaient été mal tolérés, l’exil provoqué par notre nuque raide ne fut pas mieux compris. Mais l’heure est venue, et Dieu nous invite au banquet, dans sa demeure stable du Cénacle.

Dès lors, l’homme, las d’être prodigue, n’est plus loin de Lui. Devant Jésus, il perd son statut d’étranger. Devant Dieu il n’est plus l’hôte fugace qui Le frôle comme une ombre. Enracinée sur le fondement des apôtres, l’humanité trouve son salut et la paisible cohérence de son destin dans l’appui assuré sur son Sauveur, pierre d’angle de la demeure de Dieu parmi les hommes (Apoc. 21,2). Nous nous savons tous maintenant invités dans la Cité de Dieu, appelés à l’intimité avec le Seigneur (Cf. Eph. 2,19s). Le mystère du Cénacle commence à révéler les magnalia Dei, les grandes Œuvres de Dieu (Cf. Act. 2,11).

Pour commencer à apprivoiser l’homme prodigue et rebelle, Jésus avait commencé sa vie publique sur le registre de la vie nomade, tout comme Abraham. Il n’avait pas de pierre pour reposer sa tête (Cf. Mt. 8,20), pas plus que Jacob errant sur ses routes d’angoisse (Gen. 28,11). Étant avec Jésus, les apôtres ne s’en plaignaient pas, encore si peu au fait de ce qu’Il attendait d’eux : sa présence leur suffisait. Pour Pierre en particulier, cela suffisait ; au Thabor il eut volontiers prolongé, l’essentiel pour lui étant d’être avec le Maître (Cf. Mt. 17,4). Mais ses pieds n’étaient pas lavés alors.

Et maintenant voici les Douze face au grand Mystère du salut qui est aussi celui de la grande rencontre de l’humanité avec Dieu. La plume inspirée de S. Jean nous y introduit avec une sobre solennité qui pique l’intérêt. Il y voit l’Unique Nécessaire se dévoiler peu à peu, derrière les gestes contingents de ce repas sacré. Même, intrigué par ce qu’il jugeait être une mise en scène inappropriée, Pierre eut du mal à entrer dans cette solennité, il s’opposa aux paroles et aux gestes du Seigneur comme on vient de l’entendre (Jn. 13,6-10).

Ayant aimé les siens qui étaient dans ce monde, le Seigneur les aima jusqu’à la fin (Jn. 13,1s), jusqu’à l’extrême, jusqu’au bout, d’une façon inouïe que l’évangéliste laisse entrevoir à ceux qui sont capables d’admirer. À la différence des trois synoptiques et de S. Paul, le IVème évangile ne donne pas le récit de l’institution de la Sainte Eucharistie, le supposant connu. En revanche, il nous fait pénétrer très avant dans ce que ce mystère a d’insondable. Le culte eucharistique adore et glorifie le Corps et le Sang de Jésus présents sous le voile des espèces sacramentelles : il est là pour nous accueillir, pour rester toujours avec nous, Emmanuel. La sainte Eucharistie a pour objet la Personne même du Sauveur en son état sacramentel. Puissions-nous l’accueillir candidement comme cet enfant qui dit à un parent : On va à la messe, et tu sais, Jésus, il va descendre de sa croix pour venir dans mon cœur, et je vais le serrer très fort.

L’esprit rationaliste que nous impose l’air du temps, voudrait lui aussi étreindre le mystère, non pas pour aimer et vénérer, mais en esprit propriétaire et réducteur. À Fatima les trois enfants reçurent de l’ange la façon d’adorer l’ineffable comme il faut. Comme l’ange, la vraie théologie introduit au mystère en nous maintenant dans le respect et la joie intime, loin de toute inquiétude. Si Dieu s’approche de nous ainsi, s’Il est avec nous ainsi, que pouvons-nous craindre (Ps. 26,1) ? In finem dilexit nos (Jn. 13,1). Le chrétien ne sait plus assez regarder cet amour de Dieu qui se donne jusqu’au bout ; pire il l’oublie trop souvent. Aussi, la divine Providence a-t-elle éclairé certaines âmes pour relancer sans cesse notre dévotion à cette plénitude d’amour venu jusqu’à nous, le Cœur Eucharistique. Il le fit à Paray-Le-Monial comme à Vilnius avec Marguerite et Faustine, il le fit avec Dina Bellanger au Canada dans le début du siècle passé (1897-1929), comme avec Sophie Prouvier au siècle précédent (1817-1891), et pas loin d’ici.

Le Père Garrigou-Lagrange rapproche du mystère du Cénacle celui du Jourdain où le Baptiste se plaint qu’au milieu de nous, il y a quelqu’un que nous ne connaissons pas (Jn. 1,26). Le grand théologien nous fait connaître les plaintes du Cœur Eucharistique, Cœur délaissé, oublié, méprisé, outragé, méconnu des hommes. En retour il épelle aussi avec soin la belle litanie des qualités de ce Cœur, aimant nos cœurs, patient à nous attendre, pressé en revanche de nous exaucer, Cœur désirant qu’on le prie, foyer de nouvelles grâces, Cœur silencieux voulant parler aux âmes, doux refuge de la vie cachée et maître des secrets de l’union divine.

L’enfant pense naïvement faire descendre Jésus de sa Croix pour le presser sur son cœur. Il ne peut savoir encore que Jésus nous apprend aussi à monter sur sa Croix avec lui, confiant à sa sainte Mère pour nous y initier cette science désirable et redoutable. En effet, la nouvelle Ève vient sans cesse au secours des fils d’Adam pour les confier à Jésus. À Cana, ce n’était pas l’Heure encore, la voici enfin : le disciple bien-aimé pose la tête sur le Cœur de Jésus, quoniam parata sunt omnia, et la Mère de Jésus est debout juxta Crucem (Cf. Luc 14,17 & Jn. 19,25), amen.

Solennité de St Benoît, Jeudi 21 Mars 2019

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Transitus de N. Bx Père Saint Benoît, jeudi 21 mars 2019,

Notre Dame de Triors.

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

Il y a juste 25 ans, le Très Révérend Père abbé Dom Antoine Forgeot célébrait pour la dernière fois ici le Saint Sacrifice, en cette fête du Transitus de N. Bx Père S. Benoît. Après avoir pris sur lui tout le poids de la fondation initiée en 1984, après avoir aidé ses premiers pas avec soin, après l’avoir aimée avec une grande intelligence surnaturelle, il venait d’obtenir du Saint Siège que notre maison soit désormais élevée à l’autonomie juridique. Puis au terme de la Sainte Messe que j’ai concélébrée alors avec lui, il nommait le premier abbé de cette maison, Domus Aurea – Domus Mariae. Notre communauté avait de quoi être tentée de craindre la suite et d’interroger le Seigneur avec anxiété : Quid erit nobis, que va-t-il nous arriver ? C’est la question que S. Pierre posa au Seigneur avec simplicité et cette pointe d’anxiété, lorsqu’il vit que les exigences d’être à son service avaient fait fuir des vocations pourtant belles et sincères (Mt. 19,27-29).

En effet Pierre avait entendu les paroles du Sauveur au jeune homme riche, remarque Origène : Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous avez, et donnez-en le prix aux pauvres. Et il vit ensuite cette belle âme s’en aller toute triste, se rendant compte combien il était difficile pour un riche d’entrer dans le royaume des cieux. Il interroge donc le Sauveur avec confiance, poursuit Origène, dépassant l’empire de la peur ou de l’effroi inquiet, nous indiquant ainsi à nous aussi la disposition à cultiver en l’occasion. Pierre s’adresse donc au Sauveur avec la confiance que nous voulons prendre comme modèle : Prenant la parole, il lui dit : Voilà que nous avons tout quitté, qu’en sera-t-il de nous ?

Sa confiance à lui n’est pas fragile comme la nôtre. Elle s’exprime avec foi et en même temps avec candeur. Certes la suite de l’évangile soulignera ses défauts, surtout la présomption qui a entravé, stérilisé même son amour pour Jésus, au point qu’il en vînt à le renier pour n’avoir pas compris le conseil d’humble modestie qu’il requérait de lui : c’était au seuil du Grand Vendredi de notre Rédemption. Il faut que nos paroles soient enflammées, non par des cris et des actions démesurées, mais par l’affection intérieure, remarque avec beaucoup de justesse St François de Sales avant de poursuivre : Il faut qu’elles sortent du cœur plus que de la bouche.

St Benoît dont nous fêtons le glorieux trépas donne l’exemple de cette confiance, non pas verbale et un tantinet théâtrale, mais sortant du cœur plus que de la bouche. On voit cela à Vicovaro comme en face de l’envieux Florentius, ou encore durant la famine en Campanie. Il a vécu le premier ce qu’il enseigne dans sa Règle, spécialement la discretio, cet équilibre remarquable de sérieux, de recueillement et de discernement à toute épreuve qu’il requiert de l’abbé aux cc. II et LXIV. Il impose à l’abbé, et par ce dernier à tous et à chacun, de vivre pleinement l’adage évangélique : Recherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, le reste viendra en son temps comme une valeur surajoutée (Cf. Mt. 6,33). Plus près de nous, Dom Guéranger a su souffrir de façon héroïque pour maintenir autour de lui le primum quaerere. Dépourvu de tout, il a restauré la vie monastique à Solesmes avec sa foi et ses grands désirs de Dieu, pour lui et pour ceux auxquels il a rouvert le chemin du cloître.

Malgré les limites, malgré les bévues et même des erreurs et lâchetés qui ont fait souffrir, voire scandalisé des âmes, le Bon Dieu ne s’est pas montré « manchot » avec nous en ces 25 ans ; le surcroît est venu même avec une certaine magnificence, due sans aucun doute au fait qu’il voulait honorer promptement sa Sainte Mère en son jardin d’enfants. S’il en est bien ainsi, nous sommes alors d’autant plus invités à chercher Dieu en tout premier lieu et sous la conduite de Notre Dame, si vere Deum quaerit. Prenons l’adage de S. Mathieu comme la consigne absolument nécessaire, notre Unique nécessaire : la Règle le prescrit, nos Pères abbés du ciel depuis près de deux siècles l’ont vécu bien nettement, en contraste avec un univers qui se montre si récalcitrant, réfractaire et insensible, mettant la doctrine divine en sourdine et la ridiculisant.

Mais ce monde cruel est à bout et exsangue, il est devenu stérile des vraies valeurs qui honore la dignité humaine et son ouverture au divin. Un sensualisme rampant défigure jusqu’à ceux qui sont censés parler de Dieu, donnant l’illusion horrible que la colonne de vérité ne serait qu’une « déchetterie » de plus en notre univers, déshonorant la dignité chrétienne et simplement humaine. Mais Dieu n’est pas dans ce fracas, dans ces séismes ni dans les tsunamis médiatiques. Non, mais il est toujours là dans la brise légère pour ceux qui sont prêts à L’écouter, si vere Deum quaerit. Et ils sont nombreux ceux qui, humblement, dans de ferventes catacombes que nul ne repère, ne fléchissent pas le genou devant les idoles du monde moderne. À l’unisson avec ces martyrs cachés, la vie monastique dans l’invisible communion des âmes fait revivre ce qu’Origène lit encore dans l’évangile de ce jour.

Dès cette vie, commente-t-il en effet, pour les frères selon la chair que nous avons quittés, nous trouvons un grand nombre de frères selon la foi, nous aurons pour pères tous les évêques et les prêtres tout purs, et pour enfants tous ceux qui sont dans l’âge de l’innocence. Nous aurons encore surtout pour frères les anges. Champs et maisons, ce sont les demeures préparées à n’en plus finir dans le repos du paradis et dans la cité de Dieu ; et ce qui est bien sûr au-dessus de toutes ces récompenses, nous recevrons la vie éternelle. Voilà ce qu’obtient de façon assurée le si vere Deum quaerit.

Aussi le Père alexandrin exhorte-t-il alors ceux qui ont fait profession d’obéir ainsi à la parole de Dieu, à se hâter de s’élever jusqu’à la perfection, se gardant d’imiter ceux qui vieillissent mal dans une foi languissante. Mieux qu’Origène, c’est l’Immaculée qui encourage toutes les petites âmes avec les moines de courir de l’odeur de ses parfums de pureté, d’innocence et de ferveur, dans sa belle Maison d’Or qu’est la sainte Église, arrachée aux fastes trompeurs de la Maison de Néron, domus aurea corruptibilis. Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous, gardez votre domaine dans l’humilité et la simplicité de la foi, amen.