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Fête de la Présentation du Seigneur

2 Février 2023

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

Jésus, Dieu qui sauve, assume notre chair et entre discrètement dans notre monde. Il passe neuf mois dans le secret du sein maternel. Quelques heures dans l’étable, il s’offre aux seuls regards de ses parents et demeure en leur compagnie recueillie.

Puis commence sa première vie publique : quelques jeunes moutons se présentent suivis de leurs pâtres. Viennent ensuite des Mages. Le Seigneur rencontre donc des hommes très rustiques et quelques sages étrangers, mais les Israélites, les fils de la Promesse, semblent étrangers à cette présence. Or Dieu ne veut pas que son Fils, venu sceller la nouvelle Alliance, demeure trop longtemps ignoré des institutions les plus sacrées du peuple d’Israël, il ne veut pas qu’il se creuse un fossé entre Jésus et le Temple. Dieu ne veut pas d’exclusivisme, même en faveur des défavorisés et des personnes venues d’au-delà des frontières. Il sait qu’il y a de la misère à soigner, même dans les âmes de ses fils d’élections.

Or, une loi mosaïque exige la présentation au Temple, au quarantième jour après sa naissance, de tout fils nouveau né, et

La Loi du Seigneur ordonnait aux femmes d’Israël, après leur enfantement, de demeurer quarante jours sans approcher du tabernacle ; après l’expiration de ce terme, elles devaient, pour être purifiées, offrir un sacrifice. […] Un second commandement divin déclarait tous les premiers-nés propriété du Seigneur, et prescrivait la manière de les racheter1.

Voilà l’occasion pour la rencontre entre le Christ sauveur, l’Oint de Dieu, et son Peuple, qui est la Vierge, fille de Sion. Dieu l’a longuement préparée et chèrement acquise. Elle attend depuis de longs siècles la rencontre et les épousailles. Ce peuple pétri d’espérance est vraiment bien représenté par les deux vieillards de notre scène évangélique. Il n’y a qu’eux deux, Siméon et Anne. Personne d’autre ne semble attendre. Il n’y a pas de jeunesse avec eux. Il semble que Jérusalem entière soit plongée dans le sommeil de l’indifférence. Ce microcosme offre une image du monde. Au milieu de la masse de la population gravement distraite, seul un petit nombre reste attentif aux impulsions de l’Esprit et à la venue du Fils. Mais ces quelques personnes, chétives aussi par leur âge qui semble avancé, se laissent envahir par la force de Dieu et leur voix se fait retentissante. C’est par cette faiblesse modeste que Dieu a choisi de sauver le monde. Il y reconnaît sa propre façon de faire. Il se reconnaît dans cette douceur, et il s’y unit. Par sa présence, le Christ diffuse en eux la lumière de la vérité et le rayonnement de la joie. Les deux vieillards seront un jour dépeints comme des vierges sages qui attendent l’arrivée de l’Époux. « Remplie d’allégresse, illuminée de ces feux mystérieux, entraînée, comme Siméon, par le mouvement de l’Esprit-Saint, la sainte Église se met en marche pour aller à la rencontre de l’Emmanuel2. »

Mais cette interprétation théologique sponsale n’est pas évidente à la première lecture. La scène telle que saint Luc nous la rapporte est beaucoup plus fondue dans un paysage et dans un temps. Elle passe inaperçue. Dom Guéranger le dit ainsi :

L’Enfant divin est dans les bras de sa mère ; elle le tient sur son cœur durant tout le cours de cette route fortunée. Le ciel, la terre, la nature tout entière, sont sanctifiés par la douce présence de leur miséricordieux créateur. Les hommes au milieu desquels passe cette mère chargée de son tendre fruit la considèrent, les uns avec indifférence, les autres avec intérêt ; mais nul d’entre eux ne pénètre encore le mystère qui doit les sauver tous.

Cependant, le discours du vieillard Siméon emmène brusquement Marie au Calvaire. En cela, il montre qu’un grand mystère est en train de s’accomplir. Mais cette prophétie saisissante risque aussi de laisser au second plan ce qui s’est vraiment passé ce jour où le Seigneur Jésus a été mené au Temple par saint Joseph et son épouse.

Heureusement, les siècles chrétiens ont su discerner ce mystère, et l’antienne Adorna, que nous avons chantée au début de la procession, donne explicitement le sens profond de l’Évangile :

Décore ta chambre nuptiale, ô Sion ! Et reçois le Christ ton Roi ; accueille Marie à bras ouverts, elle qui est la porte céleste. C’est elle-même en effet qui apporte le Roi de gloire, celui qui est la lumière nouvelle. La Vierge s’arrête, menant par la main le Fils qui a été engendré avant l’aurore. Siméon le reçoit au creux de ses bras et annonce aux peuples qu’il est le Maître de la vie et de la mort, et le Sauveur du monde

Oui, comme nous l’avons entendu dans l’Épître, Jésus est l’Ange, envoyé par le Père pour s’unir au peuple et le sauver par la Croix et la Résurrection. Quel la Vierge Marie nous aide à accueillir ce mystère qui lui a transpercé le cœur d’un glaive de douleur et qui l’a embrasée d’amour.

Amen.

1Dom Guéranger, Année Liturgique.

2Dom Guéranger, Année Liturgique.