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Solennité de l’Épiphanie 2021,

mercredi 6 janvier à Notre Dame de TRIORS.

Par la lumière, les Mages recherchent la lumière. Leur épopée a inspiré ces trois mots de l’hymne de la fête : Lumen requirunt lumine – la lumière de l’étoile les a guidés vers une plus grande lumière. La splendeur de la fête de ce jour en multiplie d’ailleurs les bénéficiaires, les mystères s’y enchâssant les uns dans les autres. Après les Mages attirés par l’étoile, le Baptiste fascine et baptise les foules pour les mener à Jésus, et il y a encore le vin de Cana, réjouissant les convives pour les orienter vers le Sang Rédempteur qui sera versé en son Heure.

Derrière les signes de l’étoile, du Baptême de Jean ou du vin de Cana, il y a Dieu qui sans cesse attire l’homme vers Lui en l’éclairant. S. Ephrem lit cela dans l’aventure des Mages : Ceux-ci qui, jusqu’alors adoraient les astres, n’auraient certes point porté leur pas vers la lumière si l’étoile ne les avait séduits par son éclat. Jusque là, leur amour était enchaîné à la lumière qui passe, poursuit-il, désormais l’étoile les attire à la lumière qui ne passe pas (Diatessaron 2,21). Le Pape Benoît XVI parle à leur sujet d’un message d’espérance, en écho au désir inscrit au plus profond de nous, à savoir connaître Dieu : par là, l’homme peut enfin se relever de sa triste déchéance (JdN I, p.134). Pour S. Thomas, on sait que c’est là le moteur de la vie morale : Il y a dans l’homme, écrit-il, une inclination au bien qui, malgré ses langueurs, correspond à la nature de sa raison, et cela il l’a en propre ; ainsi l’homme, au-delà de ses chaînes innombrables, possède une inclination naturelle à connaître la vérité sur Dieu et à vivre en société (Ia-IIae, Qu. 92, a.2).

Les Mages entrent pleinement dans la logique du Prologue de S. Jean : en l’Enfant, ils voient celui qui était la vie, la vie qui était la lumière des hommes. Et la lumière a lui dans leurs ténèbres, même si jusqu’alors les ténèbres ne l’avaient pas reçue (Jn 1,4). Le Seigneur lui-même affirme de lui au cours de sa vie publique : Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie (8,12). Et de fait, les Mages d’Orient voient dans l’Enfant de Noël beaucoup plus que le charme du simple Nouveau-Né. En adorant l’Enfant dans les bras de sa Mère, les Mages témoignent de l’Incarnation rédemptrice : ils se prosternent et offrent leurs dons. Il en va de même avec les pénitents baptisés par Jean-Baptiste dans l’attente du baptême dans le feu du Saint-Esprit : il en va de même encore avec les disciples que le miracle de Cana acquiert au Seigneur.

Avec ces premiers croyants, nous témoignons que Jésus est le Verbe incarné, lumière née de la lumière. Avec les trois rois et les autres témoins, nous adorons Dieu venu à nous dans un décor si inattendu, que ce soit la grotte de Bethléem, le désert jouxtant le Jourdain ou enfin ces noces villageoises de la bourgade de Galilée. En ces circonstances décrites par l’évangile, chacun suit au bon moment la trajectoire de sa vie morale coïncidant avec son retour vers Dieu ; chacun est appelé à aller du bien désiré de façon tâtonnante (et souvent en quelle nuit !), au bien possédé qui passe par la vérité aimée, que le signe de Dieu met en évidence.

C’est maintenant à nous de voir Jésus apparaître en notre histoire, Jésus contemplé dans la lumière et l’amour qu’il nous apporte, dans la lumière et l’amour qu’il est lui-même. Le désir de Dieu attisé par ses signes mène nos vies à la conversion, nous disposant à rechercher avec appétit Sa sainte volonté sur nous. Conversi, ce fut l’une des premières désignations de la vie monastique. Si vere Deum quaerit, résume N. Bx Père. Chercher Dieu, fuir le mal, faire le bien per deificum lumen, nous dit-il encore dans le Prologue de sa Règle, avec la saveur de la théologie orientale.

L’étoile de Noël, réduite à une pieuse et délicieuse légende, fait sourire les esprits forts de tous les temps. L’évangile souligne pourtant l’admiration qu’elle suscita auprès des Mages, remettant à l’honneur pour nous autres l’attitude préconisée par la sagesse antique pour laquelle l’admiration ou la surprise sont le principe de toute réflexion philosophique et le fondement de la recherche de la vérité (Com. DD, p. 10. Cf Aristote, Métaphysique A c.2). On peut parler à bon droit de la vocation théologique de l’univers matériel (P Bonino), et S. Thomas insiste pour ne pas prendre à la légère ni trouver frivole l’idée selon laquelle quelque chose peut opérer dans la nature pour se manifester aux esprits des hommes… Rien d’étonnant, en effet, si un certain changement se produit dans la substance corporelle en vue de donner à la nature intellectuelle la connaissance de Dieu (Contra Gentiles III, 99).

La collecte de la solennité de ce jour glorieux résume tout cela avec ardeur. Gentibus stella duce, Unigenitum tuum revelasti ; Qui jam te ex fide cognovimus, usque ad contemplendam speciem celsitudinis perducamur – Le Fils Unique du Père est révélé aux païens grâce à l’étoile ; maintenant que nous le connaissons par la foi, puissions-nous en atteindre la cime élevée dans la contemplation achevée. N’est-ce pas l’ultime exhortation de N. Bx Père, perducere hominem ad celsitudinem perfectionis ? N’est-ce pas surtout l’attente de notre Mère du ciel qui souhaite tant nous voir aimer les demandes du Pater après avoir chercher bon an mal an à sanctifier le Saint Nom de Dieu, adveniat regnum tuum, fiat voluntas tua sicut in caelo et in terra, amen.

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