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Solennité de l’Immaculée Conception
8 Décembre 2023
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.
Mes bien chers frères et sœurs,
Mes très chers fils,
Le septième répons de l’office de cette nuit a mis sur nos lèvres ces mots de l’Apocalypse : « Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. »
La lune est sous les pieds de cette femme. Tout, mis à part le Soleil divin, est plus petit qu’elle. Tout. Et saint Bernard, dans un de ses sermons, nous a expliqué pourquoi il lui semble bien justifié de reconnaître la Vierge Marie dans cette femme revêtue du soleil1. Certes, dit-il, « l’ensemble de la vision prophétique vise clairement l’Église du temps présent, mais elle me paraît s’appliquer sans inconvenance à Marie. » Et voici pourquoi.
Le soleil se lève sur les bons et les injustes, et de même, la Vierge Marie ne discute pas sur nos mérites ou nos péchés passés. À la prière de tous, en effet, elle se montre disponible et extrêmement accueillante. Sa pitié s’étend aux « besoins de tous avec une tendresse sans bornes ».
Et puis, « dans le soleil, [à la différence de la lune,] l’ardeur et la clarté sont constante ». Notre Dame n’a pas de variation d’humeur à notre égard.
Mais saint Bernard pousse plus profond son regard contemplatif. La Vierge Marie n’est pas seulement soleil dans son rapport aux hommes, mais elle est surtout tout ensoleillée en raison de son rapport à la majesté divine :
On a raison de représenter Marie enveloppée de soleil, dit-il, elle qui s’est enfoncée dans les abîmes de la divine sagesse jusqu’à des profondeurs incroyables, au point qu’elle nous apparaît immergée dans cette lumière inaccessible jusqu’au degré possible pour une créature ne jouissant pas de l’union hypostatique.
Notre Dame est plongée dans la lumière divine à l’ultime degré pour une pure créature, pour une créature qui n’a pas l’union hypostatique. Cette union hypostatique dont parle le saint docteur est le privilège du Seigneur Jésus. En la personne de Jésus s’unissent la nature divine et la nature humaine. C’est l’union hypostatique. Il est la seule personne qui ait ainsi les deux natures. Et chez lui, la nature humaine est tout irradiée par la nature divine. Quant à Marie, elle n’a que la nature humaine. Mais elle a été préservée de tout péché, de toute défection à l’égard de Dieu, parce qu’elle devait un jour être sa Mère selon la nature humaine. La proximité immédiate de son Fils l’a immergée dans la lumière divine, à tel point qu’on peut dire qu’elle est revêtue du soleil. Nulle autre créature n’a été enveloppée d’une telle gloire. Certes, l’incandescence de Dieu s’est approché de plusieurs d’entre elles ; le feu du soleil divin habite le cœur des séraphins, et il a purifié les lèvres du prophète Isaïe en les effleurant (cf. Is 6, 7). Mais saint Bernard nous assure que :
[Ce feu habite tout l’être de la Vierge Marie qui s’en] trouve irradiée avec tant d’excellence qu’on ne peut découvrir en elle le moindre soupçon, je ne dis pas de ténèbres, mais de pénombre ou de lumière moindre, et pas davantage le plus petit atome un peu tiède ou qui ne soit pure incandescence.
Vraiment, elle est l’Immaculée. Malgré son humilité confondante, qui nous la rend accessible, elle rayonne de toutes les vertus. C’est donc à raison que la liturgie nocturne poursuivait son septième répons avec ces mots : « Le Seigneur l’a revêtue des vêtements du salut, de la tenue de justice, et telle une épouse, il l’a ornée de ses joyaux. »
Le mal n’est jamais venu ternir ces éclats. Saint Jérôme, de son côté, nous disait ainsi au bréviaire ce matin2, pour conclure sa louange de la Mère de Dieu, que la Vierge Marie est une source scellée, une source sans fissure, où le mal n’entre pas. Elle est scellée par la grâce de Dieu, par Dieu lui-même. Les Trois Personnes sont à l’œuvre pour sceller cette source. Il est possible d’attribuer à chaque personne divine une œuvre de Dieu en Marie. Le Père lui donne la maternité, le Verbe donne sa lumière et sa docilité, et il se donne lui-même comme fils, et l’Esprit Saint unit à Dieu la vierge de Nazareth et la couvre de son ombre féconde et sanctifiante. Ainsi, la Trinité entière appose son sceau sur le cœur de la Vierge, et ce dès sa conception, en attendant le jour du grand Fiat, où se réalisera l’Incarnation. Saint Jérôme termine ainsi son sermon avec cette expression : « Fons signatus sigillo totius Trinitatis — Fontaine scellée du sceau de toute la Trinité ».
Demeurons en cette source pure, par laquelle Dieu a voulu nous faire parvenir toute grâce. Dieu est venu remplir cette source. Le resplendissement de sa gloire y habite. Elle le reflète pour chacun des hommes. Elle est vraiment revêtue du soleil.
Amen.
1Cf. Saint Bernard, Sermon pour le dimanche dans l’octave de l’Assomption, n. 3 : EC 5, 263-264.
2Saint Jérôme, Sermon pour l’Assomption, fin de la même 7e leçon.