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Solennité de la Toussaint
Mercredi 1er Novembre 2023
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.
Mes bien chers frères et sœurs,
Mes très chers fils,
L’Église nous invite aujourd’hui à bénir et louer Dieu pour les saints, et pour chacune de leurs saintetés. Chacun manifeste plus particulièrement une perfection divine. Mais la première sainteté crée, celle de la Vierge Marie, est riche de toutes les vertus. C’est la sainteté blanche qui manifeste que Dieu est saint en toute ligne. Nous honorons en particulier notre Mère du nom d’Immaculée Conception : et en cela, elle nous dit la grande pureté de Dieu. La Vierge Marie nous dit qu’il n’y a que lumière en Dieu, qu’il ne s’y trouve aucun retour sur soi. Dieu n’est jamais égoïste. Il n’est que don.
Il donne toute sainteté et c’est à lui remonte l’honneur et la louange que nous adressons à chaque saint. L’Épître, tiré de l’Apocalypse l’a proclamé : « Salus Deo nostro, qui sedet super thronum, et Agno. […] Benedíctio et cláritas et sapiéntia et gratiárum actio, honor et virtus et fortitúdo Deo nostro in sǽcula sæculórum. — Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau ! […] Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! »
Par l’humilité, l’obéissance et la pureté de saint Joseph, nous remercions Dieu qui, dans son immense amour, s’est mis à notre service. Par saint Pierre, ardent à suivre le Seigneur et à attirer tous les hommes à sa suite, nous nous laissons habiter par le bonheur d’être aimés d’une manière exigeante par un Dieu ardent à nous attirer à lui.
Ainsi, au travers de la litanie de tous les saints, nous nous réjouissons et nous louons le Seigneur d’avoir réalisé dans leurs âmes les perfections qu’il a décrites dans les huit béatitudes.
Il y a de la variété. Saint Benoît diffère de sainte Mère Teresa. Et pourtant, chaque saint a suivi l’ensemble des huit béatitudes. Aucune d’elles ne manque dans son cœur, car la bonté d’une chose tient à l’intégrité de son être. S’il y avait un seul manque, un seul défaut, l’âme ne serait plus tout à fait bonne.
En chacun, cependant, nous retrouvons la pauvreté d’esprit, le détachement des biens du monde. En chacun, il y a la douceur, qui nous vient du Cœur du Christ. Chacun des saints a pleuré parce que chacun a souffert, en communion avec le Seigneur, pour le salut du monde. Tous ont eu faim et soif de la justice, de la sainteté aux yeux de Dieu, ils ont ardemment désiré leur sainteté et celle de leurs frères et de leurs sœurs. La miséricorde a été le guide de leurs relations avec le prochain, une miséricorde bien entendue, qui sait aussi défendre les droits de Dieu, dont la rigueur est encore une marque d’amour. Les cœurs de saints, les cœurs de tous les chrétiens qui vivent en communion avec l’amour de Dieu, sont d’une pureté et d’une limpidité qui laisse loin derrière elle tout retour sur soi, tout accaparement égoïste. Quand ainsi le ciel de notre cœur est limpide, nous pouvons voir Dieu à l’œuvre dès ici-bas, et nous avons la promesse de le contempler et de nous en rassasier éternellement. Tous les saints et les saintes, ayant cette âme juste et pure, sont habités par la paix, dans leur rapport filial avec Dieu, et dans leurs rapports fraternels avec le prochain. Habités par cette paix avec Dieu, ils sont devenus source de paix pour autrui, artisans de paix. C’est le signe qu’ils sont vraiment fils et filles de Dieu. Et ils sont ainsi affermis et rendus capables d’endurer, de supporter les assauts du mal. Ils souffrent les persécutions de tous genres pour la justice, et se rendent ainsi dignes du royaume des cieux. La dernière béatitude explicite une de ces persécutions : le fait d’être victime de paroles malveillantes. Tous les saints ont été dénigrés et persiflés d’une manière ou d’une autre. Le monde ne supporte pas les bonnes œuvres et il s’applique toujours à critiquer dans la vie des justes un détail qui, grossi hors de son contexte, devient scandaleux. C’est là une œuvre diabolique qui oppose la mauvaise parole de la critique à la bonne parole de l’annonce de l’Évangile. La langue double insinue la méfiance et sape l’œuvre de salut, l’annonce de l’Évangile. Veillons donc à ne pas participer à cette culture du dénigrement. Si nous nous rendons compte que l’on a mal parlé de nous, cela nous est douloureux. Et pourtant, quand à notre tour nous révélons un défaut d’autrui, nous trouvons cela normal : nous nous donnons une bonne raison, nous estimons qu’il est nécessaire de prévenir, par exemple. Mais au fond, quand nous dénigrons un tiers, c’est surtout pour nous mettre au dessus de lui.
Alors, si nous voulons faire partie du peuple innombrable des saints, si nous voulons les connaître et être connus d’eux, commençons par ne jamais dire de mal d’autrui sans raison grave. Le Pape François nous a dit récemment, avec humour, mais avec vérité, que prendre cette résolution et la mettre en pratique, c’est ouvrir nous-même le dossier de notre cause de canonisation ! Voici les mots qu’il a prononcés à l’attention des oblats de notre ordre : « S’il vous plaît, en tant que bénédictins, que votre langue soit utilisée pour louer Dieu, et non pour bavarder sur les autres. Si vous faites la réforme de vie de ne jamais bavarder sur les autres, vous aurez ouvert la porte à votre cause de canonisation1 ! »
La fête de la Toussaint nous dit finalement que nous ne sommes pas seuls en face de Dieu. Nous ne vivons pas dans un intimisme isolé de nos frères. L’Apocalypse nous a annoncé que nous nous connaîtrons dans notre multitude. Dieu a voulu qu’il y ait entre ses enfants une communion, un échange, une louange mutuelle qui durera pour l’éternité. Dès à présent, et dans l’ordre surnaturel, nous sommes présents les uns aux autres. La Vierge Marie en particulier est auprès de chacun de nous et nous sommes auprès d’elle. Qu’elle nous conduise à la société éternelle des saints.
Amen.
1DISCOURS DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS AUX PARTICIPANTS DU VÈME CONGRÈS MONDIAL DES OBLATS BÉNÉDICTINS, Salle Clémentine, vendredi 15 Septembre 2023.