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Solennité de l’Épiphanie du Seigneur

Samedi 6 Janvier 2024

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »

Les mages venus d’orient sont en quête. Ils veulent voir celui qu’ils appellent « le roi des Juifs » et qui sans doute est bien plus à leurs yeux qu’un souverain comme un autre : ils n’ont pas fourni tout ce chemin simplement pour aller rendre hommage à un roi qui leur est bien étranger. Non, ils sont venus se prosterner, ils sont venus adorer celui pour qui la nature elle-même s’est parée d’une nouvelle étoile. Les mages ont conscience d’aller au devant d’une manifestation divine. Ils savent que, s’ils atteignent leur but, ils assisteront à une épiphanie, à une manifestation du Dieu qui régit ce cosmos qu’ils admirent depuis longtemps.

Les mages sont donc à la recherche d’une manifestation déterminante de Dieu.

Et pour nous, qu’en est-il ? De tout temps, l’homme court au merveilleux. L’épouse de Lot avait voulu voir le châtiment de Dieu infligé à Sodome ; les contemporains de Jésus se rassemblaient pour voir Lazare ressuscité. Si bien que l’Ecclésiaste peut dire : « L’œil n’a jamais fini de voir, ni l’oreille d’entendre » (Qo 1, 8).

Aujourd’hui, l’homme ne fait pas exception à la règle. Il cherche toujours le merveilleux. L’industrie de la distraction le sait, elle qui joue dessus. Et c’est ainsi que les écrans offrent une myriade de petites vidéos qui rivalisent de merveilles dans l’art de séduire. L’homme recherche ce qui est enthousiasmant, ce qui est magnifique ; mais au fond, sans se l’avouer, il est à la quête de la magnificence de Dieu.

Hélas, ces expériences artificielles sont toujours finalement une déception. Car Dieu se manifeste ailleurs, il se manifeste pour les bergers dans une crèche ; pour les mages il manifeste sa royauté divine dans les bras de Marie ; au festin symbolique des noces de Cana, il manifeste sa puissance et « sa gloire » (Jn 2, 11) et, dans l’humble baptême au Jourdain, la voix même du Père céleste manifeste sa filiation divine et l’apparition de l’Esprit manifeste sa messianité.

Jésus était venu discrètement dans le monde. Sa famille rapprochée seule avait découvert un peu de son mystère. Quelques bergers avaient été conviés à l’adorer dans l’étable. Mais il n’y avait pas eu de manifestation publique qui porte au loin ses échos. Aujourd’hui, l’Église fête ces trois épisodes où le mystère du Christ passe officiellement de la sphère privée au regard du grand public.

Les mages, le Jourdain et Cana sont les trois épisodes que l’Église rassemble donc autour de la grande manifestation de Dieu parmi les hommes qu’est la fête même de la Nativité.

Et nous savons que l’Évangile n’appartient pas au passé. Très réellement, nous le vivons au fil de nos journées. Nous pouvons quotidiennement reconnaître Jésus dans les bras de sa Mère et l’y adorer, nous pouvons le voir faire des miracles comme à Cana, nous pouvons le contempler dans l’humilité d’une descente dans le Jourdain pour nous conférer une réelle purification.

Oui, en effet, Jésus se manifeste à nos yeux sur l’autel. Nous l’adorons et nous lui offrons ce que nous avons de meilleur : nos œuvres et surtout nos âmes. Il se manifeste dans les miracles quotidiens de conversion quand il change l’eau froide de nos cœurs en un vin de pardon et de charité. Il se manifeste dans l’humilité que nous découvrons dans nos frères, tout près de nous. Quand un homme ou une femme, imitant Jésus, refuse d’adopter une attitude orgueilleuse, quand il s’abaisse pour recevoir volontiers l’eau de la purification, il nous offre en même temps une excellente leçon qui nous purifie.

Sachons reconnaître la présence de Jésus, la présence de Dieu qui sauve, au cœur de chacune de nos journées. Il n’y en a pas une où nous ne le rencontrions pas.

Mais pour pour que la grâce circule dans les deux sens, nous devons veiller à être nous-mêmes pour autrui de petites épiphanies du Seigneur. Demeurons donc entre les mains de Notre Dame, pour être là où Dieu a besoin de nous. Il a besoin que nous y soyons, au bon moment, pour témoigner de sa présence devant les hommes qui cherchent Dieu. Quand nous recevons une parole froide comme de l’eau, sachons l’interpréter avec bienveillance pour y réagir selon l’Évangile et servir en retour une bonne mesure de vin chaleureux. Et quand une humiliation se présente, descendons-y, et remontons revêtus du Christ et de l’Esprit. Alors, par l’intercession de Marie, une voix se fera entendre du ciel dans les cœurs : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».

Amen.