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Solennité de la Dédicace

Samedi 5 octobre 2024

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

Cet édifice est la maison de Dieu, bien fondée sur une pierre ferme. Cette maison de prière est bâtie avec art, elle est revêtue de sainteté et de gloire. Ici, le prêtre et toutes les âmes bien tournées vers le Seigneur peuvent entrer aisément en conversation avec le Dieu trois fois saint.

La liturgie de notre fête chante et répète avec ferveur toutes ces vérités, et nous remercions Dieu du don qu’il nous a fait d’un temple pour le rencontrer. Nous sommes heureux d’avoir à notre usage une telle demeure sacrée. Au fil des antiennes et des répons, il est un thème qui revient fréquemment, c’est celui de la Cité sainte appelée Jérusalem ou Sion. L’hymne des Vêpres, en particulier, détaille les beautés de cette ville, et l’art déployé lors de sa construction. Au sens spirituel, il s’agit de la construction de la sainte Église et de l’organisme spirituel de tout chrétien. Cette hymne chante dès le premier vers la « bienheureuse ville de Jérusalem », « Vision de paix ».

Oui, notre relation avec Dieu n’est pas seulement un simple rendez-vous, seul à seul dans un sanctuaire, mais vraiment toujours aussi un culte social, fondement réel d’une cité nouvelle, où tout un peuple se constitue, dans la fraternité d’une même vie divine qui circule dans les âmes.

Toutes ces merveilles sont mises à notre portée. Et cela nous rend profondément heureux. Pouvons-nous pour autant estimer qu’il n’y a plus rien à désirer ?

Certes, Dieu nous a donné dès à présent la charité qui demeurera dans l’autre monde : dès à présent nous l’aimons et nous nous aimons mutuellement d’un Amour divin, fort et pur. Cependant, Dieu nous a encore laissé quelque temps sous le régime de la foi et de l’espérance. Pour l’instant nous n’adhérons aux vérités éternelles que par la foi, qui scrute dans l’obscurité les bontés de Dieu sans pour autant les cerner entièrement.

Saint Augustin, dans son Discours sur le Psaume 9e, nous explique que notre citoyenneté dans la ville sainte est appelée à évoluer. C’est avec justesse que la ville consacrée à Dieu est appelée « Sion » ici-bas, et « Jérusalem » dans l’éternité. Le saint évêque d’Hippone développe ainsi :

« Chantez au Seigneur, qui habite dans Sion » [dit le Psaume 9e (v. 12)]. Le Psalmiste s’adresse à ceux que le Seigneur n’abandonne point parce qu’ils le recherchent. Ils habitent Sion, qui signifie « chercher du regard », et qui est le symbole de l’Église présente ; comme Jérusalem est le symbole de l’Église à venir, c’est-à-dire de la cité des saints admis à jouir de la vie des Anges, parce que Jérusalem signifie « vision de paix ».

En effet, la recherche par le regard précède la vision, comme l’Église actuelle précède la cité immortelle et éternelle qui nous est promise. Mais elle la précède par le temps et non par la dignité ; parce que le but auquel nous nous efforçons de parvenir est plus excellent que ce que nous faisons pour mériter d’y parvenir : or nous agissons par le regard, afin d’arriver à la vision1.

Oui, saint Augustin a raison : notre obscurité relative ne nous autorise pas à laisser de côté les lumières que le Seigneur Jésus donne dans son Évangile et proclame par son Église. C’est en nourrissant notre foi que nous développerons notre vie d’enfants de Dieu. Ne nous laissons pas égarer par les lueurs naufrageuses de ce monde, et scrutons les vérités salvifiques. Le Seigneur s’y trouve, pour les chrétiens en chemin, afin d’éclairer leurs pas. Saint Augustin poursuit en effet :

Mais si le Seigneur n’habitait aussi dans l’Église présente, les recherches les plus ardentes n’aboutiraient qu’à l’erreur. Aussi est-il dit à l’Église : « Le temple de Dieu est saint, et ce temple, c’est vous » (1 Co 3, 17), et encore : « Le Christ habite par la foi dans vos cœurs, dans l’homme intérieur » (Ep 3, 16).

Il nous est donc ordonné de chanter au Seigneur qui habite dans Sion, c’est-à-dire de louer, d’un commun accord, le Seigneur qui habite dans l’Église [, qui habite notre Communauté et notre église abbatiale de Triors]2.

Oui, chantons-le dans Sion, c’est-à-dire là où l’on cherche du regard, en attendant la joie de le chanter à Jérusalem, dans la Vision de paix, avec les bienheureux, au premier rang desquels trône la Vierge Marie, reine des Saints, Mère de l’Église triomphante, souffrante et militante, Mère de notre abbaye et Mère de chacun de nous.

Amen.

1Saint Augustin, Enarratio super Ps. 9, n. 12.

2Saint Augustin, Enarratio super Ps. 9, n. 12.