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Solennité de la Nativité du Seigneur
Messe du jour
Lundi 25 Décembre 2022
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.
Mes bien chers frères et sœurs,
Mes très chers fils,
« Le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. »
Le Verbe donne l’existence à toute chose, il donne la vie, et il est tout lumière.
Et ce Verbe divin et éternel se fait chair pour éclairer les hommes. « Il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » Il est venu pour que nous recevions la vraie lumière, la vraie vie, pour que notre communion avec Dieu soit restaurée. Ce que les apôtres ont vu, ce n’est rien moins que la gloire que le Verbe tient de son Père comme Fils unique. Une gloire dense, immense, pleine de grâce et de vérité… Et l’enfant vient nous offrir de voir cette gloire…
Quel écart entre la divinité du Verbe et notre pauvre condition humaine ! Car de notre côté, nous le savons bien, nous demeurons soumis aux exigences de la nature. Nous voilà fatigués après une nuit bien courte, notre esprit se porte peut-être déjà sur les activités qu’il va falloir déployer à la sortie de cette messe pour préparer la suite… Nous sommes arrimés aux contraintes terrestres, et nous sommes même blessés par le mal et par le péché.
Et Dieu nous invite à vivre en communion avec lui !
Comment Dieu, comment le Verbe s’y est-il pris pour nous rejoindre, pour nous offrir le cadeau inestimable que le Père a voulu nous donner ?
C’est saint Irénée qui nous enseignera ce matin. Dans un passage de son ouvrage Contre les hérésies, le Doctor unitatis développe la beauté et l’utilité de l’abaissement du Verbe, qui se fait chair, qui se fait petit enfant pour nous rejoindre et nous unir à lui. En Jésus, Dieu se fait nourriture assimilable. Voici les paroles de l’Évêque de Lyon :
De même, en effet, qu’une mère peut donner une nourriture parfaite[, une nourriture d’homme adulte,] à son nouveau-né, mais que celui-ci est encore incapable de recevoir une nourriture au-dessus de son âge, ainsi Dieu pouvait, quant à lui, donner dès le commencement la perfection à l’homme, mais l’homme était incapable de la recevoir, car il n’était qu’un petit enfant. Et c’est pourquoi aussi notre Seigneur […] vint à nous, non tel qu’il le pouvait, mais tel que nous étions capables de le voir : il pouvait, en effet, venir à nous dans son inexprimable gloire, mais nous n’étions pas encore capables de porter la grandeur de sa gloire. Aussi, comme à de petits enfants, le Pain parfait du Père se donna-t-il à nous sous forme de lait — ce fut sa venue comme homme afin que, nourris pour ainsi dire à la mamelle de sa chair et accoutumés par une telle lactation à manger et à boire le Verbe de Dieu, nous puissions garder en nous-mêmes le Pain de l’immortalité qui est l’Esprit du Père1.
Saint Irénée renverse donc la perspective pour nous aider à contempler le véritable événement. Ce n’est pas seulement l’accueil d’un petit Enfant qui nous réjouit aujourd’hui. C’est surtout le fait que Dieu éternel sait que nous ne sommes que des enfants dans la vie surnaturelle. Et Dieu se fait pédagogue : il s’accommode à notre bas âge. Il se fait lait pour que nous puissions nous nourrir de lui. Il se fait petit avec nous pour qu’un jour, nous soyons grands en lui. Noël, c’est la rencontre entre les hommes et les femmes conscients qu’ils sont toujours enfants, et leur Dieu qui se fait petit, qui s’abrège. C’est ce que nous dit un petit peu plus loin, saint Irénée :
Dès le commencement, Dieu avait le pouvoir de donner la perfection [de la vie surnaturelle] à l’homme, mais celui-ci, nouvellement venu à l’existence, était incapable de la recevoir, ou, l’eût-il même reçue, de la contenir, ou, l’eût-il même contenue, de la garder. Et c’est pourquoi le Verbe de Dieu, alors qu’il était parfait, s’est fait petit enfant avec l’homme, non pour lui-même, mais à cause de l’état d’enfance où était l’homme, afin d’être saisi selon que l’homme était capable de le saisir2.
Aujourd’hui, alors que nous sommes invités à contempler les grandeurs que nous expose le Prologue de l’Évangile de saint Jean, ce Verbe qui était au commencement auprès du Père, ces grandeurs de la vie trinitaire éternelle et en particulier la génération du Verbe, ne prenons pas des allures de grands théologiens, mais abordons ces mystères avec une âme d’enfant toute pure. Avec l’âme des bergers, avec l’âme de saint Joseph qui voit le Verbe couché dans une mangeoire, avec l’âme immaculée de la Vierge Marie. Et laissons-nous porter, et prenons part à la louange des Anges, au Père, au Verbe et à l’Esprit Saint, Dieu unique qui vit et règne éternellement,
Amen.
1Saint Irénée de Lyon, Adversus Haereses, IV, 38, 1, trad. Adelin Rousseau.
2Saint Irénée de Lyon, Adversus Haereses, IV, 38, 2.