St Benoît 2023

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Solennité de Notre Bienheureux Père
Saint Benoît

Mardi 11 Juillet 2023

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

Nous célébrons saint Benoît, le père de notre ordre et, plus précisément, nous fêtons l’entrée de ses reliques dans le royaume Franc. Alors notre pays exulta de joie : il accueillait les restes sacrés du Père des moines d’Occidents. Désormais la France se considère comme la fille posthume du patriarche et se recommande à sa protection. Fille vive et turbulente, c’est son charme, et son histoire n’est pas terminée : elle donne actuellement jour à une belle jeunesse qui croît à la chaude lumière du Seigneur et de ses saints.

Notre Bienheureux Père tient toujours une place honorable parmi ces saints. L’Épître en a tracé un portrait qui traverse les siècles.

Par la prière, Benoît a creusé son puits ; et ce puits, Dieu l’a rempli d’une eau vivifiante où les hommes viennent puiser depuis quinze siècles. Chaque génération de moines a mission de creuser cette source, de la garder pure, et surtout d’y boire. Chacun peut témoigner de la puissance de cette eau claire, purificatrice, rafraîchissante, et fortifiante pour l’effort, cette eau qui jaillit du Cœur du Christ. Et par la grâce de Dieu, la vie fidèle à la Règle de saint Benoît est un témoignage évangélique qui soutient les chrétiens. Alors, oui, les canaux se remplissent extraordinairement comme une mer : « De son temps, dit notre passage de l’Ancien Testament, fut creusé le réservoir des eaux, un bassin large comme une mer. »

Contemplons l’image du puits. C’est une image évangélique. C’est auprès du puits de Jacob que Jésus a versé l’eau de la grâce dans le cœur assoiffé d’une femme dont la vie manquait d’unité.

Un puits, cela plonge dans les profondeurs fraîches, obscures et humides de la terre. De même, l’humilité baigne la vie du cloître.

Le puits est généralement bordé d’une margelle, muraille miniature qui, dans sa robustesse, assure la sécurité des hommes et empêche que l’eau ne soit souillée de la chute de bêtes inattentives. De même, notre clôture est là pour favoriser la pureté de la prière des moines.

L’espace autour du puits est un lieu de parole, un lieu d’amitié, et d’amour. C’est aussi un lieu de paix parce que là, toute soif est étanchée. La lecture du livre de l’Ecclésiastique nous dit que saint Benoît a élargi cet espace, qui est un peu comme le parvis du temple. Il a donné l’accès au plus grand nombre au puits de la liturgie, de la consécration à la louange de notre Dieu.

Et sur cette esplanade, on ne craint pas l’éclat du soleil. On en profite plutôt, grâce à la présence de l’eau. Bénéficiant du soleil du Seigneur et de l’eau de la Vierge Marie, la végétation pousse, la sainteté s’épanouit « comme la rose en fleur aux jours du printemps, comme le lis près des sources d’eaux ». Et autour, l’olivier, le cyprès : tous les frères de l’homme de Dieu « autour de lui formaient une couronne, pareils à la ramure des cèdres du Liban ; ils l’entouraient comme des tiges de palmiers. » La postcommunion soulignera combien doit être fleury un monastère animé de l’esprit du Patriarche. La sainteté à laquelle nous conduit saint Benoît respecte la charmante inventivité de l’Esprit Saint : « Chacun reçoit de Dieu son don particulier ». Les uns sont le Christ qui sert, ils accomplissent les œuvres de miséricorde matérielles et spirituelles, les autres le Christ qui souffre. Et tous ensemble, ils sont le Christ qui loue.

À l’exemple de saint Benoît, et avant lui à l’exemple du Seigneur Jésus, les moines ont mission de prier pour la fécondité de l’Église. Ils s’appliquent à acquérir de Dieu la conversion des âmes. Comme le Père Maître des novices, tout moine consacre finalement sa vie à gagner des âmes à Dieu.

Une belle jeunesse se lève, héritière d’une éducation préservée. Cette jeunesse se démarque des idéologies athées anti-chrétiennes. En même temps, une autre jeunesse, qui n’a pas bénéficié de cette éducation à la présence de Dieu, crie sa soif avec des mots de haine et en se livrant à des comportements barbares. Saint Benoît a offert l’eau fraîche de ses cloîtres aux barbares de son époque, à ceux qui mettaient tout à feu et à sang, à ceux qui étaient assoiffés de vérité et d’amour. Il leur a appris à ne rien préférer à l’amour du Christ, à mettre l’Œuvre de Dieu au dessus de tout, à vivre la fraternité des fils de Dieu. Chaque jeune homme et chaque jeune fille doit se demander si il n’est pas appelé à la vie monastique.

Au pied de la Croix, la sainte Vierge a vu le soldat romain percer le Côté de son Fils, creuser le Puits de la Grâce. Demandons-lui d’y puiser pour nous, demandons-lui de demeurer constamment avec elle auprès de la source de la vie1.

Amen.

1Cf. Ps 36 (35), 10.

St Pierre St Paul 2023

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Solennité de saint Pierre et saint Paul

Jeudi 29 Juin 2023

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

Jésus demande à ses disciples « Et à votre regard, qui suis-je ? ». Simon-Pierre prend la parole pour confesser la vraie foi. Nous le voyons intérieurement poussé à se faire le porte-parole du groupe : sa nature impétueuse semble l’avoir préparé pour cela. Mais son cœur n’est pas encore purifié, et une part de présomption l’anime toujours.

Alors Jésus le ramène doucement à sa place, avec un divin doigté, par une bénédiction : « Vous êtes béni, Simon. Vous êtes béni, mais ce que ce que vous venez de dire, cela ne vient pas de vous, qui n’êtes encore qu’infirmité par la vulnérabilité de votre chair, vous n’êtes que tempête par la chaleur de votre sang. Ce que vous venez de dire, vous l’avez pourtant dit dans la docilité à mon Père, qui règne au Ciel. »

Le Seigneur Jésus promet alors à Simon qu’un jour il sera la pierre stable infailliblement fixée au Verbe de Dieu. Il sera le fondement fiable sur lequel Dieu lui-même édifiera sa chère Église au long des siècles. Mais Simon doit encore fournir tout un chemin avant d’accepter de descendre ainsi sous terre, d’être posé et immobilisé au dessous de toutes les autres pierres vivantes. Ce chemin sera jalonné des circonstances humiliantes de la Passion de son Seigneur. Car Pierre y reniera trois fois. Trois fois, il dira qu’il ne connaît pas cet homme. Trois fois, il manquera l’occasion de proclamer : « Cet homme que vous maltraitez, il est le Christ, le Fils du Dieu vivant ! ». Et le doux regard de Jésus bafoué fera revenir Pierre à lui-même et à la bassesse de sa condition. Pierre pleure. Il laisse entrer en lui les sentiments d’une profonde humilité, et Dieu sait qu’il peut dès lors lui faire confiance.

C’est pourquoi après sa Résurrection, Jésus institue finalement Pierre chef de son Église. Il l’interroge trois fois : « Pierre m’aimez-vous plus que ceux-ci ? ». Et Pierre, doucement, humblement, répond : « Seigneur, vous, vous savez tout, vous savez bien que je vous aime. » Saint Pierre est peiné. Mais cette peine ne tourne pas chez lui en dépit. Il est davantage peiné par sa propre trahison que par l’insistance de Jésus.

La première confession de foi, à Césarée, avait été très personnelle et très théorique. Pierre avait affirmé ce qu’il savait de Jésus. Ici, ce n’est plus seulement de doctrine qu’il est question, mais d’amour. Et saint Pierre est dégagé de son individualisme : il est constitué en lien indéfectible avec ses frères dont il doit prendre soin comme d’un troupeau. « Maintenant, explique Dom Delatte, le troisième Abbé de Solesmes, le Seigneur veut faire quelque chose de plus qu’un docteur ; il est facile de constituer un docteur, il suffit d’avoir une parole de vérité, mais il faut autre chose pour faire un pasteur, et c’est ce que le Seigneur veut faire1. »

Et la connaissance aussi a changé de direction. Ce n’est plus tant ce que Pierre pense du Seigneur qui compte, mais la connaissance que le Seigneur a de l’amour de Pierre : « Seigneur, vous, vous savez tout, vous savez bien que je vous aime. »

La foi de Pierre est alors garantie sans erreur dans la mesure où il aime le Seigneur plus que les autres apôtres. Le Seigneur Jésus demande à saint Pierre d’être éminent en charité. L’affection de saint Pierre doit être plus grande que l’affection des autres apôtres pour le Seigneur. Pourquoi cela ? Dom Delatte, quand il commente ce passage aux moniales de Sainte-Cécile, trouve une aimable explication :

Ce plus his, « plus que ceux-ci, plus que vos frères », est une sorte de piège infiniment délicat et habile, et en même temps très tendre du Seigneur ; il veut ménager à l’Apôtre l’occasion de se mettre une fois encore au-dessus de ses frères, comme [à Césarée] il s’y était mis une première fois, de lui-même, sans en être sollicité. Par ce procédé infiniment divin et délicat, le Seigneur avait le dessein de calquer, de mesurer aux conditions du reniement, les conditions de la protestation, et il fournit à l’Apôtre saint Pierre une occasion de témérité, de présomption ; une occasion de s’élever au-dessus des autres. Diligis me plus his ? Remarquez que l’Apôtre y était invité par le Seigneur même, je crois qu’il aurait pu répondre : « Oui, je vous aime plus que tous » ; mais, même après y avoir été invité par le Seigneur, dans une prudence surnaturelle et vraiment opportune, l’Apôtre n’établit aucune comparaison entre lui et les autres. Ce n’est pas une affirmation de foi qui est demandé ici, c’est une affirmation de charité, de tendresse.

Nous sommes chacun constitués en responsabilité sur un petit domaine, ne serait-ce que sur notre propre vie. Et cette responsabilité, qui vient de Dieu, ne peut s’appuyer que sur un amour humble du Seigneur Jésus. Saurons-nous redire chacun dans notre cœur, avec la Vierge Marie, avec saint Pierre, et avec saint Paul dont c’est aussi la fête : « Seigneur, vous, vous savez tout, vous savez bien que je vous aime. » ?

Amen.

1Dom Delatte, Commentaire sur saint Jean, aux moniales de Sainte-Cécile, in hoc loco.

Fête Dieu 2023

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Solennité de la Fête Dieu

Jeudi 8 Juin 2023

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

« Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20).

Jésus est passé sur terre il y a plus de deux mille ans, nous le croyons. Il est né de la Vierge Marie, nous le croyons et nous nous en réjouissons. Il a fait le bien auprès des nécessiteux, il a enseigné, il est mort sur la Croix et il est ressuscité, nous le croyons aussi, avec l’âme confondue devant un tel mystère. Nous croyons de même qu’il est monté au ciel à la droite de Dieu, et qu’il a envoyé l’Esprit Saint sur son Église. Nous croyons tout cela et nous le célébrons avec joie.

Nous chantons ces mystères dans le Credo, nous les développons dans la louange liturgique, et puis, une fois sortis de l’édifice sacré, quand nous reprenons nos occupations quotidiennes, n’oublions-nous pas un peu ce que nous avons professé si clairement ? N’oublions-nous pas un peu la vie divine qui nous habite pourtant continuellement ? N’avons-nous pas tendance à reléguer le Christ au passé, il y a deux millénaires ? Mais lui nous a dit : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Il a inventé l’Eucharistie pour demeurer avec nous.

La fête du Saint Sacrement, fête du Corps du Seigneur, présente beaucoup de facettes. L’Eucharistie est une nourriture qui soigne et fortifie chacun de nous dans le chemin vers la patrie. L’Eucharistie rend présents le sacrifice de la Croix et le mystère de la Résurrection. L’Eucharistie est une présence : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ».

Aujourd’hui, nous allons pouvoir passer de longs moments en présence du Seigneur. Prenons conscience du don qu’il nous fait en venant habiter ainsi notre vie journalière. Oui, le Seigneur est actuel. Sa vie n’est pas un souvenir. Il est là, il nous nourrit, chacun selon ses besoins. Il nous élève à cette vie divine qui est celle que nous désirons pour l’éternité.

Dès aujourd’hui, par cette nourriture, Jésus diffuse en nous la charité de l’Esprit qui soude l’unité de l’Église. Nous sommes bien loin d’un souvenir sans vie. La Messe, et toute la liturgie qui en découle et qui lui fait cortège, est une vie. La liturgie, c’est le chant actuel de l’Église Épouse, à la gloire de son Époux, et par lui à Dieu le Père dans le Saint-Esprit. Nous sommes très réellement pris, aujourd’hui et maintenant, dans un élan surnaturel qui nous entraîne au cœur de la grande assemblée des saints qui adorent Dieu, au ciel, pour les siècles des siècles. Si nous tombions dans le travers d’un attachement aux règles liturgiques par pur conservatisme, ce ne serait plus liturgie, ce ne serait plus adoration du Dieu Saint et vivant, mais pharisaïsme. Si nous défendions ces règles pour un simple motif social, parce que la société qui suit ces rites est manifestement flatteuse, alors nous volerions le Seigneur : nous tournerions à notre profit égoïste le culte qui lui est dû tout entier.

Ces attitudes ne feraient qu’approfondir un fossé. Au contraire, cherchons tous les moyens de vivre l’unité pour laquelle le Christ a prié. Les hommes qui choisissent un camp liturgique avec du mépris pour l’autre ne construisent rien. L’unité ne se bâtit que sous l’action de l’Esprit Saint, dans l’amour maternel de l’Église, et dans l’estime mutuelle. Nous laissons les polémistes à leurs outrances, nous souffrons du tort qu’ils font à l’Église, et nous cherchons à fortifier les amitiés vraies et les échanges constructifs. Adorons ensemble le Dieu qui se fait hostie. Recevons de lui la lumière et la force pour avancer. Prions le Seigneur et sa Mère pour qu’ils aident ceux qui ont une réelle autorité en matière liturgique : il ne leur est pas aisé de discerner ce qui est vrai et bon, et encore moins de l’exprimer avec courage. Mais le Seigneur Jésus est présent, aujourd’hui aussi, et il nous donne sa Paix.

Au pied de l’autel lors de la Messe, pendant la procession et durant les heures d’adoration, prenons toujours davantage conscience de cette présence du Seigneur avec nous chaque jour. Jésus a trouvé le moyen d’être là, avec son Corps et son Sang, avec son Âme et sa Divinité. Et il n’est pas là pour demeurer dans un vase sacré, mais pour entrer dans les sanctuaires de nos cœurs, qu’il aime infiniment plus que les ciboires d’or et les tabernacles de pierre sculptée.

La Vierge Marie au jour de l’Annonciation a été la première communiante en recevant son Fils. Pendant l’Avent, elle a été le premier tabernacle, et à Noël le premier ostensoir. Au soir du Vendredi Saint, quand on a déposé sur ses genoux son Fils sans vie, elle a été le premier autel. Demandons-lui d’être en elle de saints communiants et des temples consacrés de Dieu. Demandons-lui de savoir participer à la souffrance de son Fils et d’être pour ceux qui nous entourent des ostensoirs de la vie divine qui nous habite : Jésus est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde.

Amen.

Pentecôte 2023

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Solennité de la Pentecôte

Dimanche 28 Mai 2023

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

Veni Sancte Spiritus. Dans la séquence que nous venons de chanter, nous avons répété quatre fois le mot « Veni — venez, Esprit Saint ». Et chaque jour de l’année nous avons coutume de le redire dans la prière au Saint-Esprit qui précède nos études : « Veni Sancte Spiritus — venez, Esprit Saint ». Cette demande, notre cœur la formule d’instinct en de multiples circonstances, et en particulier quand nous sentons que nous abordons une situation difficile. Tournons ce matin notre regard vers ce mouvement de l’âme qui attend aide et réconfort de la Troisième Personne de la Sainte Trinité, un seul Dieu avec le Père et le Fils.

Pourquoi demandons-nous l’Esprit Saint ?

C’est inscrit dans notre être chrétien. Depuis le baptême, nous vivons de la vie que le Seigneur nous a donnée et qu’il a décrite dans son Évangile. La vie divine vient en nous par le don de l’Esprit, et elle croît sous son influence : nous demandons que le Saint-Esprit vienne en nous parce qu’il fait de nous des fils de Dieu. Il nous rend participants de la nature divine, et frères du Seigneur. Quand l’Esprit-Saint entre chez nous, c’est la Trinité tout entière, indivisible, qui vient faire sa demeure en nous. Nous sommes en Dieu, il est en nous. Le Saint-Esprit est la Personne-Lien au sein de la Trinité. Il est le lien d’amour entre le Père et le Fils. Ce lien incréé a un écho créé : l’intimité des enfants de Dieu avec leur Père. C’est donc à l’Esprit que l’Église fait remonter notre lien avec Dieu.

Il est aussi la Joie éternelle dans la Trinité : la joie est fruit de l’Amour et il est personnellement l’Amour. C’est donc de lui que nous attendons toute joie. C’est ainsi que notre Bienheureux Père saint Benoît demande à ses moines de vivre la joie pascale dans le Saint-Esprit1. Les chrétiens font l’expérience d’un bonheur insoupçonné : le bonheur d’aimer et d’être aimés. Ce bonheur, nous l’attendons depuis toujours et nous en vivrons pour toujours si nous demeurons fidèles. Nous avons été tout spécialement créés pour ce bonheur.

Le Saint-Esprit nous invite donc bien loin des divertissements que nous propose le monde. Il y a certes de sains divertissements, nécessaires pour l’épanouissement de notre vie. Ces loisirs qui demeurent sous le regard de Dieu sont voulus par lui. Mais nous savons aussi que le monde propose avec insistance des plaisirs maquillés, dont la jouissance passagère ne parvient pas à cacher leurs dégâts durables et mortels. Les plus criminels de ces plaisirs n’aboutissent à rien moins qu’à donner la mort à un innocent ou à soi-même. Ils sont alors toujours une forme de blasphème contre le Créateur, contre la Vie. Saint Paul nous a dit que c’est « l’Esprit qui donne la vie » (Ro 8, 2). Plutôt que de la détruire, recevons-la avec reconnaissance, dans toute sa beauté et toutes ses exigences.

Mais comment demander l’Esprit Saint ?

Les sacrements sont d’eux-mêmes un appel à la présence du Saint-Esprit. Le baptême nous consacre comme temples de l’Esprit, et cette consécration est en soi et pour toujours une invocation de sa présence. Par la confirmation, l’Esprit Saint déploie en grand son influence en nous. Et en ces jours que la liturgie consacre au culte de l’Esprit, notre prière ne fait qu’actualiser ces réalités qui sont déjà inscrites dans notre être de chrétiens.

Le Catéchisme nous dit que « La forme traditionnelle de la demande de l’Esprit est d’invoquer le Père par le Christ notre Seigneur pour qu’il nous donne l’Esprit Consolateur2 » En effet, le Seigneur nous a dit que le Père désire grandement nous faire ce don. Il l’a dit en saint Luc, dans l’évangile que nous avons eu pour les Rogations : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11, 13).

Et « Jésus insiste sur cette demande en son Nom au moment même où il promet le don de l’Esprit de Vérité » dans le discours après la Cène : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur » (Jn 14, 16)

Oui, nous devons demander le Saint-Esprit au Père par l’intercession de Jésus. « Mais la prière la plus simple et la plus directe est aussi traditionnelle : « Viens, Esprit Saint », et chaque tradition liturgique l’a développée dans des antiennes et des hymnes. »

Nous devons aussi demander à la Vierge Marie de nous apprendre à implorer le don de l’Esprit Saint. Contemplons-la, elle qui a si bien su attirer sur elle et sur l’Église entière le Don de Dieu.

Amen.

1Saint Benoît, Sainte Règle, c. 49.

2CEC 2671 (cette citation et les deux suivantes).

Ascension 2023

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Solennité de l’Ascension du Seigneur

Jeudi 18 Mai 2023

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

Deux hommes, revêtus de blanc, s’adressent aux disciples dont les yeux sont fixés vers le haut : « Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »

Oui, c’est un fait, l’Ascension du Seigneur Jésus tourne nos regards vers le ciel, lieu de notre espérance, et nous soupirons après le jour où nous suivrons le Seigneur notre chef, après le jour où serons réunis à lui. Car alors, le corps mystique du Christ sera tout entier dans la gloire. Le Christ a ouvert l’accès du sanctuaire céleste, et nos regards demeurent tournés là où nous voulons le suivre.

Mais écoutons bien à nouveau la parole des Anges : « Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » Les Anges ne soulignent pas pour le moment que nous suivrons le Seigneur. Certes, nous le suivrons avec joie, mais pour le moment, les Anges appuient surtout sur le fait qu’il viendra. Au fond, ces personnages célestes nous enseignent pour l’instant à attendre Dieu, à attendre notre cher Seigneur. Le message que Dieu veut nous adresser par leur biais est un message d’attente, d’attente laborieuse, sereine et joyeuse.

Nous attendons trois venues du Christ : nous attendons qu’il descende sur terre à la fin du monde, bien sûr, et nous l’attendons aussi à la fin de chacune de nos vies, mais nous l’attendons encore au cœur de nos journées. Ces trois attentes qui suivent l’Ascension rejoignent au fond la triple attente de la période liturgique de l’Avent.

Le Catéchisme de l’Église catholique souligne que :

Depuis l’Ascension, l’avènement du Christ dans la gloire est imminent même s’il ne nous « appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa seule autorité ». Cet avènement eschatologique peut s’accomplir à tout moment même s’il est « retenu », lui et l’épreuve finale qui le précédera1.

Et saint Paul vi reprend dans sa Profession de foi ce que les chrétiens ont toujours professé :

Jésus est ressuscité le troisième jour, nous élevant par sa résurrection à ce partage de la vie divine qu’est la vie de la grâce. Il est monté au ciel et il viendra de nouveau, en gloire cette fois, pour juger les vivants et les morts : chacun selon ses mérites — ceux qui ont répondu à l’amour et à la pitié de Dieu allant à la vie éternelle, ceux qui les ont refusés jusqu’au bout allant au feu qui ne s’éteint pas. Et son règne n’aura pas de fin.

Nous attendons donc ce retour final qui amènera l’achèvement du salut et la perfection de notre union à Dieu. Les saints attendent ce jour sans frayeur, mais au contraire avec impatience.

Mais chaque homme doit se préparer à une venue personnelle de Jésus. Il descendra pour chacun de nous, individuellement, pour cueillir notre âme au jour où il lui plaira. Nous approchons chaque jour de cette rencontre finale et personnelle. Nous espérons fermement que cette rencontre sera définitive, que nous ne serons plus jamais séparés, si Jésus nous trouve vivants de la vertu théologale de charité. Car alors, à cette heure de la mort que redoutent tant les impies, le Seigneur descendra nous chercher avec une grande douceur, une grande bonté, un grand amour. Que notre cœur soit donc en fête, et chaque jour davantage, à mesure que s’approche ce jour béni.

Enfin, il a été chanté dans l’Évangile que certes le Seigneur a été élevé au Ciel — assumptus in cœlum, mais aussi qu’il demeure tout de même au milieu de ses disciples puisque, lorsque ceux-ci se répandent partout pour prêcher, le Seigneur œuvre avec eux — Domino cooperante. Oui, le Seigneur demeure avec eux, avec nous.

Jésus vient nous visiter chaque jour. Chaque matin préparons-nous à le rencontrer, au détour d’une porte, dans le fil de la journée. Et chaque soir, demandons-nous : « Au détour de quelle porte ai-je croisé mon Seigneur ? »

Il descend sur l’autel à chaque Messe ; il descend doucement dans nos cœurs, à chaque communion. Il descend avec la même douceur et la même bénédiction qui enveloppèrent son départ.

Saint Jean a achevé son Apocalypse sur ce thème de l’attente du retour du Seigneur. « L’Esprit et l’[Église-]Épouse disent : « Viens ! » […] Et [Jésus] déclare : « Oui, je viens sans tarder. » — Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! »

Que notre attende de Celui-qui-vient soit une participation à l’attente de la Vierge Marie avant Noël et, plus tard, après l’Ascension.

Amen, Alléluia !

1CEC 673 ; cf. Ac 1, 7 et 2 Th 2, 3-12.

Pâques 2023

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Solennité de Pâques

Dimanche 9 Avril 2023

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

Exultons, louons Dieu qui a fait de grandes choses : il a ôté le poids de la mort qui pesait sur l’humanité et il lui a rendu une vie nouvelle ! Pour cela, il a employé les moyens qui lui plaisent particulièrement parce qu’ils sont marqués au coin de la joyeuse modestie et de l’humilité.

La victoire est en effet réservée aux petits. Marie, plus jeune que le péché, a fait échec à la loi de mort qui dominait le monde. Saint Pierre, dont le cœur a été percé quand Jésus l’a regardé, a accueilli la miséricorde de Dieu. Et Jésus surtout, silencieux comme l’agneau que l’on mène à l’holocauste, a pris à complet rebours la logique bruyante de la puissance humaine.

Oui, désormais, « elle est passée, la figure de ce monde » (cf. 1 Co 7, 31). Et les saintes femmes de ce matin en sont encore un exemple. Elles se savent trop faibles pour rouler la très grande pierre — « qui était vraiment imposante — Erat quippe magnus valde ». Elles s’interrogent à ce sujet, mais elles se dirigent tout de même vers le tombeau. Quand on a en vue une grande œuvre, on s’y porte sans se laisser déconcerter par le secondaire. On espère qu’une solution se trouvera au moment voulu. Les saintes femmes visent une belle action qui a pris possession de leur âme : rendre les derniers devoirs au Corps de leur bien-aimé Seigneur. Elles ne se laissent pas arrêter par les obstacles matériellement démesurés au regard de leur faiblesse. Quand l’amour s’en mêle, la quête d’une fin se fait impérieuse. Et elles trouvent la pierre roulée. Dieu nous précède toujours sur le chemin de nos résurrections spirituelles. Il roule les pierres tombales qui nous enfermaient dans la mort.

Les femmes ressentent de la frayeur à la vue de l’Ange resplendissant. Mettons-nous à leur place ! Les pauvres sont encore dans une atmosphère de deuil et de ténèbre : elles viennent embaumer un mort. Elles se préparent à pleurer, dans la pénombre du tombeau qui a englouti le plus cher de leurs amis dans la fleur de sa jeunesse. Et voici qu’elles se trouvent en présence d’un Ange, sous les trait d’un aimable jeune homme, lumineux et resplendissant de vie, qui leur dit avec conviction : « Ne vous effrayez pas ! » Trente quatre ans plus tôt, saint Gabriel avait dit de même à Marie : « Ne crains pas ! » « Ne vous effrayez pas ! », car Jésus est vivant. Lui qui s’était fait le plus faible de tous a pulvérisé la carapace, la chape de plomb du péché, qui pesait sur l’humanité.

Oui, c’est en adoptant humblement l’attitude de la plus grande vulnérabilité que le Seigneur a vaincu. Quand un homme, ou une femme, cherche à être fort par lui-même seulement, il renforce cette carapace qui le sépare de Dieu. Mais quand nous accueillons la grâce de Dieu comme des enfants, nous nous approchons du point faible de cette carapace, de cette chape de plomb du péché. Il y a un point qu’elle ne peut contenir, un point qui lui est incompréhensible : la douce humilité à l’égard de Dieu. Le Diable, qui a voulu se passer de Dieu, ne comprend pas cette attitude d’humilité, d’humble dépendance à la grâce. Plus nous approchons de cette attitude, et plus nous lui échappons. Et avec le Christ, nous provoquons ce tremblement de terre qui fissure et qui pulvérise toute la carapace des tombeaux. Elle vole en éclat, la pierre vraiment très lourde qui pesait sur l’humanité.

Alors tournons-nous vers la Vierge Marie, la première des rachetés, et apprenons d’elle à rejoindre l’humilité de son Fils. Laissons-nous, comme elle, revêtir par la gloire de Jésus Ressuscité. Le Pape Benoît xvi nous y a invités lors de son voyage en France en 2008 :

Regardons […] cette « Femme ayant le soleil pour manteau » que nous montre l’Écriture (Ap 12, 1). La Très Sainte Vierge Marie, la Femme glorieuse de l’Apocalypse, porte sur sa tête une couronne de douze étoiles qui représentent les douze tribus d’Israël, tout le peuple de Dieu, toute la communion des saints, et avec, à ses pieds, la lune, image de la mort et de la mortalité. Marie a laissé la mort derrière elle ; elle est entièrement revêtue de vie, celle de son Fils, le Christ ressuscité. Elle est ainsi le signe de la victoire de l’amour, du bien et de Dieu, donnant à notre monde l’espérance dont il a besoin. Ce [matin], tournons notre regard vers Marie, si glorieuse et si humaine, et laissons-la nous conduire vers Dieu qui est vainqueur1.

Que Notre Dame soit notre guide en ce temps pascal qui s’ouvre : qu’elle nous indique les beautés de son Fils à contempler et qu’elle nous introduise dans la Vie nouvelle qui nous est offerte,

Amen, Alléluia !

1Benoît xvi, 13 Septembre 2008.