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Solennité de l’Immaculée Conception
8 Décembre 2021
« Ave, gratia plena : Dominus tecum : benedicta tu in mulieribus. — Je vous salue, vous que l’on appelle, dans les régions d’où je viens, la Pleine de grâce. »
Ce jour-là, l’Archange saint Gabriel a initié la longue série de nos Ave qui ne s’achèvera jamais. Après lui, les foules redisent leur amour et leur admiration à celle qui fut choisie pour sa Mère par le Fils de Dieu. Il l’a choisie pour être La Mère, la sienne et celle de tout son corps mystique, de toute l’Église, de nous tous. À la grotte de Lourdes, les pèlerins venus des horizons les plus contrastés se relaient nuit et jour, dans une fraternité retrouvée, pour égrener ensemble ces Ave.
Dans ce coin isolé des Pyrénées, la sainte Vierge a dit son nom à une bergère illettrée. Sainte Bernadette ne connaissait pas les finesses de la philosophie, et la belle Dame lui a dit, en patois : « Je suis l’Immaculée Conception ». La tournure même de ces mots nous étonne. Cette formulation bien abstraite, « Je suis l’Immaculée Conception », nous invite à regarder de plus près.
Dom Delatte relève et explique, devant les moniales de Sainte-Cécile, quelques paroles du Seigneur qui ont la même consonance :
[Jésus déclare :] « Ego sum resurrectio et vita — je suis la résurrection et la vie » Ayez la bonté de remarquer la forme même de l’expression du Seigneur ; il ne dit pas : « Je suis celui qui ressuscite les autres ou qui me ressuscite » ; il ne dit pas : « Je suis vivant » […] L’expression [« je suis la résurrection »] est extraordinaire de soi, elle est abstraite, en dehors des usages humains. Nous disons de temps en temps : « Je suis sage », peut-être avons-nous tort de le dire ; mais nous aurions encore plus grand tort de dire : « Je suis la sagesse. » Personne ne réussirait sans ridicule, à dire de lui à l’abstrait : « Je suis la beauté, je suis la grandeur… ».
L’expression abstraite [du Seigneur] me semble signifier trois choses. La première, c’est qu’il n’a emprunté à personne ; la seconde, c’est qu’il possède immuablement ; la troisième, c’est que la possession est tellement opulente qu’il peut donner, qu’il peut distribuer et faire des largesses sans s’appauvrir.
[… Au contraire,] lorsque [nous,] nous parlons sous une forme concrète, il y a l’affirmation de trois choses : la première c’est que nous avons reçu ; nous sommes vivants, mais nous avons emprunté la vie ; nous sommes vivants non seulement parce que nous avons emprunté la vie que le Seigneur nous a prêtée, mais le Seigneur peut nous la réclamer à telle heure qui lui convient. […] Nous affirmons l’infirmité originelle de notre être, ce n’est pas à notre source que nous puisons ; c’est l’affirmation de la précarité, de la pauvreté essentiellement limitée, réduite de ce que nous possédons […], pauvreté qui ne nous permet pas de donner. […] Nous sommes trop pauvres pour faire des largesses.
Il n’y a pour faire des largesses que Celui qui possède de lui-même : Dieu n’a rien reçu, rien emprunté : quis prior dedit illi, et retribuetur ei ? (Rm 11, 39) [Qui a donné d’abord au Seigneur ? À celui-ci le bien fera retour]. Dieu qui possède non pas d’une façon précaire, indécise, ébranlable ; Dieu qui possède d’une façon immuable, éternelle, est autorisé par l’opulence infinie qui est en lui-même à faire des largesses : il prend de cette richesse qu’il porte en lui-même et qui est lui-même pour donner à toutes créatures. […]
Et Dom Delatte nous rejoint dans le mystère d’aujourd’hui, en poursuivant en ces termes :
Notre-Dame parle de la même façon lorsqu’elle parle d’elle ; elle dit : « Je suis l’Immaculée Conception » : vous cherchez pourquoi il convient à Notre-Dame de parler d’elle à l’abstrait, comme il convient à Dieu d’en parler… Vous chercherez, je crois que vous trouverez1.
Dieu n’a emprunté à personne, mais Notre-Dame a emprunté. Elle n’est pas la première à être née Immaculée. Le Fils est l’éternel engendré dans une sainteté absolue, dans une lumière divine. Si Notre-Dame a emprunté la pureté de sa conception à quelqu’un, ce n’est qu’au Verbe éternel. Nul sur terre, depuis qu’Adam et Ève ont perdu leur intégrité première, n’a pu être à la source de la Toute-Pure. C’est un don qu’elle a reçu par une première obombration de l’Esprit :
Ainsi, dès le début, note un théologien byzantin2, Marie était unie à l’Esprit source de vie : aucune particule de son être n’est venue au jour sans la participation de l’Esprit.
Le terme abstrait nous montre du moins qu’elle possède immuablement. Oui, la grâce initiale de la petite Marie ne sera jamais voilée. Jamais, elle ne fera défaut aux sollicitations de l’Esprit. Elle grandira même continuellement en lumière et en amour, jusqu’au jour de son entrée au Ciel où l’attend son Fils.
Chez, l’Immaculée, la possession est enfin tellement opulente qu’elle peut donner, qu’elle peut distribuer et faire des largesses sans s’appauvrir. Elle est la source de toute pureté créée. C’est en elle que nous puisons l’eau qui lave nos âmes de la souillure ordurière du péché. C’est en elle que nous buvons à longs traits l’eau de la grâce. Elle est à la source de notre naissance, de notre filiation divine. Notre conception surnaturelle est enveloppée dans son Immaculée conception.
Chaque jour de cet Avent, accueillons notre Mère dans nos cœurs. Sa lumière aimante nous préparera au mieux à la rencontre avec notre Rédempteur, la nuit de Noël.