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Solennité de Saint Joseph, 19 mars 2021
Notre Dame de Triors.
De qui le Messie doit-il être le fils ? À la question du Seigneur, les pharisiens répondirent : De David (Mt. 22,42). De fait l’évangile répète souvent cette façon de s’adresser à lui : Jésus, fils de David ! D’ailleurs, la généalogie du Seigneur, en S. Luc ou S. Mathieu, souligne la filiation à partir de David, mais l’une et l’autre par S. Joseph, comme on le chante à la fin des Matines de Noël : Jacob autem genuit Joseph, virum Mariæ, de qua natus est Jesus, qui vocatur Christus (Mt. 1,17). S. Luc souligne de même, Joseph de domo David (Lc. 1,27). Chaque mot est ici à sa place, exactement pesé.
Non sans audace, S. Augustin commente ainsi l’exactitude de ces mots si précis : Ne craignons pas de tracer la généalogie de Jésus par la ligne qui aboutit à Joseph, car de même qu’il est époux-vierge, ainsi est-il père-vierge. Ne craignons pas de placer le mari avant l’épouse, car c’est l’ordre de la nature et de la loi de Dieu. Si nous venions à écarter Joseph pour faire mention seulement de Marie, il nous dirait avec raison : pourquoi me séparez-vous de mon épouse ? Pourquoi ne voulez-vous pas que la généalogie de Jésus aboutisse à moi ? Nous lui dirions : parce que vous n’avez pas engendré par l’œuvre de la chair ? Il nous répondrait : et Marie, a-t-elle engendré par l’œuvre de la chair ? Ce que le Saint Esprit a opéré en elle, il l’a opéré pour tous les deux (cité en 30 visites à Joseph le silencieux, Père Michel Gasnier, p. 25).
Ce ne sont pas tant les mains calleuses de Joseph qui enracinent notre dévotion à son égard, mais bien plutôt cette lignée royale, qui indique d’ailleurs celle de Marie son épouse : l’un et l’autre dit ainsi, bien humblement pourtant, la noblesse transcendante de l’Incarnation rédemptrice qui a pris toute leur vie, en choisissant ce qui est le plus relevé, tout en s’y cachant. Malgré tout cela, ce que la liturgie avec l’évangile qui vient d’être chanté retient de Joseph, tient à ce seul mot : Justus (Mt. 1,19). Il sut en effet ajuster sa vie aux circonstances absolument inédites qui l’attendaient dès le début, protégeant l’honneur de Marie et les peines qui entourèrent le premier Noël, fuite en Égypte comprise.
La liturgie, elle aussi, chante Joseph comme le Juste envers et contre tout, pour honorer à la perfection la fidélité de Dieu venant à nous par lui. Bossuet pour parler de lui trouve trois dépôts à lui confiés par la Providence divine, et par là trois vertus remarquables qui répondent à ces trois dépôts. Cela formait le plan de son Panégyrique en 1659. Il s’agit d’abord de la Sainte Virginité de Marie : pour la protéger sous le voile du mariage, Joseph fut doté de la pureté angélique, afin de répondre à la pureté de sa chaste épouse, l’Immaculée. Il s’agit ensuite de la personne même de Jésus-Christ que le Père céleste dépose en ses mains, pour lui servir de père : la vertu nécessaire, c’est ici une fidélité inviolable et inébranlable quoi qu’il arrive. Enfin, il garde le secret admirable de l’Incarnation du Fils de Dieu : il ne fallait pas montrer Jésus-Christ au monde avant l’heure ; la vertu qui accompagne ce dépôt-ci, c’est l’humilité, pour conforter la prudence dont il eut besoin à un degré éminent.
Pour de multiples raisons d’ordre théologique et historique, la dévotion à l’époux de Marie a mis du temps avant de se développer. Elle est désormais bien établie et doit encore se développer. Léon XIII la mit à l’honneur en 1889, et cent ans après, S. Jean-Paul II salua son initiative en l’honneur du saint (Quamquam pluries, 15 août 1889 ; Redemptoris Custos, 15 août 1989). Le saint Père actuel a été intronisé le jour de la saint Joseph, le 19 mars 2013, et lui consacra le Vatican avec tous ses problèmes trois mois plus tard (5 juillet 2013) ; il décida en outre que le nom de S. Joseph figurerait dans chacune des prières eucharistiques, et il a décidé enfin de lui dédier cette année-ci. L’Église et le monde ont grand besoin de revenir à Joseph, de le contempler, de s’inspirer de lui. De plus, notre famille monastique voit comme une marque de sa bienveillance sur nous le fait que Dom Édouard Roux et Mère Cécile Bruyère aient été rappelés à Dieu le jour de sa fête.
Le premier, Dom Roux, vantait chez Joseph, la pureté du cœur, sa docilité surnaturelle, le silence dans lequel il demeure enveloppé, et à ce titre, il y voyait l’exemplaire achevé de l’idéal contemplatif (Cf. Marie Mère et Reine, p. 11). De son côté, Mère Cécile fait admirer chez lui l’insondable respect du secret divin, sacramentum Regis (Tob. 12,7) : Le Seigneur commence toujours dans le secret. Voyez le Mystère de l’Incarnation : pendant plusieurs mois, il fut le secret de Notre Dame seule; puis saint Joseph le connut à son tour (c’est l’évangile de ce jour). Et avec une fine ironie, elle poursuit : Le diable n’agit pas ainsi lui ; il fait ses œuvres au son des cymbales et des trombones, comme les bateleurs. Comme ce qu’il fait ne durera pas, il faut qu’il se dépêche. Mais quand il s’agit des âmes, Dieu commence aussi par opérer secrètement. Puissent les moines bien entrer dans les secrets desseins de Dieu : toute vie spirituelle sérieuse est marquée de ce sceau qui caractérise S. Joseph comme aussi l’Immaculée. Amen.
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