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Épiphanie du Seigneur, dimanche 6 janvier 2019,

Notre Dame de Triors.

Les Pères de l’Église ont abondamment commenté l’épisode des Mages venus de l’Orient pour adorer l’Enfant Jésus. Ils voient en eux des premiers de cordée dans la vie spirituelle qui cherche Dieu : les Mages ont cherché et trouvé le Sauveur ; ils étaient au diapason de l’étoile dans leur quête intime, elle les mena aux pieds du Nouveau-Né près de sa Mère Immaculée. Joseph n’est pas mentionné dans notre page d’évangile (Mt. 2,1-12), alors que le contexte de S. Mathieu le met à l’honneur ; ici il est caché avec les Mages eux-mêmes devant le grand mystère de la Theotokos, lui aussi adore Dieu venu dans la chair par Marie.

Les exégètes actuels se méfient de la caste des Mages. Elle fait penser au pouvoir escroc et séducteur de la magie, intrusion démoniaque. Dans les Actes des apôtres, par exemple, on voit S. Pierre remettre en place Simon le Magicien, et à Chypre, S. Paul doit s’opposer à un mage tout aussi louche, Bar-Jésus (Act. 8,9ss & 13,6s). L’astrologie est condamnée par la Bible (Cf. Deut. 18,10s). S. Thomas y voit une aliénation de la liberté des individus qui, au lieu d’assumer leurs responsabilités devant les événements, s’en remettent à des prédictions hasardeuses (IIa-IIae, Qu. 95). On dit qu’un Français sur quatre lit son horoscope chaque matin plus ou moins sérieusement. La prolifération du paranormal sous nos yeux accroît la confusion, éloignant de la lumière. Mais lisons cet évangile sans préjugé négatif, car l’humilité des Mages nous aide à accéder à Jésus, Vérité, Chemin et Vie (Jn. 14,6).

Dans son Jésus de Nazareth, le Pape émérite voit dans les Mages d’authentiques savants, probablement d’origine perse, issu d’un milieu qui influa en son temps la philosophie grecque. Il voit en eux les détenteurs d’une connaissance religieuse et philosophique qui s’était développée et était encore présente dans ces milieux (JdN I, p. 133). En revanche, la religiosité devient malsaine, précise-t-il, quand, face à la présence du Christ, elle ne s’ouvre pas à lui et se pose contre l’unique Dieu et Sauveur, elle est alors démoniaque et destructrice (JdN I, p. 132). Aussi mettons-nous à l’école des Mages de cette page d’évangile pour trouver avec eux le Sauveur, imitons leur recherche.

Les anciens cherchaient ici à accorder histoire et liturgie : de fait, les treize jours séparant Noël de notre fête auraient pu suffire aux Mages montés sur des chevaux arabes et des dromadaires connus pour la vitesse de leur marche, selon la glose. S. Jean Chrysostome plus rationnel, imagine l’étoile leur apparaissant deux ans avant la naissance du Christ, la douceur de la Providence à leur égard leur accordant les provisions de bouche nécessaires durant le long voyage. Néanmoins il est plus sage de dissocier le calendrier des faits selon S. Luc d’avec celui de S. Mathieu. Pour les harmoniser, on peut penser qu’il s’est passé de longs mois, sinon plusieurs années, entre l’adoration des bergers et celle des Mages.

Pour S. Luc, le retour à Nazareth a lieu en suite de la Présentation qui eut lieu quarante jours après Noël : il fait donc abstraction de la fuite en Égypte après le passage des Mages, abstraction aussi du massacre des Innocents, âgés de deux ans ou moins (Mt. 2,16). À ce sujet, confions à la grâce de cette fête le lourd dossier de l’avortement et des enfants abusés et profanés, cette cause qui entrave la paix des âmes et la paix tout court en notre temps ; ce carnage l’associe à l’émotion hypocrite d’Hérode et de Jérusalem avec lui (Mt. 2,3). Puisse la naïve et ardente attitude des Mages ôter de nos cœurs toute hypocrisie et stimuler notre recherche humble et authentique de l’Enfant.

S. Augustin décrit magnifiquement la double adoration, celle de Noël et celle des Mages : Les bergers sont Juifs, les Mages sont païens, les premiers venaient de tout près, les seconds de loin ; mais ensemble ils accoururent à la pierre angulaire. Pourtant ce roi n’était pas d’un âge à faire ramper autour de lui une foule de courtisans flatteurs… L’enfant nouvellement né est couché dans une crèche, corps frêle, grande pauvreté qui aurait dû plutôt inspirer le mépris. Néanmoins au-dela du rebut, ils voient quelque chose de grand… Le ciel se chargeait de nous instruire par eux; ils apprirent ce qu’il en était : Nous avons vu, disent-ils, son étoile dans l’Orient. Ils font connaître à Jérusalem ce qu’ils ont vu, tout en interrogeant humblement ; ils croient et ils cherchent : figure de ceux qui marchent à la lumière de la foi et qui désirent jouir de la claire vue.

Or, encens et myrrhe sont déposés aux pieds de l’Enfant (Mt. 2,11). S. Grégoire avec la Tradition affecte l’or au roi, l’encens au prêtre et la myrrhe à l’homme qui devait mourir pour nous et être enseveli. Chaque Mage offrit au Seigneur Enfant ces trois présents à la fois, proclamant ainsi tous par la nature de leurs présents le roi, Dieu et l’homme. L’éloquence des Pères nous met en joie, mais Celle qui gardait tout en son Coeur très Pur devait en retirer plus de joie encore. L’hymne liturgique l’associe à l’étoile qui nous guide, Stella maris, ora pro nobis, amen.