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Solennité de la Toussaint
Vendredi 1er Novembre 2024
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.
Mes bien chers frères et sœurs,
Mes très chers fils,
Nous avons récemment appris que notre Pape François a désormais canonisé 926 saints. Et l’Apocalypse nous a parlé il y a quelques instants de 144000 serviteurs de Dieu marqués au front du signe de leur filiation divine, puis d’une
« foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. Et ils s’écriaient d’une voix forte : “Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau !” » (Ap 7, 9-10).
Avec bonheur, nous célébrons aujourd’hui cette grande famille de Dieu, l’assemblée des saints à laquelle nous espérons appartenir à jamais.
Au ciel, les bienheureux jouissent tous ensemble de l’éternelle et béatifiante vision de Dieu. Mais déjà durant leur séjour sur cette terre, ils étaient bienheureux, bien qu’ils fussent entourés de souffrances et d’infirmités, car ils vivaient les béatitudes proclamées par le Christ. Sur terre, les disciples du Seigneur appartiennent déjà à la grande communion des saints.
Qu’est ce que cette « communion des saints » dont nous entendons si souvent parler ? Est ce que j’en fais partie ? Est-ce que j’en « bénéficie » ? Le Catéchisme de l’Église catholique est simple : « La communion des saints est précisément l’Église1. » Tout baptisé a sa place dans la communion des saints qui est cette possession commune d’un unique trésor : l’amour de Dieu. Cette communion entre les âmes habitées par la grâces s’appuie sur une vérité fondamentale : les âmes unies au Christ sont unies entre elles. Et par conséquent, chaque âme bénéficie du progrès des autres. C’est un trésor commun auquel contribuent tous les membres de l’Église, et auquel tous puisent.
Saint Thomas d’Aquin, dans son commentaire du Credo, éclaire cette belle réalité avec l’image paulinienne du corps de l’Église :
Puisque tous les croyants forment un seul corps, le bien des uns est communiqué aux autres. […] Il faut de la sorte croire qu’il existe une communion des biens dans l’Église. Mais le membre le plus important est le Christ, puisqu’il est la tête. […] Ainsi, le bien du Christ est communiqué à tous les membres, et cette communication se fait par les sacrements de l’Église2.
« Le terme “communion des saints” a dès lors deux significations, étroitement liées : “communion aux choses saintes” et “communion entre les personnes saintes3”. »
Dans l’ordre des âmes, ce sont souvent les plus humbles, les plus ignorés, et même ceux qui n’appartiennent qu’invisiblement à l’Église qui obtiennent des grâces et parfois même le salut pour ceux qui sont les plus en vue. Car si la hiérarchie de l’Église est visible, utile et respectable, elle n’est pas pour autant gage de sainteté. Elle est là pour conserver le dépôt de la foi et gouverner au nom du Christ. Elle le fait d’autant mieux qu’elle est sainte. Mais cette sainteté n’est pas inhérente à la fonction, alors Dieu veille à ce que le reste de l’Église vienne suppléer.
Cette conscience de la communion des fidèles est attestée dans l’Église depuis la communauté primitive de Jérusalem dont les membres « étaient assidus […] à la communion fraternelle » (Ac 2, 42). Elle est l’œuvre principale des sacrements qui nous unissent au Christ et à son Église. Le baptême, en particulier, nous insère dans le Corps du Christ. La pénitence aussi a son importance, elle qui réunit ce que le péché avait divisé. L’Eucharistie surtout nous plonge profondément dans le Christ et son Église : elle est vraiment communion.
Avons-nous le souci de vivre ainsi en communion avec nos frères et sœurs, dans nos familles, dans notre paroisse, dans notre diocèse et dans l’Église entière ? Est-ce que nous mettons tout en commun ? Le Catéchisme de l’Église catholique nous dit encore : « Le souci de la communion est signe de la véritable prière dans l’Église4. » Est-ce que nous avons le réflexe de prier pour le reste de l’Église, d’offrir nos sacrifices pour le salut des pécheurs, pour la délivrance des âmes du purgatoire, pour les prêtres et la fécondité des œuvres missionnaires, pour les laïcs dans leurs diverses difficultés ?
De même que chacun de nos péchés blesse autour de nous (et c’est pour cela que le sacrement de pénitence a une dimension sociale qui fait du bien à toute l’Église), de même toute bonne action rayonne. Saint Paul dit : « Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi, dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. » (Rm 14, 7-8). Rappelons-nous cela : « Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même ».
Et dans l’autre sens, est-ce que nous avons aussi la simplicité enfantine de venir puiser, sous le regard de notre Mère à tous, dans le trésor ecclésial ?
Ainsi, les saints que nous fêtons aujourd’hui, ce ne sont pas seulement tous les saints canonisés, mais encore tous les saints inconnus à qui nous devons tant.
Amen.
1CEC 946.
2Saint Thomas d’Aquin, In Symbolum Apostolorum, a. 10.
3CEC 948.
4CEC 2689.