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Solennité de la Cène du Seigneur,

Notre Dame de TRIORS, Jeudi Saint 1er avril 2021.

 

 

Le collège apostolique est dans la chambre haute du Cénacle pour entendre les ultimes confidences du Seigneur. Selon la tradition, le Cénacle deviendra dans les jours à le lieu des hauts-faits divins : le soir de Pâques d’abord, le Ressuscité y retrouvera les apôtres, leur montrant ses plaies et leur donnant pouvoir de pardonner les péchés. Puis, après l’Ascension, ils y attendront avec ferveur les langues de feu de la Pentecôte. Les apôtres, assez désemparés en ce premier soir, diront alors à pleins poumons les magnalia Dei, ses merveilles. L’évangile nous introduit en cet enchaînement de grâces, avec une solennité que souligne le lavement des pieds (Jn. 13,1-15).

Ces merveilles de notre salut ont été transcrites et mises en ordre par le Doigt de Dieu : tout se tient dans l’Écriture divinement révélée. Avec l’Heure de Jésus qui arrive, l’ensemble prend sa cohérence : les pèlerins d’Émmaüs vont découvrir celle-ci avec un cœur tout brûlant, les Onze également, et Saul aussi un peu plus tard aux portes de Damas. Quant à Notre Dame, les confidences n’ont pas du manquer depuis Cana pour préparer cette Heure-ci. On dirait un puzzle dont les pièces détachées un temps, leur donnent maintenant toutes ensembles le message global : Le Seigneur nous a laissé le souvenir vivant de ses merveilles – Memoriam fecit mirabilium suorum (Ps. 111,4).

Avant que les confidences du Seigneur orientent vers ces magnalia Dei, au grand étonnement des disciples perplexes et un peu inquiets, il commence donc par leur laver les pieds. Avec sa perspicacité inspirée, Origène rapproche avec bonheur cet épisode et d’autres parties de l’Écriture. Le salut de Dieu, dit en effet un psaume, nous vient comme une pluie sur la toison, comme une bruine dégoulinant sur la terre – sicut pluvia in vellus, stillicidia stillantia super terram (Ps. 71,6). Par ailleurs pour lui, Gédéon recueillant l’eau de la toison du l’aire de la moisson voyait à l’avance ce qui allait arriver. La rosée y tomba si largement, dit le texte sacré que la toison pressée dans un bassin l’a rempli d’eau (Jug. 6,36-38). Tu le vois, conclut Origène : Les prophètes entrevoyaient ce qui devait être accompli aux derniers temps par le Seigneur : cette eau que Jésus versait dans un bassin, c’était la rosée de la grâce céleste dont il lavait les pieds de ses disciples (Hom. sur les Juges, VIII,5. SC 389 p.201).

Memoriam fecit mirabilium suorum – Oui vraiment, le Seigneur nous a laissé ses merveilles comme en souvenir vivant ; Il est miséricorde et compassion à notre égard, poursuit le psaume, misericors et miserator Dominus (Ps. 111,4). Dieu miséricordieux dévoile au Cénacle ces merveilles, mirabilia, avant que, bien pris en main par le Saint-Esprit, les apôtres les publient dans les rues de Jérusalem à la Pentecôte. Selon S. Robert Bellarmin, il s’agit ici de l’unique et grande Œuvre de sa miséricorde telle que la rapportent par exemple le psaume et Gédéon. La manne en fut surtout la figure, signe du sacrement à venir de l’Eucharistie donné au peuple chrétien en nourriture spirituelle et en mémoire des prodiges que Jésus-Christ opéra sur la terre, prodige dont le plus éclatant est sa glorieuse passion par laquelle le Sauveur, en mourant, détruisit pour nous le mal de la mort, et triomphe du prince de ce monde.

À la suite des apôtres, les prêtres de la Nouvelle Alliance doivent avoir les pieds lavés avant de témoigner de ces mirabilia Dei, trésor de la miséricorde divine. Avec la vénérable Marthe Robin il faut souligner le rôle irremplaçable du prêtre : Chacun a sa place dans l’Église, et il faut que chacun y soit à sa place ! Pas les uns sans les autres, précise-t-elle, mais toujours les uns avec les autres, et pas les uns comme les autres. Le prêtre doit montrer et donner Jésus aux âmes : il est, dit-elle encore, le continuateur du Christ. Jésus l’a choisi pour le personnifier, pour le continuer auprès des âmes, pour le faire connaître et aimer par sa parole. Aussi puissent-ils eux-mêmes garder leur regard fixé sur Jésus, orientant celui des fidèles : Regardons-le, regardons-le souvent, regardons-le longuement, regardons-le toujours ; non pour le copier dans ce qu’il a fait, mais pour lui ressembler dans ce qu’il est : doux et humble de cœur, rempli d’amour, rempli de charité, de compassion et de pardon pour tous (Journal, 3 février 1930).

La vocation sacerdotale si nécessaire à l’Église est très exigeante, surtout de nos jours. Marthe redoutait que nos prêtres soient trop délaissés : Ils manquent de prière et d’aide. Il faut prier pour eux. Certains se sont découragés, car on leur demande beaucoup, mais pensons-nous à eux ? Il leur faut des amis. Il faut qu’ils se regroupent pour la prière et pour tout. Et quand ils défaillent, plus que jamais les prêtres ont besoin d’aide : Ils devraient toujours être traités en prêtres, insistait Marthe, car ils sont prêtres pour l’éternité. Même les prêtres devenus fous devraient être traités en prêtres. Il faudrait, pour s’occuper d’eux, des religieux spécialement formés pour remplir cette fonction et qui les traiteraient avec tout le respect que l’on doit à un prêtre. L’actualité rejoint ce souhait de Marthe, incitant notre prière. Confions nos prêtres en difficulté au Seigneur Jésus pour qu’il leur lave les pieds et réchauffe leur cœur.

Le Jeudi-Saint honore le sacerdoce avant de faire goûter à tous la joie pascale, selon cette belle hymne de S. Ephrem : Ô soirée dernière du Seigneur, bienheureuse ! En toi s’achève la veillée d’Égypte : le Seigneur changea la pâque vieillie, il en fit la grande Pâque. De fête en fête, de Pâque en Pâque, les figures sont accomplies. Avec Benoît XVI confions bien à Notre-Dame le sacerdoce catholique (18 août 2009) : Que Marie rende tous les prêtres, dans tous les problèmes du monde d’aujourd’hui, conformes à l’image de son Fils Jésus, dispensateurs du trésor inestimable de son amour de bon Pasteur. Amen.