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Solennité de la Dédicace
Jeudi 12 Octobre 2023
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.
Mes bien chers frères et sœurs,
Mes très chers fils,
Nous fêtons aujourd’hui la présence spéciale de Dieu dans notre église, la consécration de ces murs pour qu’ils constituent à jamais une demeure de Dieu avec les hommes. Ici, la Vierge Marie nous accueille toujours, dans son Immaculée Conception, et elle nous introduit auprès du Roi, elle qui est toujours bienvenue auprès de son Fils.
Nous avons besoin d’une telle ambassadrice, parce que, de fait, notre faiblesse nous incline aux fautes et, quotidiennement, nous avons la tristesse de déplaire à Notre Seigneur. Comment alors, entrer sans crainte dans la demeure de Dieu ?
L’Évangile de la fête de la dédicace nous rassure à ce sujet. En effet, saint Luc ne nous rapporte pas simplement la présence de Jésus dans la maison d’un homme, mais le chemin accompli de part et d’autre pour que soit rendue possible cette habitation divine dans une demeure humaine. La Vierge Marie n’apparaît pas ici, mais par sa prière cachée, elle intervient silencieusement en faveur de Zachée. Elle sait quel est le désir de son Fils Jésus. Elle implore Dieu dans ce sens. Elle obtient que les pécheurs accèdent à l’intimité avec le Verbe de Dieu. Elle obtient la pénitence et la réconciliation.
Cet Évangile fait de multiples allusions à la conversion.
Saint Luc indique très consciemment que Zachée est un publicain, un lâche qui pactise avec le monde païen. Zachée est même un chef des publicains, et il a si bien réussi dans ses agissements qu’il en est devenu riche. Voilà un vrai pécheur auquel nous ressemblons tous, avec nos tristes égoïsmes.
Et pourtant, ce Zachée a quelque chose d’aimable : il veut voir Jésus. Jésus aussi veut le voir : arrivé sous le sycomore où Zachée est perché, Jésus lève les yeux. Jésus cherche du regard chacun de nous, même dans les lieux incongrus où nous pousse notre petitesse.
Alors la conversion commence. Jésus ordonne de descendre rapidement, et Zachée descend vite. Quelle merveille ! Ne nous décourageons pas devant nos lenteurs contre lesquelles nous avons tout tenté. Quand Jésus le veut, il s’approche et nous ordonne de descendre des perchoirs de nos égoïsmes. Et vite, nous en descendons ! Nous descendons en nous même, dans le silence intérieur où l’on peut entendre la voix de Dieu.
La conversion n’est pas encore tout à fait achevée, mais Jésus décide tout de même d’aller dès à présent dans la maison, dans l’intériorité de Zachée. La conversion n’est pas achevée, puisque Zaché se sent encore en mauvaise posture quand on murmure autour de lui qu’il est un pécheur. Sa conscience n’est pas encore tranquille. Alors il décide, sous la poussée de la grâce qui est déjà chez lui, de rendre au quadruple ce qu’il détient frauduleusement.
À ce moment-là, Jésus peut véritablement se réjouir que le salut soit arrivé pour cette maison. Les derniers mots qu’il prononce montrent bien qu’il recherchait la conversion du pécheur quand il s’est invité chez lui : « Venit enim Filius hominis quaerere et salvum facere quod perierat — En effet, le Fils de l’homme [… n’est pas] venu [pour autre chose que] chercher et sauver ce qui était perdu. »
Quand nous prenons conscience que nous sommes tous dans la situation de Zachée, nous nous découvrons aimés de manière inconditionnelle par l’immense miséricorde de Dieu. Et cet amour déborde de notre cœur, en direction de tous nos frères, pécheurs comme nous. Cet amour de Dieu que nous donnons à nos frères, c’est cette compensation au quadruple de tout ce que nous nous devons les uns aux autres. Oui, quand Jésus est présent dans nos cœurs, le lien de la charité nous unit très solidement. Nous devenons les pierres qui constituent l’Église, pierres polies par la pénitence et unies entre elles par le ciment de la charité. Mère Cécile Bruyère disait à ses moniales :
Plus cet or de la charité est pur, plus il joint les pierres entre elles et alors que voulez-vous qu’on risque ? […] Ce que Notre Seigneur a fait ne peut être détruit, ce qu’Il a joint ne peut être séparé. […] Le temps pourra amener des jours plus ou moins sereins, mais la maison est debout, elle voit passer bien des événements et leur survit. Quand le lien de la charité est bien serré on marche avec force, il y a déjà un commencement de l’affermissement que Dieu nous donnera dans l’éternité1.
Entrons donc avec confiance dans notre église, malgré le fardeau de nos péchés. La Vierge Immaculée nous introduit auprès de son Fils, présent au tabernacle. Laissons Jésus lever les yeux vers nous et faire de nous des pierres bien équarries et soudées entre elles par l’amour miséricordieux dont elles sont imprégnées.
Amen.
1Mère Cécile Bruyère, 12 Octobre 1877.