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Solennité de saint Pierre et saint Paul

Mercredi 29 Juin 2022

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Mes bien chers frères et sœurs,

Mes très chers fils,

À nos oreilles et dans notre cœur résonne encore la glorieuse déclaration que le Seigneur vient d’adresser à Simon, le fils de Jonas : « Votre foi est généreuse, Simon, et je veux faire de vous la Pierre de fondement pour mon Église. Nul ne pourra la renverser. On ratifiera même dans le ciel votre gouvernement terrestre ».

Oui, à ce moment-là, saint Pierre est établi en une place prééminente sur toutle corps de l’Église. Et pourtant, une minute ne passera pas qu’il aura déjà mérité de s’entendre appeler « Satan » par Jésus. C’est que le glorieux Pierre n’admettait pas le langage du Seigneur qui commençait à annoncer sa propre Passion.

De fait, depuis les premiers temps, saint Pierre gardait un petit travers — travers qui nous est à tous bien familier — : souhaiter l’avènement d’un homme doué d’une puissance supérieure qui nous aiderait à rétablir ici-bas un peu de justice selon l’ordre de Dieu. Voilà certes une aspiration religieuse, mais elle a besoin de quelque purification. Benoît xvi parle à ce sujet du désir d’un « homme divin ». Et de fait, l’homme Jésus semblait en ce sens plein de promesses : il s’était au début attaché cinq disciples, comme c’était la coutume chez les autres rabbis, et saint Pierre était du nombre, mais rapidement Jésus en avait choisi sept autres pour atteindre le chiffre de douze, nombre des tribus d’Israël, ce qui était le signe qu’il allait donner une nouvelle naissance au peuple de Dieu. Il se démarquait aussi des autres rabbis par les singuliers miracles qu’il accomplissait. La tentation était grande, et récurrente chez beaucoup, d’y voir l’homme béni de Dieu qui donnerait à Israël sa domination sur toutes les nations.

Saint Pierre ne corrigera ce travers humain qu’avec les larmes qu’il « commença à verser — Cœpit flere » (Mc 14, 72) au cours de la nuit de la Passion, quand le Seigneur le regarda. Il commença, et sans doute continua-t-il longtemps.

Le progrès de l’âme de saint Pierre s’est ainsi accompli par degrés, et nous assistons, dans l’Évangile d’aujourd’hui à l’une de ces étapes majeures. Jésus a demandé à ses disciples ce que l’on dit de lui, mais, remarquait Benoît xvi, « il ne se contente cependant pas de la réponse par ouï-dire. Il attend de la part de ceux qui ont accepté de s’engager personnellement avec Lui une prise de position personnelle. C’est pourquoi, il insiste:  “Pour vous, qui suis-je?”1 ». Pierre prend la parole, et, inspiré par le Père qui est aux cieux, il proclame : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu Vivant ». Cette parole est le premier Credo officiel de l’histoire de l’Église. Il a été inspiré par le Père, en présence du Fils, mais saint Pierre n’en comprend pas la portée réelle.

L’Église repose tout entière sur la profession de foi de saint Pierre et de tous ceux qui seront placés par l’Esprit Saint après lui à la tête de l’Église. Au sens fort, il s’agit de l’infaillibilité pontificale, qui représente pour tout chrétien le bienfait d’une assurance absolue dans le chaos des idées. Quand, dans les conditions requises, le Pape s’exprime officiellement, le Seigneur assure l’absolue vérité de sa parole. Fondés sur ce roc, nous n’oscillons plus à tout vent de doctrine. Notre saint Père le Pape François jouit ainsi de cette infaillibilité quand il parle « ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine en matière de foi ou de morale doit être tenue par toute l’Église2. » Ce sont les termes mêmes du Premier Concile du Vatican. Les autres propos du souverain Pontife jouissent aussi d’une assistance divine, moins absolue cependant, dans la mesure où la parole est plus ou moins officielle et concerne plus ou moins directement la foi et les mœurs.

À Césarée, saint Pierre était inspiré, mais Benoît xvi relève qu’il « n’avait pas encore compris le contenu profond de la mission messianique de Jésus, le nouveau sens de [… ce mot : Christ ou] Messie. Il le démontre peu après, en laissant comprendre que le Messie qu’il poursuit dans ses rêves est très différent du véritable projet de Dieu. »

Mais Jésus transfigure nos attentes. Au lieu de susciter un « homme divin », il vient, lui qui est Dieu, et il emprunte le chemin de l’humilité et de la souffrance. Il se fait « Dieu humain », capable de souffrir dans son humanité pour nous sauver et nous rendre participants de sa nature divine, comme saint Pierre le dira si bien un jour (cf. 2 P 1, 4). Ce n’est pas un homme isolé qui se voit doté d’une puissance divine, mais le peuple de Dieu tout entier qui reçoit le don de vivre de la Vie de Dieu.

Écoutons encore le Pape émérite qui nous fait profiter de la leçon :

Nous aussi, nous avons le désir de Dieu, nous aussi, nous voulons être généreux, mais nous aussi, nous attendons que Dieu soit fort dans le monde et transforme immédiatement le monde selon nos idées, selon les besoins que nous constatons. Dieu choisit une autre voie. Dieu choisit la voie de la transformation des cœurs dans la souffrance et dans l’humilité. Et nous, comme Pierre, nous devons toujours nous convertir à nouveau. Nous devons suivre Jésus et non pas le précéder : c’est Lui qui nous montre la route3. [… le Seigneur Jésus nous dit :] « Ce n’est pas à toi de m’indiquer la route, moi, je choisis mon chemin, et toi, remets-toi à ma suite. »

Amen.

1Benoît xvi, Audience générale du 17 Mai 2006.

21er concile du Vatican, 20 septembre 1870.

3Benoît xvi, Audience générale du 17 Mai 2006.