Vendredi 13 mai 2017, messe du centenaire de Fatima.
Mes bien chers fils,
Notre Dame garde tout dans son Cœur Immaculé (Luc 2,19). Cela veut dire que tout ce qu’Elle voit, tout ce qu’Elle touche, Elle le rapporte à la cause divine qui nous donne d’être et d’agir. Par Elle, rien alors n’échappe à la causalité de la Bonté divine et tout est bien. L’Immaculée a pour vocation de nous donner Jésus, le Sauveur : salut divin qui ménage ainsi toutes choses pour que la Bonté divine en soit très satisfaite. De tout, cette Bonté attend de pouvoir dire comme à l’origine, que son plan a réussi, que tout est achevé, erant valde bona – consummatum est (Gen. 1,31 & Jn. 19,30). C’est alors le triomphe du Cœur Immaculé et le Dominus regnavit parfait.
La vie monastique est faite pour que ce plan divin se réalise dès ici-bas d’une façon à la fois visible et cachée, in abscondito Faciei. Tout doit y être très bon, reflet de la bonté divine, aussi tout y est-il marqué par le consummatum est. Seules l’humilité et la patience permettent en effet d’y accéder ; sans elles, il n’y aurait en cette prétention qu’un affreux acte de vanité pharisaïque ; avec elles c’est l’assurance d’être avec Jésus. Voilà pourquoi nos petites couronnes d’épines ont tant de valeur aux yeux du Bon Dieu, elles trouvent là leur précieuse raison d’être. C’est donc par Elle, l’Immaculée, que nous voulons faire passer notre patience et notre amour humilié et purifié pour qu’Elle les présente devant la Très sainte Trinité.
Nous les lui présentons comme à l’abbesse de céans. Le Père abbé Édouard dont c’est la fête aujourd’hui, sous le soleil de Fatima, ne manquait pas d’occasion de la nommer ainsi, l’abbesse du monastère. Nous profitons de ce jour anniversaire de la dernière apparition de Fatima pour faire cette démarche. Comme lui aussi avec ses successeurs, nous voulons mettre l’œuvre et les personnes qui nous sont confiées sous les exigences maternelles de celle dont les bien-aimés sont les cœurs purs, les petits, les humbles (Marie, Mère et Reine, p. IV).
À la fin de cette messe en l’honneur de son Cœur Immaculée et Douloureux, je lui renouvellerai dans cet état d’esprit la consécration de l’abbaye faite en entrant dans le millénaire le 1er janvier 2001. La consécration d’une communauté a un sens éminemment cénobitique, engageant le présent et l’avenir, également plein de la contrition due aux bévues passées. Par là, la communauté affirme le souverain domaine de Dieu sur elle : se consacrer au Cœur de Marie revient pour nous à prendre la Ste Vierge comme souveraine en tant que communauté, comme nous le faisons chacun à la suite de S. Louis-Marie.
Quel sens donner à cela ? La raison d’être des consécrations dans l’Église tient à deux choses, une conscience aiguë de la transcendance et de la sainteté de Dieu tout d’abord, puis la croyance non moins ferme que ce monde, encore sous l’emprise relative du démon, doit pourtant participer à la sainteté primordiale du Christ (Luc, 1,35 ; Jn., 17,19). Tout en nous a besoin de subir ce transfert d’appartenance intime et visible pour être digne de prolonger, rayonner et monnayer les effets de son activité rédemptrice ici-bas. Pour la communauté comme pour chacun d’entre nous, il s’agit d’un acte important, tout chargé du désir d’inaugurer une vie plus donnée à Dieu en Marie, et comportant un véritable engagement en ce sens. C’est confier à la Vierge fidèle la fidélité à notre propos monastique : Quaerere Deum, chercher Dieu vraiment avec Elle.
Je vous salue donc, Sainte Marie, Mère de Dieu et notre Mère. À Fatima il y a cent ans, votre main puissante a enseigné les trois enfants, leur montrant le mystère de leur vocation et jusqu’aux terribles obscurités de l’enfer. Puis le 13 octobre, votre main a fait danser le soleil sur la foule. Puisse le soleil de la grâce danser sans cesse en nos âmes, soulignant les purifications à opérer sub digito Dei, les beaux travaux aussi de Dieu opérant en nous, de bonis suis in nobis. C’est par le Père abbé Édouard que nous tenons l’héritage puissant de Dom Guéranger chantre de votre Immaculée Conception ; incluez-nous en ces vœux formulés alors apud Fontem amoris : Ô Sagesse maternelle, Mère de la lumière créatrice, Mère de la divine Sagesse, faites nous reposer auprès de vous dans votre maison Domus aurea, dans ce monastère qui est vôtre, du repos de la contemplation, nous rendant sages par votre maternité, par votre exemple, par votre action, par votre intercession, par votre garde, afin que nous devenions plus semblables à votre Fils, plus conformes à la Sagesse incarnée, image de la sagesse universelle “sortie de la bouche du Très-Haut”, ex ore Altissimi, par qui tout vit et respire, tend au parfait, et qui “dispose toutes choses avec suavité”, suaviter disponensque omnia, pour sa gloire, pour notre salut et celui du monde (Marie, Mère et Reine, p. 58, finale du Missus est 1955). Amen.