+

Solennité de l’Épiphanie du Seigneur

Jeudi 6 Janvier 2022

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, Amen.

Mes bien chers frères, mes très chers fils,

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. (Gn 1, 1-4)

Dieu est gloire et vérité. Et « la création dans son ensemble […] ressemble à la vie divine elle-même : car la sainte Trinité est un temple, où, par sa génération éternelle, le Verbe est la louange parfaite du Père, splendor gloriae et figura substantiae ejus ; où la communion du Père et du Fils se scelle dans le baiser de paix et la jubilation personnelle qu’est leur commun Esprit1 ». L’homme, prêtre de la création était appelé à refléter cette lumière.

Mais nous avons préféré le scintillement des bagatelles, nous avons préféré les lueurs blafardes du repliement plaintif sur soi. Nous avons perdu de vue l’Essentiel, nous nous sommes enfoncés dans les ténèbres. Comme Jérusalem, nous nous souvenons vaguement de notre vocation première, mais nous laissons cela sous la poussière morte de nos livres.

Et voilà que surgissant de la nuit, une caravane ondulante, chatoyante et inattendue se présente. Avec ces Mages, c’est la joie de la redécouverte de notre destin qui jaillit. Ces attentifs de l’Orient nous apprennent à retourner le regard vers l’Essentiel, qu’on ne voit bien qu’avec le cœur. S’ils se sont tant réjouis à la vue de l’étoile matérielle, que sera-ce quand nous contemplerons le soleil ? S’ils se sont abandonnés à la gratitude quand, laissant toute leur caravane dehors et entrant dans la maison, ils ont découvert la Mère, que sera-ce quand cette Mère accueillante nous montrera son Enfant ?

Oui, les Mages nous éveillent. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Is 9, 1). Nous retrouvons le contact avec le Verbe. « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. […] Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. » (Jn 1, 4-5,9) Si initialement nous ne l’avons pas reçu, désormais c’est lui qui nous reçoit et qui nous donne le pouvoir de devenir enfants de Dieu (cf. Jn 1, 12-12).

Dorénavant, nous pouvons nous bénir mutuellement avec les mots que Dieu indiquait à Moïse et à Aaron : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 7, 24-26).

La lumière qui rayonne du visage du Seigneur enfant est destinée à ceux qui sont proches et à ceux qui sont loin. Le Pape émérite le remarquait en ces termes au début de son pontificat :

Le Seigneur Jésus est, dans le même temps et de manière inséparable, « lumière pour éclairer les nations païennes, et gloire d’Israël [son] peuple » (Lc 2, 32), comme s’exclamera le vieux Siméon, inspiré par Dieu, en prenant l’Enfant dans ses bras, lorsque ses parents le présenteront au temple. La lumière qui éclaire les nations – la lumière de l’Épiphanie – provient de la gloire d’Israël – la gloire du Messie né, selon les Écritures, à Bethléem « ville de David » (Lc 2, 4)2.

Oui, la fête de l’Épiphanie accomplit ces prophéties. Et saint Paul s’en réjouit auprès des Corinthiens : « Dieu qui a dit : « Du milieu des ténèbres brillera la lumière », a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. » (2 Co 4, 6). Qui regarde vers lui resplendira, dit le Psaume 33 (v. 6) et le Pape Benoît XVI avait ainsi souligné la mission évangélisatrice qui émane de cette contemplation :

Les disciples, disait-il, formés par le Seigneur Jésus pour vivre dans le style des Béatitudes, devront attirer tous les hommes à Dieu, à travers le témoignage de l’amour : « De même, que votre lumière brille devant les hommes: alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 16). En écoutant ces paroles de Jésus, nous, membres de l’Église, ne pouvons pas ne pas percevoir toute l’insuffisance de notre condition humaine, marquée par le péché. L’Église est sainte mais elle est composée d’hommes et de femmes avec leurs limites et leurs erreurs. Seul le Christ, en nous donnant l’Esprit Saint, peut transformer notre misère et nous renouveler continuellement. C’est Lui la lumière des nations, lumen gentium, qui a choisi d’éclairer le monde à travers son Église3.

Guidés par la Vierge Marie, stella duce, les moines viennent adorer le Dieu Sauveur nourrisson, et l’accueillir concrètement dans tous les moments de leur vie.

 

 

1Dom Delatte, Commentaire, p. 149.

2Benoît XVI, 6 Janvier 2006.

3Benoît XVI, 6 Janvier 2006 ; cf. Concile Vatican II, Lumen gentium, n. 1.