+

Solennité des Saints Apôtres Pierre et Paul,

Notre Dame de Triors, le vendredi 29 juin 2018.

 

 

 

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

Sur la route de Césarée, Pierre affirme avec clarté et assurance : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant (Mt. 16,16). Cette clarté et cette assurance lui viennent non de la chair et du sang, mais du Père qui est dans les cieux, du Père de ce Jésus qu’il a sous ses yeux de chair et dont il révèle ici l’origine divine et céleste. Cette clarté et cette assurance s’enracine sur la foi, don de Dieu en son âme qui rend tellement plus perspicace que la vue liée aux yeux de la chair.

Le Seigneur ne fit connaître que peu à peu le mystère de son origine, même si les démons disaient parfois son identité par les possédés qu’il libérait. Il arrivait que les miracles eux-mêmes devenaient occasion de scandale pour les juifs, lorsqu’ils leur semblaient enfreindre la Loi : devinant une origine qui les dépassait, ils criaient au scandale. C’était pour les Juifs une raison de plus de chercher à le tuer, dit l’évangile, puisque non content de violer le sabbat, il disait encore que Dieu était son père, se faisant égal à Dieu (Jn. 5,17s). La mort du Seigneur fut décrétée pour une prétention inacceptable pour eux.

Mais sur la route Pierre confessa avec admiration et simplicité la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Origène le déduit ainsi : Pierre rejette toutes les fausses idées que les Juifs se faisaient de Jésus, et il confesse hautement cette vérité qu’ils ignorent : «Vous êtes le Christ», et surtout et plus encore, «le Fils du Dieu vivant», c’est-à-dire celui qui déclare partout dans les prophètes : «Moi je vis, dit le Seigneur». Le qualificatif «vivant» est à prendre d’une manière éminente, poursuit Origène, car il est supérieur à tous les êtres qui ont la vie ; car lui seul possède l’immortalité, car il est la source de la vie : nous le nommons au sens le plus véritable, Dieu le Père. Et comme Jésus dit en S. Jean, «Je suis la vie», c’est donc qu’il est bien lui-même la vie procédant du Père comme de sa source.

La Confession de Pierre sur la route de Césarée fut le 1er Credo de l’Église. À chaque étape importante de sa vie, l’Église l’a réédité : les grands Conciles des premiers siècles s’en sont fait l’écho, à Nicée en juin 325, à Constantinople en 381, au Latran en 640. Ainsi dans le Credo de la messe, nous répétons l’affirmation de S. Pierre. Au lendemain du Concile de Trente, après les confusions liées au Grand Schisme et à la Réforme protestante, Pie IV fit à nouveau une profession de foi, en novembre 1564. Il y a juste 50 ans en juin 1968, le Bx Paul VI fit de même après le IInd Concile du Vatican ; il a voulu ce Credo qui porte son nom, face à un monde en profonde mutation, dans lequel tant de certitudes sont mises en contestation ou en discussion. Dans le préambule du Credo, il s’adresse aux fidèles emblématiques de mai 68, menacés de se laisser fasciner par la nouveauté, sans esprit critique, sous l’impulsion du modernisme échevelé qui croit préparer l’avenir en perdant de vue le cri de Pierre sur la route de Césarée. La Révélation de Dieu ne saurait jamais être tenue pour une mode transitoire. La profession de foi du Paul VI associait le Concile au XIXème centenaire du martyre des SS. Pierre et Paul, l’année 1968 étant proclamée année de la foi dans ce dessein. Peu après Paul VI précisait : Une profession de foi n’est qu’un résumé, un «symbole» dit la théologie, une formule contenant les principales vérités de la foi, avec autorité, mais condensées et en raccourci. Dès les origines, une telle synthèse des dogmes fondamentaux de l’enseignement doctrinal était proposée aux catéchumènes qui devaient l’apprendre par cœur.

Le Credo de Paul VI fut suivi le 25 juillet par l’encyclique Humanae Vitae sur le mariage humain. Avec la proclamation de Marie Mère de l’Église en 1964, ce furent là les gestes majeurs du Magistère du futur saint pape, écho précieux de la confession de foi de S. Pierre sur la route de Césarée, rayonnant jusque dans l’intimité de la vie humaine, pensée par Dieu à son image et ressemblance. Ces gestes courageux de Paul VI préparaient ceux de S. Jean-Paul II avec le Catéchisme de 1992, puis ses grands textes sur le mariage et les fondements de la morale chrétienne. Nous lui devons en outre de contempler les liens entre l’acte de foi de S. Pierre avec tous ses prolongements d’une part et l’acte de foi de Notre Dame qui lui est antérieur, de l’autre.

Avant Césarée en effet, il y a eu l’annonciation : le Fiat et l’acquiescement de Marie à l’incarnation du Verbe, le Fils du Dieu vivant. S. Jean-Paul II aimait associer cette dimension mariale de l’Église à sa dimension pétrinienne, celle-ci découlant de celle-là de façon étroitement unie et complémentaire. Le Catéchisme a intégré cette analyse fine et fructueuse : Marie nous précède tous dans la sainteté qui est le Mystère de l’Église comme l’Épouse sans tache ni ride (Éph 5,27). C’est pourquoi la dimension mariale de l’Église précède sa dimension pétrinienne (CEC 772s, citant LG 48, et MD 27). Aussi l’Église de Pierre continue-t-elle le Magnificat de Marie pour chanter la foi confessée que la route de Césarée, amen.