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Solennité de la Fête Dieu

Jeudi 30 mai 2024

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

La liturgie de la Fête Dieu, de la Fête du Corpus Christi, nous invite à considérer les humbles espèces du pain et du vin. Nous regardons l’Hostie et le Calice avec un regard de foi, nous discernons le Corps et le Sang du Christ vivant, et pourtant, l’œil du corps ne voit rien.

La liturgie tout autour est fastueuse, et l’ostensoir fait la synthèse de ce déploiement d’éclat, mais au centre, nous ne voyons rien qu’un léger morceau de pain azyme. Au milieu de toutes ces choses qui rayonnent, il y a, sans fard, le mystère fondamental de notre foi. Et l’Église ne dissimule rien. Elle ne fait pas d’effets spéciaux. Le Christ est là, débordant de vie, mais sous l’apparence d’un pain sans apparence.

Mais alors, si l’on ne ressent rien, pourquoi Jésus a-t-il institué l’Eucharistie ? Quel est son effet ultime ?

Le but de l’Eucharistie est de nourrir nos âmes en les unissant à la vie glorieuse du Seigneur. Le rayonnement le plus réel de l’Eucharistie, ce n’est pas le soleil de l’ostensoir, mais l’âme qui rayonne d’une vie et d’une joie nouvelle. Quand nous regardons l’Hostie avec foi, elle est déjà pour nous une nourriture et nous commençons à rayonner. « Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage », dit le Psaume 33 (v. 6).

Déjà, « lorsque Moïse descendit de la montagne du Sinaï, ayant en mains les deux tables du Témoignage, il ne savait pas que son visage rayonnait de lumière depuis qu’il avait parlé avec le Seigneur » (Ex 34, 29). Et ce rayonnement plongeait les Hébreux dans une telle crainte que Moïse devait se voiler le visage.

Le Seigneur Dieu s’est incarné et depuis, nous pouvons tous le contempler sans intermédiaire. Saint Paul nous dit que cela nous donne une gloire bien supérieure à celle de Moïse : « Le ministère de la mort, celui de la Loi gravée en lettres sur des pierres, avait déjà une telle gloire que les fils d’Israël ne pouvaient pas fixer le visage de Moïse à cause de la gloire, pourtant passagère, qui rayonnait de son visage. Combien plus grande alors sera la gloire du ministère de l’Esprit ! » ( 2 Co 3, 7-8).

La Vierge Marie est celle qui a contemplé le Seigneur avec le plus d’intensité, dans tous ses mystères, aussi dans celui de l’Eucharistie. Notre Dame rayonne donc. Elle est le premier ostensoir qui reflète si bien la lumière de son Fils que saint Jean la décrit comme revêtue du soleil (Ap 12, 1).

Et nous sommes ses enfants. Nous ne rayonnons pour l’instant que d’une lueur modeste, celle d’une chandelle qu’on ne met pas sous le boisseau, mais « sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5, 15-16). Notre regard de foi vers le Christ eucharistie nous donne une connaissance et une sagesse qui illumine notre vie quotidienne. L’Ecclésiaste nous dit combien cette sagesse donne aux choses et aux gens alentour leur vraie lumière : « Qui donc est comparable au sage ? Qui sait expliquer le sens des choses ? La sagesse d’un homme fait briller son visage ; la dureté du visage en est changée. » (Qo 8, 1). Et le prophète Daniel étend cette vérité jusqu’à l’éternité : « Ceux qui ont l’intelligence resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude brilleront comme les étoiles pour toujours et à jamais. » (Dn 12, 3).

Oui, dès aujourd’hui et jusque dans le royaume des cieux, nous sommes invités à être les ostensoirs du Christ. Jésus l’a dit en saint Matthieu : « Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! » (Mt 13, 43).

Dès lors, veillons à nous exposer à la lumière qui jaillit du visage du Seigneur dans l’eucharistie. Et redisons, pour nous et pour nos frères cette formule de bénédiction que le Seigneur a enseignée à Moïse : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 6, 24-26).

Notre Dame a contemplé le Seigneur son Fils à tous les âges de sa vie, sauf lors de sa transfiguration. Heureusement, aujourd’hui au ciel, elle le contemple dans toute la gloire de son humanité transfigurée par son union à sa divinité. Qu’en ce jour où nous adorons particulièrement Jésus hostie, notre Mère reflète sur nos âmes un rayon de cette lumière.

Amen.