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Solennité de la Résurrection du Seigneur,
Notre Dame de TRIORS, dimanche de Pâques, 4 avril 2021.
Les saintes femmes sont à l’honneur au petit matin de Pâques ; mais selon le récit qui vient d’être chanté, il s’agissait d’assurer au Seigneur Jésus une sépulture qui soit digne, souci purement funèbre (Mc. 16,1-7). Non sans étonnement, en tâtonnant, elles changèrent leur regard en voyant déplacée la grosse pierre du tombeau, avant d’écouter étonnées le message de l’ange. Celui-ci les dirigea vers les hommes, à savoir Pierre et les disciples. La démarche pascale des apôtres ne fut pas plus aisée, ni plus rapide ; c’est elle pourtant qui fonde la foi de l’Église. La forme extraordinaire du missel nous a donné cette version qui souligne la primauté des femmes à Pâques. En revanche, la forme ordinaire insiste plus directement sur le rôle des apôtres : alerté par Madeleine, accompagné de Jean, Pierre court vers le Sépulcre et s’ouvre à la foi pascale (Jn. 20,1-9).
Ce rôle primordial des saintes femmes fait penser d’abord à Notre Dame, à la fois en retrait et au cœur du mystère. Comme on l’a bien écrit, Marie est cachée à nos yeux dans la contemplation, tant de la sainte Cène où le féminin est caché lors de l’Eucharistie, que, par la suite, à la Croix et le Samedi saint : lorsque la divinité se cache, la foi de l’Église se réfugie dans le cœur de Marie, selon la formule du Cardinal Journet. La foi, portée par le féminin, prend toute sa signification quand la divinité de Jésus s’éclipse ; et aujourd’hui dans un monde où le sens de Dieu se perd, la foi de la femme, dans sa pureté et sa proximité avec Jésus, est plus que jamais nécessaire (Gabrielle Vialla, Recevoir le féminin). Oui, les femmes dans la piété continuent de mettre les apôtres sur le chemin de Pâque.
Le rôle respectif des femmes et des hommes est ici d’une beauté divine particulière, et ceci est trop peu remarqué dans l’Église, comme le pape aime le souligner. La diversité homme-femme est souvent perçue plus ou moins comme un affrontement : cela indique probablement que Jésus et Marie sont trop peu connus et pas assez aimés, eux par qui nous sommes libérés de l’héritage ambigü et piégé d’Adam et Ève. Hélas, l’actualité, c’est une humanité devenue un piège à elle-même, piétinant l’appel instinctif à l’unité que chacun porte profondément en soi, appel associé au désir du bonheur, sûr que la création, issue du Bon Dieu, est vraiment bonne. L’humanité languissante attend Pâque.
L’évangile de ce jour rénove donc notre regard. Bien sûr, la difficulté de vivre est de tous les temps : les tensions mal résorbées entre hommes et femmes ont diverses versions, l’antique, la médiévale ou les plus récentes. Néanmoins, la mort de Jean-Paul II au soir du samedi in albis en 2005, en mondiovision, fut sous cet angle comme un beau tournant, avivant la vie pascale de l’Église : cette mort associait en effet le pape à la mission de Ste Faustine Kowalska qu’il avait lui-même authentifiée : Pierre, en lui, fut alerté par cette sainte femme qu’il canonisa. Pour la plupart, vous vous souvenez de ce grand moment qui galvanise notre vie pascale. Mettons-nous à l’école de Faustine pour bien pénétrer le mystère pascal qui est celui de la miséricorde trop méconnue.
Son Petit Journal est une mosaïque de conversations qu’elle eut avec le Seigneur, prolongeant de quelque manière le dialogue des saintes femmes à la première Pâque. Voici son récit de la Résurrection : Aujourd’hui, pendant la célébration, je vis Jésus dans une grande clarté. Il s’approcha de moi et dit : Que la paix soit avec vous, mes enfants. Il leva la main et nous bénit. Les plaies de Ses Mains, de Ses Pieds et de Son Côté n’étaient pas effacées, mais lumineuses. Par la suite, tout le temps pascal me sembla durer une minute à peine. Un singulier recueillement envahit mon âme, y demeurant pendant toute la durée des fêtes (PJ 340).
À une autre occasion (PJ 1043ss), elle se vit simultanément, dans la Chapelle du Saint Père, et en même temps dans la sienne, car la solennité y était étroitement liée à celle de Rome. Dans sa Chapelle, Notre-Seigneur Jésus était exposé dans l’ostensoir sur le Maître-Autel, paré comme pour les grandes occasions et la même cérémonie avait lieu à Rome dans un beau sanctuaire ; le Saint Père, en compagnie de tout le clergé y célébrait. Tout à coup, poursuit-elle, j’aperçus Saint Pierre ; ce qu’il a dit, je n’ai pu l’entendre, mais je sais que le Saint Père comprenait son langage. Sur ce, quelques ecclésiastiques que je ne connaissais pas, commencèrent à m’examiner et m’humilier, ou plutôt à critiquer. Cependant je vis Jésus Lui-même prendre ma défense et leur donner à comprendre ce qu’ils ne savaient pas sur la miséricorde spécialement liée au Temps pascal.
Étonnée de cette mission face au clergé réticent, elle entendit le Seigneur lui répondre à une autre occasion (PJ 340) : Qui sait quelque chose de la miséricorde ? Personne ! Ceux qui ont à la publier et à enseigner les gens en leur en parlant, souvent, ne le savent pas eux-mêmes. C’est pourquoi, Je désire que mon image soit solennellement bénie, le premier dimanche après Pâques, et qu’elle reçoive les honneurs publics, afin que chaque âme en soit informée. Fais une neuvaine à l’intention du Saint-Père ; celle-ci doit se composer de 33 actes, c’est-à-dire que tu répéteras 33 fois cette petite prière à la Miséricorde que Je t’ai apprise.
Pour nous autres, Pâque est un peu en veilleuse sanitaire comme l’an dernier. Mais nous ne sommes pas démunis : en réintroduisant l’eau bénite pour les fidèles par bec verseur, nous voulons affirmer humblement que l’esprit de foi dut avoir le dernier mot, témoignant d’une prudence qui va au-delà de celle des responsables, laquelle est pourtant si nécessaire malgré leur désarroi du moment. Lors du Grand Vendredi et dans l’Exultet de cette nuit, nous avons prié pour nos gouvernants avec solennité, les gardant maintenant dans la prière de l’alleluia pascal, lequel ne peut être confiné : oui, l’alleluia est intrinsèquement inconfinable. Te decet laus, la joie déborde de nos âmes sur nos lèvres, et cette joie est la grande urgence pour sauver le triste monde. Regina caeli laetare, alleluia. Amen.
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