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Solennité de la Résurrection du Seigneur
Dimanche de Pâques, 17 Avril 2022
Mes bien chers frères et sœurs,
Mes très chers fils,
Paix éternelle, Victoire inamissible, Lumière sans ombre.
Le Christ triomphe sur la mort et le mal, il chante paisiblement sa joie d’avoir accompli sa mission. « Je suis ressuscité, je suis encore et désormais pour toujours avec vous, mon Père, alléluia ! » Par ces mots du Psaume 138e, l’introït ouvre notre Messe pascale.
Resurrexi. Le Seigneur ressuscité parle de sa résurrection personnelle, mais au nom de son corps mystique tout entier. Tous, nous chantons en lui notre bonheur d’avoir été sauvés. Tous, nous sommes partie prenante de ce miracle de la Résurrection du Seigneur. C’est nous, surtout en fait, qui étions morts ; et morts de la plus terrible des morts : la mort du péché. Si Jésus est allé sous le pressoir de la Croix, ce n’était que pour nous revêtir, nous les hommes ses frères de la beauté de son Sang. Désormais, nous sommes ressuscités avec lui, en lui, et nous chantons, à Dieu notre Père, notre joie profonde d’être désormais pour toujours avec lui, tecum sum.
« Vous avez étendu votre main sur moi, poursuit l’introït, et votre sagesse s’est montrée admirable, alléluia, alléluia ! » La main de Dieu est étendue sur nous. C’est une main qui prend en charge et qui protège. La main de Dieu posée sur nous, voilà la seule main-mise que l’homme puisse accepter, la seule aussi qui fasse son complet bonheur. Quand Dieu nous prend dans ses mains, alors il nous lave de nos souillures, nous libère de nos œuvres de mort, et nous ramène à la vie divine.
Nous ne comprenions pas pourquoi sa providence nous laissait endurer de si douloureuses expériences, mais nous voyons désormais de plus en plus nettement dans sa lumière le bien que le Seigneur a accompli en nous à l’occasion de ces épreuves. Si le Carême a été lourd à la nature ankylosée dans ses travers, nous voilà désormais bien allégés de nos attaches aux biens qui passent. Le contexte ecclésial est parfois déroutant, surtout quand on entend outre-Rhin des évêques revendiquer des positions morales tout-à-fait contraires à la loi divine. Ce que l’Église a toujours enseigné est la voie du véritable bonheur inscrit par Dieu dans la nature humaine, et cela ne variera pas. Si Dieu permet cette contradiction, c’est qu’elle sera l’occasion d’une présentation de la beauté du mariage plus nette encore et bien utile à tous les hommes et les femmes de notre temps. D’autres situations déroutantes sont venues aggraver notre fardeau : les craintes sanitaires et politiques, la guerre à nos portes, et surtout l’incertitude pour le futur liturgique. Ces poids nous viennent aussi de la main de Dieu, bien fermement, et ils nous préparent à de belles résurrections, dans une vie nouvelle.
Oui, c’est d’une vie nouvelle que le Christ vit désormais. Il n’a plus à vivre la vie d’ici bas. Saint Bernard le dit avec sa façon :
L’Épouse [qui le cherche encore sur les places et dans les ruelles] juge encore comme un enfant : elle s’imagine, je crois bien, qu’à peine sorti du tombeau l’Époux à reparu en public, et qu’il y a repris sa vie habituelle, prêchant les foules, guérissant les malades, se montrant dans sa gloire parmi les Israélites, pour voir s’ils l’accueilleraient, revenant de la mort, comme ils avaient promis de le faire au cas où il se déclouerait de la croix1.
Non, le Seigneur ne revient pas vivre au contact des hommes. Il sait quelle est leur réaction. L’expérience a déjà été faite, la première mission est accomplie.
Les saintes femmes commettaient un peu la même erreur lorsqu’elles voulurent embaumer le corps du Seigneur Jésus. Elles désiraient conférer une pérennité artificielle à ce corps qui a vécu la vie commune. Mais « Il avait achevé la mission que lui avait confiée son Père, et l’Épouse aurait dû le comprendre, ne fût-ce qu’en entendant la voix expirante du crucifié prononcer ces mots : Tout est consommé2. » Désormais, il se hâte de retourner auprès de son Père, tecum sum, « car une fois élevé de terre, il aura plus de force pour attirer toute créature à lui3 ». Plus rien de vétuste ne doit demeurer dans nos vies. Engageons-nous dans cette vie nouvelle, sur la lancée des purifications quadragésimales. Livrons-nous désormais avec un élan de ferme espérance à la prière, à la charité fraternelle, à la lectio divina, au travail généreux. Ne laissons pas l’égoïsme de l’épidémie numérique s’introduire à nouveau si Dieu nous a aidé à la chasser en ces jours de pénitence. Ne cherchons pas non plus à tout prix une artificielle pérennité de la santé que nous promettent les idéologies menteuses d’une prétendue médecine : notre paradis n’est pas sur cette belle terre, mais dans la communion éternelle à la vie trinitaire.
Le soleil vient de se lever, comme l’a dit l’Évangile. Ce jour que fit le Seigneur est un jour nouveau. Rien de vétuste ne s’y prolonge. « Il est ressuscité, dit l’Ange aux femmes, et il n’est pas ici. » Il n’est pas là où l’on attendrait qu’il fût, là où il avait été déposé. Sa vie est nouvelle. Il nous précède en Galilée. Il nous attend ailleurs qu’à Jérusalem, au cœur de la société huppée où se prennent les décisions. Il nous attend en Galilée, dans notre terre d’origine, et là, dans nos circuits de bonnes habitudes acquises au long du Carême, il nous attend avec sa vie nouvelle. Ne cherchons le Christ ailleurs que dans nos devoirs d’état, mais cherchons le autrement dans un cœur libre de tout levain d’égoïsme.
La Vierge Marie, sereine dans sa pureté, ouvrira nos yeux pour reconnaître à chaque instant de notre vie d’aujourd’hui la présence très réelle de son Fils ressuscité. Il vit en nous.
Regina Cœli, lætare,
Amen, Alleluia.
1Saint Bernard, Commentaire sur le Cantique, serm. 76, no 1.
2Saint Bernard, Commentaire sur le Cantique, serm. 76, no 1.
3Saint Bernard, Commentaire sur le Cantique, serm. 76, no 1.