Noël messe du jour 2022

+

Solennité de la Nativité du Seigneur
Messe du jour

Dimanche 25 Décembre 2022

 

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

 

Voici les décorations de Noël, voici les aimables et chaleureuses coutumes. Elles sont bonnes, elles nous signalent, elles nous indiquent quelque chose de grand. Dépassons-les donc. Rappelons-nous pourquoi tout cet apparat. C’est d’abord qu’un enfant nous est né. L’atmosphère est à la joie. Allons plus profond, car ce n’est pas une naissance comme les autres. Oui, mystère de foi, c’est la naissance du Verbe de Dieu, qui vient partager notre condition humaine, nous éclairer et nous rendre la vie éternelle !

Quelques mots de l’Évangile résonnent en effet encore à nos oreilles émerveillées : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ». C’est par cette grandiose présentation du Seigneur Jésus que l’apôtre saint Jean ouvre son Évangile ; saint Jean qui a vécu trois ans aux côtés du Verbe de vie. Il a contemplé par quel chemin Dieu est venu nous délivrer de la mort. « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ».

En ce jour divin, méditons donc ces mots. Recueillons-nous et adhérons toujours plus à la vérité de cette phrase : « la vie est la lumière des hommes ». Regardons ce nourrisson qui repose dans une minable mangeoire, et redisons : « En lui est la vie ! »

Il éclaire notre regard sur la vie. Il révèle la dignité de toute vie humaine.

Déjà, pendant l’avent, nous l’avons adoré dans le sein de Marie. Nous avons imité son cousin Jean et nous avons exulté à l’approche du divin embryon. Tous ces derniers jours, au début de l’office nocturne, nous chantions : « Prope est jam Dominus, venite adoremus — Le Seigneur est désormais tout proche, venez, adorons-le » encore caché dans l’écrin virginal. Si nous l’adorons, c’est que la personne divine est déjà présente. Cela signifie aussi que tout enfant à naître est déjà une personne. Jésus n’était pas né, et déjà il nous rappelait la dignité de l’homme dès sa conception.

Oui, la valeur de la vie humaine dépasse singulièrement les aptitudes plus ou moins développées à entrer en communication avec l’entourage.

Dans un très beau texte approuvé et encouragé par le Saint Père en 2020, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a développé une réflexion qui peut nous aider en ces jours où l’on menace d’aggraver la législation contre la vie humaine, contre la vie humaine en son commencement et en son achèvement sacrés. Il s’agit de la lettre Samaritanus bonus. Elle nous rappelle comment Noël révèle la dignité de l’homme :

Dieu s’est fait Homme pour nous sauver, nous promettant le salut et nous destinant à la communion avec lui : c’est là le fondement ultime de la dignité humaine.

Mais la dimension surnaturelle n’est pas seule à garantir la valeur de la vie humaine. La sagesse naturelle reconnaît « dans la vie humaine le premier bien commun de la société », et cela est un discours que doivent pouvoir entendre nos contemporains :

L’Église affirme le sens positif de la vie humaine comme une valeur déjà perceptible par la droite raison, que la lumière de la foi confirme et valorise dans sa dignité inaliénable. Il ne s’agit pas d’un critère subjectif ou arbitraire, mais bien plutôt d’un critère fondé sur la dignité naturelle et inviolable – puisque la vie est le premier bien en tant que condition de la jouissance de tout autre bien – et sur la vocation transcendante de tout être humain, appelé à partager l’Amour trinitaire du Dieu vivant : « l’amour très particulier que le Créateur a pour chaque être humain “lui confère une dignité infinie” ». La valeur inviolable de la vie est une vérité primordiale de la loi morale naturelle et un fondement essentiel de l’ordre juridique. De même que nous ne pouvons accepter qu’un autre homme soit notre esclave, même s’il nous le demande, nous ne pouvons choisir directement de porter atteinte à la vie d’un être humain, même s’il l’exige1.

Du Verbe, saint Jean écrivait que « en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ». Notre condition actuelle nous laisse dans un clair-obscur qui appelle une pleine lumière. Saint Bernard a écrit la valeur de cette ombre qui nous mène au grand jour :

Le Prophète le dit expressément en parlant du Christ : « Le Christ, Notre-Seigneur, est notre souffle, vivons à son ombre parmi les nations2. » Car dans la béatitude céleste, on ne vit plus à son ombre, mais dans le rayonnement de sa lumière. « Dans tout l’éclat des saints, je t’ai engendré avant l’aurore3. » Tel est le langage du Père. Mais la Mère ne l’a pas engendré dans la lumière, elle l’a conçu dans cette ombre dont l’a couverte le Très Haut4.

Réjouissons-nous d’appartenir à l’amitié d’un si grand Sauveur. Nous sommes invités à devenir amis intimes du Verbe éternel qui se fait tout petit pour que nous puissions le porter, comme Marie et Joseph. « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ».

Amen.

 

1Suite : Par conséquent, supprimer un malade qui demande l’euthanasie ne signifie pas du tout reconnaître son autonomie et la valoriser, mais signifie au contraire méconnaître la valeur de sa liberté, fortement conditionnée par la maladie et la douleur, et la valeur de sa vie, en lui refusant toute possibilité ultérieure de relation humaine, de sens de l’existence et de croissance dans la vie théologale. De plus, on décide du moment de la mort à la place de Dieu. Pour cette raison, « l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré […] corrompent la civilisation, déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l’honneur du Créateur ».[29]

2Lm 4, 20.

3Ps 109, 3 ; antienne de communion de la Messe de minuit.

4Saint Bernard, L’Aqueduc, n. 1 et 2, éditions du Seuil, p 881-882.

Noël minuit 2022

+

Solennité de la Nativité du Seigneur
Messe de minuit

Dimanche 25 Décembre 2022

 

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

 

Un Ange annonce à quelques pasteurs la naissance du Christ Seigneur. Le Sauveur issu de la lignée de David, c’est un nourrisson, serré dans ses langes, couché dans une mangeoire.

Le monde étincelle ce soir de feux contradictoires : d’un côté les cités, où règne habituellement le bleu blafard de nos écrans, ces cités se revêtent pour quelques jours d’illuminations festives dont on voudrait pourtant oublier le sens originel ; et de l’autre jaillissent les feux rougeoyants des tirs d’artillerie. Ces deux genres de lumière ont pourtant un point commun : elles ont oublié cet Enfant, véritable étoile qui vient illuminer les nations.

Mais l’Église ose trancher sur ce paysage. Elle nous rassemble au cœur de la nuit. Elle ose perturber le rythme du repos corporel, parce qu’elle sait l’enjeu singulier de cette nuit. Il faut fêter un anniversaire sans égal : la naissance du Verbe éternel dans une chair humaine.

Aujourd’hui comme il y a deux millénaires, les situations sont un peu équivalentes. Qui prêtait alors attention à la naissance de Jésus ? Qui prend garde aujourd’hui à sa venue sur les autels dans les pauvres églises, entouré d’une assistance restreinte ?

Pourtant, il s’agit de l’événement central de l’histoire de l’humanité : la présence du Verbe incarné sur terre. Dieu a assumé notre nature pour nous délivrer du péché par la Croix et la Résurrection. Il est venu, et il demeure sur cette terre concrète qui nous porte aujourd’hui. C’est à partir de sa naissance que se comptent les années que Dieu nous donne.

L’Église, sous la forme d’une prière extrêmement concise, résume le cœur du mystère de cette nuit. Il ne s’agit pas tant de nous émerveiller des montons, des pasteurs ou même des Anges. Nous sommes appelés à regarder, à vivre même du don de Dieu. Dieu a pris la nature humaine pour que nous participions à sa nature divine. Regardons cela, oui. C’est l’objet de tous nos désirs. Et ce que nous désirons nous est donné. La prière dont il s’agit, c’est la secrète de cette Messe de minuit :

Seigneur, recevez volontiers l’oblation, l’offrande, que nous vous présentons dans la solennité d’aujourd’hui ; faites, par un don de votre grâce, qu’au moyen de ce saint et sacré commerce, nous soyons trouvés semblables à Celui en qui notre nature (substantia) est unie à la vôtre.

Oui, Dieu nous propose un commerce, un marché. Nous accueillons le don de Dieu, cet Enfant qui est dans une mangeoire. Nous le recevons dans nos cœurs par la sainte Eucharistie. Nous reconnaissons que nos cœurs ressemblent beaucoup à la pauvre mangeoire. Et nous devenons ce que nous recevons, nous devenons semblables au Christ, nous devenons membres du Corps du Christ, nous sommes partie prenante de l’Église. Dieu nous aime chacun, personnellement, à la folie, au point de nous proposer un tel marché.

Que la Vierge Marie bénisse chacune de nos communions, et en particulier celle de cette nuit. C’est elle qui a été la première à porter et à donner le Corps du Christ.

Amen.

Immaculée Conception 2022

+

Solennité de l’Immaculée Conception

8 Décembre 2022

 

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

« Par un seul homme, [Adam,] le péché est entré dans le monde, et […] par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché. » (Rm 5, 12) Par ces paroles, saint Paul énonce la contagion universelle du péché originel. Le péché originel est un fait, et tout homme le contracte avec la vie. Nous en constatons chaque jour les tristes suites.

Pourtant, l’Église fête aujourd’hui la préservation de la Vierge Marie, immunisée dès sa conception de toute contagion du mal. Il y a eu « dérogation consentie par Dieu lui-même à une loi générale qu’il a posée, et que la Révélation nous intime dans les termes les plus absolus1 » par la voix de saint Paul.

Alors qu’il n’était que séminariste, l’abbé Prosper Guéranger a vécu une conversion intérieure radicale. Il a appris à joindre en tout domaine à sèche la rationalité l’onction de Dieu bien plus enveloppante. Il nous le raconte ainsi :

La très miséricordieuse et très compatissante reine Marie Mère de Dieu vint à mon aide d’une manière aussi triomphante qu’inattendue. Le 8 décembre 1823, je faisais le matin ma méditation avec la communauté, et j’avais abordé mon sujet (le mystère du jour) avec mes vues rationalistes comme à l’ordinaire ; mais voici qu’insensiblement je me sens entraîné à croire Marie immaculée dans sa conception ; la spéculation et le sentiment s’unissent sans effort sur ce mystère, j’éprouve une joie douce dans mon acquiescement ; aucun transport, mais une douce paix avec une conviction sincère. Marie avait daigné me transformer de ses mains bénies, sans secousse, sans enthousiasme : c’était une nature qui disparaissait pour faire place à une autre. Je n’en dis rien à personne, d’autant que j’étais loin encore de sentir toute la portée qu’avait pour moi une telle révélation. J’en fus ému sans doute alors ; mais je le suis bien autrement aujourd’hui que je comprends toute l’étendue de la faveur que la très sainte Vierge daigna me faire ce jour-là2.

Il conserva pour le restant de sa vie cette douceur intérieure qui ne se contente pas d’enchaîner froidement les arguments théologiques.

En 1849, le Pape Pie ix avait invité les évêques à réfléchir sur la doctrine de l’Immaculée Conception. Dom Guéranger rédigea un Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception qui parvenait à cette conclusion : « L’Immaculée Conception de Marie est une vérité révélée par Dieu ». Le 8 Décembre 1854, ces mots furent textuellement repris par le bienheureux Pie ix, dans la bulle Ineffabiblis Deus qui définissait solennellement ce dogme.

Si l’Écriture et la Théologie ne suffisent pas à montrer que l’Immaculée Conception est révélée par Dieu, Dom Guéranger nous rappelle que la Parole de Dieu ne nous parvient pas uniquement par ce qui est contenu dans les Livres Saints, mais aussi par la grande Tradition « de qui nous avons reçu l’Écriture elle-même, et qui seule nous en donne la clé3 ». Selon le premier Abbé de Solesmes, la Tradition « n’est autre chose que l’Église elle-même croyant et professant telle et telle doctrine4 ».

Au xiie siècle l’Église de Lyon avait enrichi son calendrier d’une fête de l’Immaculée. En Angleterre, cette fête avait commencé dès la fin du xie siècle, sous l’impulsion de saint Anselme. Et Dom Guéranger s’applique à citer, pour chacun des siècles précédents, textes et mentions liturgiques. Paul Diacre, par exemple, moine au Mont Cassin au viiie siècle, écrivait à propos d’Adam :

Ayant aspiré les poisons du serpent ennemi, le père des humains tomba dans la mort ; le virus qui l’avait atteint a infecté sa race tout entière et l’a frappée d’une plaie profonde. Mais le Créateur, ému de compassion et contemplant du haut du ciel le sein de la Vierge, exempt de cette souillure, veut s’en servir pour donner au monde languissant sous le poids du péché, les joies du salut5.

Dom Guéranger cite aussi saint Ambroise qui s’offre à Dieu par les mains de la « Vierge sans souillure, une Vierge exempte, par grâce, de toute tâche de péché6. » Et le Père Abbé de Solesmes remonte même à la plus haute antiquité, d’où nous parvient une lettre sur le martyre de saint André, où l’apôtre proclame que, « le premier homme ayant […] été créé de la terre encore immaculée, il fallait que d’une Vierge immaculée naquît l’homme parfait7 ».

Ainsi, la conception immaculée de Marie a été révélée par Dieu : « la connaissance de ce fait, les Apôtres l’ont reçue de la bouche de leur maître, l’Esprit Saint l’a scellée dans leur mémoire ; l’Église l’a reçue des Apôtres ; elle l’a gardée en elle-même comme un germe divin qui devait croître et se développer en son temps8. » Cette exemption ne contrevient pas au dogme catholique exprimé par saint Paul ; elle apporte au contraire une lumière nouvelle sur la doctrine du péché originel.

Alors que le diable se glorifiait de posséder l’humanité entière sous sa coupe, Marie, par dérogation divine en prévision des mérites de Jésus, a été préservée de cette tache originelle. Elle est, par elle-même, la victoire de l’humilité sur l’orgueil de Satan. Elle est la toute petite et la toute victorieuse. Toute pure, elle a conservé pour nous dans son Cœur immaculé tout ce qui concerne son Fils. Par son Immaculée Conception, Marie demeure le réservoir incorruptible où nous puisons notre foi.

Elle nous aime comme une mère. Nous sommes aimés de Notre Dame. Réjouissons-nous : nous sommes chacun aimés de la Vierge Immaculée !

Amen.

1Dom Guéranger, Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception, no 6.

2Dom Guéranger, Autobiographie, édition privée, p. 17.

3Dom Guéranger, Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception, no 6.

4Dom Guéranger, Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception, no 6.

5Cité par Dom Guéranger, Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception, no 6.

6Saint Ambroise, Sermo xxii, in Psal. 118, no 30, cité par Dom Guéranger, Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception, no 6.

7Cité par Dom Guéranger, Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception, no 6.

8Dom Guéranger, Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception, no 6.

Toussaint 2022

+

Solennité de la Toussaint

Mardi 1er Novembre 2022

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

Au viie siècle, le Pape Boniface iv, procédait à la dédicace de l’ancien Panthéon, qui devenait l’église Sancta Maria ad Martyres, en y portant solennellement les corps des martyrs jusqu’alors ensevelis dans les catacombes. Le souvenir de cette cérémonie devint culte de tous les saints et s’étendit au monde entier. Il nous permet aujourd’hui de fêter sans retard la moisson récente des nombreux saints et martyrs qui ont achevé leur course en cette année 2022, et qui se sont joints au chœurs célestes.

Nous venons d’entendre la série des béatitudes. Il y en a huit, et chacune a son caractère propre. Ensemble, elles dressent un panorama des multiples saintetés, toutes irriguées par l’unique Esprit de sainteté. Les premières sont enthousiasmantes : tous, nous nous sentons pauvres, tous, assoiffés de pureté et de justice. Oui, nous nous réjouissons de suivre cette voie de pauvreté qui nous promet la richesse de la grâce du Christ. Mais le Seigneur n’omet pas les dernières béatitudes, qui sont plus crucifiantes : aurons-nous aussi le courage de suivre Jésus sur le chemin de sa Croix, sur le chemin des outrages, pour le salut de l’humanité et notre propre réforme ? Si nous en avons le désir, mus par l’Esprit, alors oui, réjouissons-nous et exultons.

La Constitution Dogmatique Lumen Gentium nous enseigne cette diversité des saintetés dans l’unique sainteté des enfants de Dieu :

À travers les formes diverses de vie et les charges différentes, il n’y a qu’une seule sainteté cultivée par tous ceux que conduit l’Esprit de Dieu et qui, obéissant à la voix du Père et adorant Dieu le Père en esprit et en vérité, marchent à la suite du Christ pauvre, humble et chargé de sa croix, pour mériter de devenir participants de sa gloire1.

L’Église souligne en particulier la valeur des vies passées dans le travail pénible ou la souffrance pour le salut de tous, à l’imitation du Christ. Les chrétiens sont invités à entretenir la sainteté dans l’Église en suivant les conseils proposés par le Seigneur, en particulier le :

Don précieux de grâce fait par le Père à certains de se vouer à Dieu seul plus facilement sans partage du cœur, dans la virginité ou le célibat. Cette continence parfaite à cause du règne de Dieu a toujours été l’objet de la part de l’Église d’un honneur spécial, comme signe et stimulant de la charité et comme une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde.

Imitant le Christ qui s’est fait « obéissant jusqu’à la mort », les consacrés renoncent « à leur propre volonté, pour se soumettre à cause de Dieu à une créature humaine, en matière de perfection, allant aussi au-delà de ce qu’exige le précepte, afin de se conformer plus pleinement au Christ obéissant ». Le Christ s’est fait pour nous « pauvre, de riche qu’il était », ses disciples reçoivent la « liberté des fils de Dieu » en imitant sa pauvreté.

La pratique de ces conseils purifie le cœur des affections discordantes : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu. »

Avec celui du Seigneur, le culte des saints est très bénéfique à notre croissance spirituelle. Ils ont connu les mêmes peines que nous, et ne sont pas hors de portée. « Contempler la vie des hommes qui ont suivi fidèlement le Christ, est un nouveau stimulant à rechercher la Cité à venir, et en même temps nous apprenons par là à connaître le chemin. »

Leur exemple est souvent très actuel. Les saints de notre époque en particulier nous apprennent à sanctifier nos journées. Par eux, vraiment, « Dieu lui-même nous parle, il nous donne un signe de son Royaume et nous y attire puissamment, tant est grande la nuée de témoins qui nous enveloppe et tant la vérité de l’Évangile se trouve attestée ».

Non seulement Dieu nous parle au travers des saints, mais par eux, il nous communique la grâce même du Christ, source de leur sainteté. C’est à lui qu’il faut rendre grâces de leur victoire. Les saints et les saintes resserrent les liens de communion entre l’Église de la terre et l’Église du ciel. Et nous sommes invités à les célébrer, au fil du calendrier :

C’est surtout dans la sainte liturgie que se réalise de la façon la plus haute notre union avec l’Église du ciel : là en effet, par les signes sacramentels s’exerce sur nous la vertu de l’Esprit Saint ; là nous proclamons, dans une joie commune, la louange de la divine Majesté ; tous, rachetés dans le sang du Christ, de toute tribu, langue, peuple ou nation, et rassemblés en l’unique Église, nous glorifions, dans un chant unanime de louange, le Dieu un en trois Personnes. La célébration du sacrifice eucharistique est le moyen suprême de notre union au culte de l’Église du ciel.

Les saints d’ici-bas et ceux qui sont parvenus au Royaume, marqués au front du sceau de notre Dieu, unis dans le lien de l’Esprit, chantent ensemble « Gloire à notre Dieu et à l’Agneau ».

[C’est pourquoi, dit encore le Concile,] lorsque la charité mutuelle et la louange unanime de la Très Sainte Trinité nous font communier les uns aux autres, nous tous, fils de Dieu qui ne faisons dans le Christ qu’une seule famille, nous répondons à la vocation profonde de l’Église, et nous prenons par avance une part déjà savoureuse à la liturgie de la gloire parfaite.

À l’heure où le Christ apparaîtra, quand se réalisera la glorieuse résurrection des morts, la clarté de Dieu illuminera la Cité céleste et l’Agneau sera son flambeau. Alors l’Église des saints tout entière [guidée par Notre-Dame], dans la joie suprême de la charité, adorera Dieu et « l’Agneau qui a été égorgé », proclamant d’une seule voix : « À celui qui siège sur le trône et à l’Agneau, louange, honneur, gloire et domination dans les siècles des siècles ».

Amen.

1Toutes les citations sont tirées du Concile Vatican ii, Constitution Dogmatique Lumen Gentium, no 41, 43, 50 et 51.

Assomption 2022

+

Solennité de l’Assomption
de la Bienheureuse Vierge Marie

Lundi 15 Août 2022

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

« Alléluia ! Marie a été emmenée au ciel, l’armée des Anges s’en réjouit, Alléluia ! » Par le chant de l’Alléluia qui a précédé immédiatement l’Évangile, et sur une mélodie aussi joyeuse que sereine, l’Église exulte et admire sa Mère, son incomparable Mère. L’Église admire la Vierge Marie pénétrer, avec l’assurance d’une reine et la candeur d’une petite fille, à l’intérieur du sanctuaire céleste. Notre Dame y est installée, pour toujours, avec sa majesté de reine, et avec la toute puissance de son regard très pur, de son regard d’enfant. Elle y est, elle regarde son Fils, elle regarde son Dieu, elle contemple le Dieu trois fois saint, Père, Fils et Saint-Esprit, avec qui elle a scellé l’alliance infrangible par un Fiat prononcé au nom de toute l’humanité au jour de l’Annonciation. Établie au plus haut, elle garde néanmoins toujours au cœur l’amour des hommes, ses frères, au salut desquels elle a œuvré par son Fils. Au travers de la lumière divine, elle nous regarde donc aussi, nous qui sommes ici réunis, et elle ne nous oublie pas. Elle est désormais et indéfectiblement, l’assurance qui affermit notre espérance. Nous avons l’unique désir de la rejoindre. L’entrée de la Bienheureuse Vierge Marie au ciel rappelle notre attention vers les choses d’en haut.

Oui, la Vierge Marie a, depuis toujours et pour toujours, les yeux tournés vers Dieu, vers son Fils. Ses yeux ne regardent pas ailleurs. C’est l’expression la plus profonde de sa virginité. Elle qui n’a jamais regardé vers elle-même a dû être vraiment étonnée par l’accueil exultant qui lui a été réservé.

Certes, elle avait longtemps attendu ce moment, mais surtout dans l’espérance de revoir son Fils. Elle a attendu cette heure sur terre, avec humilité et patience. Sans considérer un instant que si tous les âges la diront bienheureuse, c’est en tant que Mère de Dieu, Reine du Ciel.

Un jour, elle s’approchera de chacun de nous et nous invitera à la suivre dans l’assemblée des saints, réunis autour de l’Agneau. Serons-nous disposés à tout quitter pour lui emboîter le pas ? Le passage de la mort cause de l’effroi à l’homme, parce que nous sommes toujours un peu fascinés par les bontés et les beautés d’ici-bas, et effrayés par l’inconnu de ce qui nous semble l’absorption dans le néant. Mais au contraire, que les anciens se réjouissent quand ils considèrent qu’il ne leur reste plus beaucoup de temps à vivre sur cette terre, qu’ils tressaillent quand ils sentent que s’approche l’échéance. Charles Péguy nous enseigne à suivre chaque jour la petite espérance, à la suivre même s’il nous semble qu’elle nous fait parcourir chaque jour vingt fois le même chemin.

[Cette petite fille, la petite espérance] ne ménage point nos peines. Et nos travails. Elle compte que nous avons toute la vie devant nous. Comme elle se trompe. Comme elle a raison. Car n’avons-nous point toute la Vie devant nous ? La seule qui compte. Toute la vie Éternelle. Et le vieillard n’a-t-il pas autant de vie devant soi que l’enfant au berceau. Sinon plus.

Car pour l’enfant au berceau la Vie éternelle, la seule qui compte, est masquée par cette misérable vie, qu’il a devant lui. D’abord. Qui est devant. Par cette misérable vie terrestre. Il faudra qu’il traverse. Il faudra qu’il passe par toute cette misérable vie terrestre, avant d’arriver, avant d’atteindre, pour atteindre à la Vie, à la seule vie qui compte.

Mais le vieillard, il a de la chance. Prudent il a mis derrière lui cette misérable vie, qui lui masquait la Vie éternelle. À présent il est débarrassé. Il a mis derrière lui ce qui était devant. Il voit clair. Il est plein de vie. Entre la vie et lui il n’y a plus rien. Il est au bord de la lumière. Il est sur le rivage même. Il est à plein. Il est au bord de la vie éternelle1.

Ayons ce désir d’accoster enfin, et de retrouver notre Mère. Que les anciens se réjouissent donc, et aussi les plus jeunes. Car tous, nous devons être prêts, puisque chacun d’entre nous pourra, avant ce soir, avoir été invité par la Vierge Marie à la suivre. Nul ne sait ni le jour ni l’heure bénie de ces retrouvailles.

Aujourd’hui, nous fêtons l’entrée de Notre Dame au ciel ; nous nous imaginons comme nous pouvons la scène grandiose ; nous la méditons même régulièrement dans le chapelet, mais nous pourrions regretter de n’y avoir pas été. Serais-je pour toujours privé de cette joie d’avoir accueilli la Vierge Marie ? Mais Dieu est riche, il domine le temps. Passé la porte de la mort, notre vie est éternelle, et nous devenons contemporains de tous les événements de notre salut. L’entrée de la Bienheureuse Mère de Dieu au ciel est un évènement qui participe à cette éternité, et nous y prendrons part un jour, et nous entendrons la Vierge Marie entonner son chant d’action de grâces pour toutes les miséricordes du Seigneur.

Réjouissons-nous donc dès à présent et vivons en cohérence avec ces merveilles qui nous attendent,

Amen.

1Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, Gallimard, p. 134-135.

St Benoît 11 juillet 2022

+

Solennité de Notre Bienheureux Père
Saint Benoît

Lundi 11 Juillet 2022

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

Le troisième mois après leur sortie d’Égypte, terre de toutes les angoisses, les Hébreux se trouvaient au pied du Sinaï (cf. Ex 19, 1). Le Seigneur appela Moïse du haut de la montagne et lui dit, pour qu’il le leur redise :

Tu diras à la maison de Jacob, et tu annonceras aux fils d’Israël : “Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Égypte, comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle et vous ai amenés jusqu’à moi. Maintenant donc, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, vous serez mon domaine particulier parmi tous les peuples, car toute la terre m’appartient ; mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte.” Voilà ce que tu diras aux fils d’Israël (Ex 19, 3-6).

Par son alliance, le Seigneur se constitue un domaine, un royaume, une nation sainte. Et tous les hommes sont appelés à entrer dans ce domaine de consécration. Par leur baptême, ils sont plongés dans la Mort et la Résurrection du Christ, ils sont marqués de son Sang rédempteur.

Aux hommes et aux femmes de bonne volonté, le Seigneur Jésus lance une invitation plus pressante encore : celle de renoncer aux affections naturelles légitimes « pour son nom », comme nous a dit l’Évangile, et c’est la voie des conseils évangéliques par lesquels les âmes religieuses, poussées par le Saint-Esprit veulent se consacrer sans aucune réserve à la louange de la gloire de leur Père céleste.

Sur ce chemin, la Vierge Marie est première. Elle est la pleine de grâce, il n’y a aucune scorie d’affection déréglée dans l’or de son âme. Elle est la première consacrée. Et après elle, toute âme consacrée vient puiser à sa source. Toute consécration est mariale.

Notre Bienheureux Père saint Benoît a lui aussi ressenti ce besoin de s’offrir sans réserve au Dieu Tout-Puissant. S’éloignant de Rome et de ses amitiés, il a voulu ne rien mettre au-dessus de l’amour du Christ. Comment se fait-il alors que ni la Règle qu’il a rédigée pour nous guider sur ses traces, ni sa Vie ne mentionne ne serait-ce que le nom béni de la Vierge Mère ?

Il y a un cependant un passage de la Règle qui trahit la dévotion mariale de saint Benoît. On y voit qu’il louait quotidiennement avec la Vierge Marie les grandes œuvres de Dieu. Il a si profondément goûté cette proximité avec l’esprit de l’Immaculée qu’il a voulu l’instituer à jamais dans la liturgie que célébreraient les générations de ses fils les moines. Et il a écrit, dans le chapitre 17 de sa Règle qui organise les offices du jour :

La synaxe du soir comprendra quatre psaumes, avec antiennes. Après ces psaumes, on récitera une leçon, puis un répons, l’ambrosien, le verset, le cantique tiré des « Évangiles », la litanie, et avec l’Oraison dominicale ce sera le renvoi.

Sans réticence, il a ainsi adopté la coutume liturgique qui nous donne chaque soir la mission de chanter le cantique de la Bienheureuse Vierge Marie. Sans réticence, et même avec joie, car il a reconnu chez la Mère de son Sauveur toutes les vertus qu’il désire pour ses fils. Il voit dans leur consécration une virginité du cœur retrouvée. En tête des vertus de Notre Dame, il y a la foi, l’espérance et la charité. Et plus spécifiquement, il y a son obéissance, son silence et son humilité. Saint Louis Marie Grignon de Montfort veut que nous méditions aussi la pureté1. Il y a aussi la filialité et la charité fraternelle. L’Esprit Saint a dit à Marie :

Reproduisez-vous […] dans mes élus : que je voie en eux avec complaisance les racines de votre foi invincible, de votre humilité profonde, de votre mortification universelle, de votre oraison sublime, de votre charité ardente, de votre espérance ferme et de toutes vos vertus2.

Poursuivons encore notre contemplation de l’âme de notre Mère, qui nous apprend le tempérament monastique. Dans le jardin secret de l’âme de Marie,

Il y a dans ce lieu des prairies vertes d’espérance, des tours imprenables de force, des maisons charmantes de confiance, […] un air pur, sans infection, de pureté ; un beau jour, sans nuit, de l’humanité sainte ; un beau soleil, sans ombre, de la Divinité ; une fournaise ardente et continuelle de charité, où tout le fer qui [y] est mis est embrasé et changé en or ; il y a un fleuve d’humilité qui sourd de la terre et qui, se divisant en quatre branches, arrose tout ce lieu enchanté ; ce sont les quatre vertus cardinales3.

Contempler et se revêtir des vertus de Marie, ce n’est pas une douce rêverie sans consistance. Elle est la même hier, aujourd’hui et à jamais, et la regarder, c’est nous réformer, c’est marcher avec elle sur le chemin direct et lumineux, bordé de flambeaux, vers la porte du Ciel. La regarder, c’est décevoir le malin qui aimerait tant nous distraire avec toutes les mauvaises nouvelles qu’il accumule avec fracas. Regarder Marie, c’est prier pour la restauration de la Paix, pour l’extension de l’Église, pour le progrès de tous vers Dieu.

À l’exemple de Notre Bienheureux Père saint Benoît, laissons-nous donc envahir par la présence de la Vierge Marie.

Amen.

1Cf. Saint Louis Marie Grignon de Montfort, Traité de la vraie dévotion, no 260.

2Saint Louis Marie Grignon de Montfort, Traité de la vraie dévotion, no 34.

3Saint Louis Marie Grignon de Montfort, Traité de la vraie dévotion, no 261.