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Mercredi des Cendres
14 février 2024
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.
Mes bien chers frères et sœurs,
Mes très chers fils,
L’heure est venue d’entrer avec vigueur dans le carême, cette période que l’Église nous offre pour suivre le Seigneur dans le désert, où nous voulons renoncer à nos mauvaises habitudes et renouveler notre amour pour Dieu. S’ouvre un temps austère, mais il apporte la joie, une joie comparable à celle que l’on ressent quand en montagne on contemple un torrent très pur dont l’eau court entre les rochers. Nos âmes retrouvent pendant le carême cette limpidité qui accueille et reflète la lumière de Dieu.
Voici donc le moment de nous convertir, de nous détacher des poussières qui troublent l’eau de notre âme. Le mot de conversion est un mot central dans le Nouveau Testament. Et pour bien le comprendre, faisons appel à un enseignement que le Pape Benoît xvi a donné au clergé de Rome en 2011. Il partait des mots utilisés par les diverses langues pour traduire « conversion » :
En hébreu šub signifie «changer de route », prendre une nouvelle direction dans la vie ; en grec, metanoia, « changement de pensée » ; en latin poenitentia, «mon action pour me laisser transformer» ; et en français : « conversion », qui coïncide plutôt avec le terme hébreu de « nouvelle direction dans la vie »1.
Le terme grec metanoia, « changement de pensée », donne l’essentiel de ce qu’expriment les autres langues. Car changer de pensée, c’est changer notre vision de la réalité. Concrètement, disait Benoît xvi :
Étant donné que nous sommes nés dans le péché originel, pour nous, la « réalité » sont les choses que nous pouvons toucher, ce sont [les biens matériels], ma position [dans la communauté], les choses de chaque jour que nous [entendons] : c’est cela [pour nous] la réalité. Et les choses spirituelles apparaissent un peu cachées « derrière» la réalité.
Mais le Pape nous invitait à changer de regard sur la réalité, à voir plus loin, à vivre une meta-noia, une connaissance plus profonde : « La réalité des réalités est Dieu. Cette réalité invisible, apparemment éloignée de nous, est la réalité. [La conversion, c’est] apprendre cela, et ainsi renverser notre pensée, juger véritablement que le réel qui doit orienter toute chose, c’est Dieu. » Alors, notre conception de la réalité est profondément changé. « Dieu [devient] le critère de tout ce que je fais. Il s’agit réellement d’une conversion. » Ainsi, notre conversion première est au cœur.
Saint Benoît, quand il veut déterminer si un homme est réellement dans une optique de conversion avant d’entrer au monastère, demande que l’on examine s’il cherche vraiment Dieu. Et quand Notre Bienheureux Père veut nous dresser un programme pour la croissance de notre humilité, il commence par indiquer la crainte de Dieu, la conscience que Dieu est au centre de notre vie. Un juste regard tourné vers Dieu est donc au début de toute conversion. Nous sommes appelés à changer notre pensée sur Dieu et sur les choses qui nous entourent.
Le Seigneur nous a appris à regarder le Père d’une nouvelle façon, et c’est l’essence de sa Bonne Nouvelle : Dieu, notre créateur, nous aime paternellement, au point d’avoir livré son Fils pour notre salut. Ayons ce premier regard, et le reste de notre carême en découlera naturellement. Nous changerons de chemins, selon le terme imagé des Hébreux et nous ferons ce qui est nécessaire pour nous laisser transformer.
Que la Vierge Marie nous accompagne sur ce beau chemin de purification. À son image, Dieu nous rendra saints et immaculés.
Amen.
1Benoît xvi, Lectio divina avec le clergé de Rome, le 10 Mars 2011.