Solennité de la Pentecôte, dimanche 4 juin 2017

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Solennité de la Pentecôte, dimanche 4 juin 2017.

Notre Dame de TRIORS.

 

 

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

En ce jour de Pentecôte, la Sainte Église commémore la descente du Saint Esprit sur les apôtres. Dix jours après l’Ascension du Seigneur au ciel, comme l’a relaté la 1ère lecture (Act. 2,1-11), les apôtres sont réunis au Cénacle. Enveloppés par des langues de feu, ils sont remplis du Saint-Esprit tandis qu’un vent impétueux ouvre les portes de leur demeure. Inondés de lumière, ils sont alors transformés en leur être et en leur agir. Quittant le Cénacle, ils se trouvent au milieu d’une multitude que la bourrasque inédite vient d’attirer là, attendant quelque chose de neuf et de grand. Certes, toute foule est friande de nouveauté, mais là, ce fut vraiment quelque chose de différent. Des badauds courent vers l’éphémère clinquant, ici dans cette foule, on a faim et soif de la justice divine (Cf. Mt. 5,6).

Et coeperunt loqui (2,4). Les apôtres se mettent donc à parler. La foule admire ce qu’elle entend, les grandes choses de Dieu, dit notre texte – magnalia Dei (2,11), ces grandes choses de Dieu que l’humanité attendait depuis ses origines, ces grandes choses de Dieu qui donnent la clé définitive de notre raison d’être. Certes des esprits mesquins ridiculisent la pureté véhémente, attribuant cette nouveauté pétillante à un excès de vin ; mais vraiment, ici, l’ivresse spirituelle est d’un tout autre ordre. S. Pierre le leur fait remarquer (Act. 2,15). Ici, on n’a pas « la gueule de bois », il s’agit de la sobre ivresse de l’Esprit que nous buvons dans la joie de l’Esprit, selon l’heureuse expression de S. Ambroise (Hymn. Splendor paternae gloriae).

Revenons sur le proche passé : il y a eu les 40 jours d’intimité pascale, puis les dix jours d’après l’Ascension. Les apôtres sont recueillis dans la salle haute du Cénacle autour de Marie, Mère de Jésus. Les Douze ont sûrement approfondi alors leur sens de la Parole de Dieu concernant notre salut. Mais en ce jour de Pentecôte, et en cet instant d’effusion de lumière, l’Esprit-Saint les inonde d’une clarté qui brûle délicieusement leur cœur, dans la ligne et mieux encore que ce qu’expérimentèrent les pèlerins d’Émmaüs (Cf. Luc 24,32). L’Esprit-Saint de Pentecôte, l’autre Paraclet leur rappelle et précise tout ce qu’ils ont entendu de la bouche de Jésus (Cf. Jn. 14,26), donnant à leur perception de son enseignement une densité hors-pair et exceptionnelle : la plénitude du Christ, Sagesse souveraine, déborde désormais en eux, la Révélation divine leur a tout dit, Dieu a ouvert son Cœur. Le développement du dogme au long des siècles sera toujours en aval de ce moment-source : l’Église va désenvelopper peu à peu ce premier dépôt quand elle aura à préciser certains points du dogme pour affronter les épreuves successives qu’elle rencontrera, mais ce premier dépôt, lui, ne sera jamais surpassé.

Ceci dit, le premier contact de l’Église apostolique avec l’humanité ne ressemble pas à une leçon de catéchisme. Le « symbole des Apôtres » résume en brèves formules le dépôt reçu en plénitude, mais ici en sortant du Cénacle, le premier jaillissement est plutôt une louange, magnalia Dei (2,11). Le Concile y voit une dimension liturgique : d’emblée, l’Église apparaît comme la société de la louange divine. Cette extase d’admiration n’est prise pour une vulgaire ivresse que par des cœurs fermés : bien au contraire la louange vient exorciser les drogues qui asservissent l’humanité. Les ennemis de l’Église assimilent la doctrine révélée à l’opium du peuple ; le Magistère de S. Jean-Paul II a su inverser l’argument en dénonçant les faux messianismes contemporains, les idéologies creuses, grandiloquentes et vaines qui ferment cruellement l’homme sur lui-même (Cf. 31 mai 1980 à S. Denis).

Le Concile ouvre ainsi sa réflexion : l‘œuvre de la rédemption une fois accomplie par le Christ (SC 5), l’exercice de la liturgie dans l’Église en poursuit l’application : Le Christ, envoyé par le Père, envoie ainsi lui-même ses apôtres, remplis de l’Esprit-Saint, non seulement pour prêcher l’Évangile à toute créature…, mais aussi afin d’exercer cette œuvre de salut, par le sacrifice et les sacrements autour desquels gravite toute la vie liturgique… C’est pourquoi, le jour même de la Pentecôte, ceux qui accueillirent la parole de Pierre furent baptisés, louant Dieu et ayant la faveur de tout le peuple (Cf. Act. 2,41-47 = SC 6).

La pensée liturgique du Concile accrédite les intuitions de notre Père Dom Guéranger sur l’esprit de la liturgie, fleuron de l’évangélisation permanente, à savoir, la contemplation qui est un si précieux don de l’Esprit-Saint à l’Église de Dieu (Avent I, p. XV) : Sur cette terre, écrit-il en ouvrant son Année liturgique (Préf. Gén.), c’est dans la sainte Église que réside ce divin Esprit… Depuis lors, il fait sa demeure dans cette heureuse Épouse; il est le principe de ses mouvements ; il lui impose ses demandes, ses vœux, ses cantiques de louange, son enthousiasme et ses soupirs (p. IXs). Chacun peut y entendre à toute heure cette voix infatigable qui monte sans cesse vers le ciel… Le Chrétien fervent s’y unit en vaquant à ses fonctions ou à ses affaires dans la mesure où il possède l’intelligence générale des mystères de la Liturgie (p. XII).

Dans un opuscule sur la perfection (c. 10), S. Thomas d’Aquin voyait de la même façon l’apogée de la vie chrétienne dans la contemplation des choses divines et la prière. Il faisait allusion au malentendu du matin de Pentecôte souligné par S. Paul : Ne vous enivrez pas avec du vin, où se trouve la luxure ; mais remplissez-vous de l’Esprit Saint, en vous entretenant par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels (Ep. 5,18s). Le Magnificat de Notre Dame chez Ste Élisabeth se poursuit par vagues successives dans la louange de l’Église de son Fils, rejoignant celle des anges au ciel et l’ineffable chant qu’est le Verbe au sein de la Très Sainte Trinité : Chantre unique qui a donné sa voix à la création, chant qui ne s’épuise jamais, chant que nous redisons sans cesse, car c’est toujours le Verbe de Dieu que redisent les Psaumes et toute la sainte liturgie (Mère Cécile Bruyère, ISV p. 123, 12 octobre 1888) : ils se mirent à parler comme Marie, Mère de l’Église, et ils dirent les merveilles de Dieu, magnalia Dei, Magnificat, amen, alleluia.

Solennité de la Nativité du Seigneur, lundi 25 décembre 2017

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Solennité de la Nativité du Seigneur,

Notre Dame de Triors, lundi 25 décembre 2017.

 

 

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

Dieu nous visite souvent au moment et au lieu où nous ne L’attendons pas. L’évangile de Noël montre cela de façon bien vive. L’Ancien Testament scrutait la venue du divin Messie, mais il rata largement en fin de compte le rendez-vous : en la nuit de Noël dans la grotte du faubourg de Bethléem, Jésus ne trouva que sa Mère et Joseph pour l’accueillir, et personne d’autre (Cf. Luc 2,6-7). Le ciel dut faire son petit concert pour avertir les plus proches voisins, les bergers qui gardaient leur troupeau (Cf. Luc 2,8s).

Mais à dire vrai, grâce à Marie et Joseph, l’accueil fut réussi : Dieu qui aime le silence et l’ardeur de l’humilité, trouva à merveille ces dispositions en eux. Dans le récit de l’évangile, Marie ou Joseph semblent imperturbables à toute inquiétude, à l’occasion de la naissance brusquée à l’autre bout du pays par caprice administratif, donc en voyage (Luc 2,1-5). Rien ne pouvait arriver de plus fâcheux, semble-t-il ; nul étonnement pourtant chez eux, nulle résistance à la grâce. Dans le contretemps éprouvant, ils voyaient d’abord le signe d’une présence divine autre que celle à laquelle ils s’étaient d’abord préparés, et ils s’y rangèrent simplement, car l’union à Dieu vaut mieux que tout. En comparaison, les combinaisons de l’homme relèvent d’une logique inférieure, fragile et souvent tronquée. Si le Bon Dieu nous oblige à changer d’avis, c’est Lui qui a raison, car ses pensées ne sont pas nos pensées, elles les dépassent comme le ciel qui surplombe la terre (Cf. Is. 55,8s).

On a fait dire à S. Augustin ceci : Celui qui a créé toute la terre ne trouve pas de place dans l’hôtellerie. Celui qui est le maître du monde naît comme un voyageur et un étranger ; il accepte cette humiliation, mais c’est pour faire de nous les habitants du ciel (Serm. 124, in append.), en nous arrachant à la figure ambiguë et décevante de ce monde. Origène perce aussi quelque chose de l’intention divine, chaleureusement ouverte sur chacun de nous désor-mais, disant qu’en se faisant inscrire dans l’humanité, il établissait sa communion avec tous, apportant la sainteté à tous (Hom. 11 in Luc). Il cherche à s’inviter chez nous sur la terre, mais c’est Lui surtout qui nous invite chez lui au ciel, si nous voulons bien écouter le chant des anges et imiter les bergers. Ne soyons pas trop durs d’oreille.

Plus proche de nous que S. Augustin ou Origène, François d’Assise est bien au rendez-vous. Par sa dévotion à la crèche, il a entraîné la dévotion des foules. Pour lui, Noël, c’est l’Amour divin qui se fait tout petit pour grandir l’homme : l’Incarnation, c’est la venue de Dieu dans une chair de nouveau-né, semblable à tout nouveau-né, hormis le péché qui nous avait fermé le ciel dès l’origine. À Bethléem, le ciel s’ouvre enfin par Jésus, mieux encore que par le concert des anges. Le simple nom de la localité mettait le Poverello quasi en extase ; on dit qu’il le prononçait à la manière d’un agneau qui bêle, passant sa langue sur les lèvres comme pour déguster avec délices et savourer la douceur de ce mot (Thomas de Celano, I, n. 86).

Nous ne sommes ni Marie ou Joseph, ni Augustin ou François d’Assise, pourtant l’Enfant de Noël nous regarde et, de sa petite main innocente mais toute-puissante, il veut changer notre vie en la libérant de ses carcans. De façon plus ou moins consciente, notre vouloir y est souvent réticent, car nous préférons par instinct rester crispés sur nos pauvres équilibres. Ne craignons vraiment pas si le Seigneur prend ainsi les devants, en bousculant notre vie, tout comme il modifia les plans prudents de Marie à Nazareth pour la mettre sur les routes en plein hiver. Quel fut l’héroïsme de Marie et de Joseph alors ? Non pas celui d’une tension intérieure inaccessible ou d’une force psychologique hors pair, mais celui de la simplicité et de la joie de l’humilité.

Le peuple hébreu fut nourri de la manne quotidienne qui venait chaque matin comme la rosée, mêlée à l’humble beauté des fleurs champêtres et au chant des oiseaux, dont parle le psaume (Ps. 103,12). L’habitude des dons divins l’a rendu parfois ingrat, aussi Jésus nous encourage par la Samaritaine à bien comprendre le don de Dieu (Cf. Jn. 4,10). Et depuis l’Incarnation, la Présence réelle nous appelle à chaque instant et nous attend : chaque instant désormais pour le croyant, c’est Noël, avec son invitation à la sainte Eucharistie. Une lucarne est ouverte sur l’éternité depuis 2017 ans ; elle ne veut pas se refermer.

Les auteurs spirituels vantent ce précieux instant présent qui nous met continû-ment en contact avec Dieu. Inutile de chercher à refaire le passé ou d’anticiper sur demain, Jésus est là à chaque instant comme dans la grotte de Bethléem, écrit un grand dominicain. Rien, chez nous, ne ressemble plus à l’éternité que le moment présent (Père Perrin). Un témoin de la foi venu d’Asie, Mgr Van Thuan dit de même : Le devoir d’état, c’est la volonté de Dieu dans l’instant présent. Quand tu accomplis la tâche du moment, n’accepte rien qui ressemble à la passivité, mais renouvelle sans cesse, choisis pour ou contre le Seigneur, cherche le royaume de Dieu, crois à l’amour infini du Seigneur, réalise l’amour de Dieu et des autres, et cela dans la minute présente (Témoins de l’espérance).

Un carme voit en Marie le meilleur modèle de cette adhésion à Dieu par l’instant présent : Toute sa vie n’a été qu’une suite d’instants, bien humbles parfois, mais vécus avec le maximum d’amour. Tout son être merveilleusement pur par sa conception immaculée, a dû s’offrir à chacun des instants successifs dans un parfait rassemblement de tout son être, tout entier à la lumière qui l’irradiait, la transfigurait, la spiritualisait (Père Victor). Elle a préparé Noël de la sorte et l’a prolongé avec joie ; et elle préside à tous nos instants présents comme autant de Noël, car c’est par la Très Sainte Vierge Marie que Jésus-Christ est venu au monde, et c’est aussi par elle qu’il doit régner dans le monde (S. L-M Grignion de M., VD 1), en chacun de nous, amen.

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Solennité de l’ IMMACULÉE-CONCEPTION, vendredi 8 décembre 2017

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Solennité de l’ IMMACULÉE-CONCEPTION,

Notre Dame de Triors, le vendredi 8 décembre 2017.

 

 

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

Gratia plena, pleine de grâces. La jeune fille à laquelle s’adresse Gabriel a avec Dieu une relation nette et intègre, vierge et toute pure : d’emblée, son existence est en paix avec Lui. Gratia plena, un tel salut de la part de Gabriel indique qu’elle n’est pas sous le coup de la condamnation portée à l’origine contre Adam et Eve ainsi que sur tous leurs descendants. Chassés du paradis, le divorce d’avec Dieu était pourtant total, jusqu’à cette heure singulière où Gabriel, l’un des plus grands ministres de la cour céleste, s’adresse à Elle, Ave gratia plena. Bien avant la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception par le Bx Pie X, le ciel reconnaît en elle cette prérogative singulière.

Aussi faut-il bien mesurer la portée du dogme de 1854. Immaculée-Conception, le mot lui-même pourrait prêter à confusion ; en effet il n’est pas sans équivoque, et c’est là sans doute la cause de la longue réticence de l’Église avant de s’engager dans cette voie de la reconnaissance du dogme promulgué au XIXème siècle. Immaculée Conception, cela fait d’abord penser à un privilège de ses parents qui auraient eu la grâce singulière de la concevoir dans un état à part, comme si toutes les autres étreintes conjugales devaient être peccamineuses et que seuls, ils y eussent fait exception. Bien sûr ses saints parents font partie des ménages honnêtes, mais ici il s’agit d’autre chose : un vouloir exprès de Dieu a investi l’existence de Marie.

Depuis la chute, la grâce divine cherche sans cesse l’occasion de renouer avec l’humanité. Depuis le Prophète Osée, on sait combien les sévérités de Dieu auxquelles l’obligent les pécheurs, ne peuvent Le satisfaire : Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent. Je ne donnerai pas cours à ma colère, je ne détruirai pas à nouveau, car je suis Dieu et non pas homme. Au milieu de toi je suis le Saint, et je ne viendrai pas avec fureur (Os. 11,8s). La grâce avait déjà sanctifié des justes dans l’Ancienne Alliance, ce fut le cas de Jérémie (Jér. 1,5), et l’évangile nous dit de Jean, le fils de Zacharie, qu’il fut sanctifié dès le sein de sa mère (Luc 1,15). Annoncé par le même ange Gabriel, il est décrit comme déjà grand devant le Seigneur, rempli de l’Esprit-Saint dès le sein de sa mère. Le Seigneur marchera devant lui, avec l’esprit et la puissance d’Élie (Luc 1,17). Pour d’autres que pour Marie, la grâce de Dieu s’était donc déjà manifestée avec une certaine plénitude.

Mais ici, il s’agit d’autre chose. Le mot grec traduit en latin par gratia plena et en français par pleine de grâce bénéficie d’une solennité indépassable. Il indique un état stable depuis toujours : la grâce n’est pas survenue en Marie à un moment secondaire de son histoire individuelle : c’est dès le 1er instant imaginable de son existence distincte qu’elle a reposé sur l’Immaculée. L’impatience de Dieu en son cas fut telle qu’il n’y eut jamais d’instant, aussi bref qu’il puisse être imaginé, où elle aurait été concrètement souillée par l’héritage maudit des origines. Le coup d’envoi de son existence était déjà dans l’amitié divine, sans la coupure, sans la séparation dont souffre l’humanité d’avec son Créateur. Marie fut sauvée en même temps que créée (Cf. Louis Bouyer, Le trône de la Sagesse, c. VII, L’Immaculée Conception et l’Ancienne Alliance, p. 152s). Ô Marie conçue sans péché : telle est la portée de l’expression entrée dans la piété chrétienne.

Ô Marie conçue sans péché : dans la pensée de l’Église exprimée par son Magistère, dire cela n’est nullement insinuer qu’elle aurait été sauvée par une autre voie que nous ; au contraire elle a été sauvée et rachetée sur un mode plus parfait, par l’unique voie du salut qui soit, à savoir son divin Fils, Jésus, notre commun Rédempteur. Marie boit à la source même du fleuve qui nous purifie et nous sauve nous-mêmes. Le Cardinal Vingt-Trois archevêque de Paris jusqu’à ce jour, recadre bien toutes choses ainsi : Dans l’épître aux Éphésiens, S. Paul nous rappelle comment Dieu nous a choisis dans le Christ avant la création du monde. Si nous appliquons notre intelligence à l’Immaculée Conception de la Vierge, cela ne peut être que dans cette perspective d’une action éternelle de Dieu, hors du temps, avant le temps, avant l’histoire. Marie a été préservée du péché originel parce que dès l’origine, Dieu voulait préserver dans l’histoire des hommes la possibilité d’accomplir son plan de Salut.

Des justes de l’Ancienne Alliance furent touchés à l’avance par la puissance de la Rédemption alors à venir. Mais d’une façon plus profonde la Mère de Jésus en a été touchée radicalement, elle dont le consentement était nécessaire pour qu’Il puisse être introduit dans le monde, selon le dessein de son Père. Les grandes perspectives du salut que S. Paul expose avec magnificence, mettent en pleine lumière le privilège de Celle dont le Seigneur voulut avoir besoin. Son humilité plonge alors ses racines dans cette mainmise divine sur son être. La nôtre au contraire se nourrit continûment de notre fragilité morale, chacun de nos pas étant exposé à nos illusions diffuses. Puisse notre piété mariale rapprocher peu à peu notre humilité de la sienne, puisse-t-elle se pénétrer de plus en plus de l’admiration respectueuse pour les magnalia Dei qui courbe spontanément la vie dans l’adoration en esprit et en vérité.

Notre maison est dédiée à l’Immaculée Conception, tout comme celle de nos Sœurs de Wisques. Mais cette année nous lui confions en outre notre Père abbé fondateur qui fut béni tel il y a juste 40 ans, et le Père abbé Président béni à Solesmes voilà 25 ans : notre Congrégation doit tant à l’Immaculée chantée par Dom Guéranger ! Confions lui aussi le nouvel archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit. Plaçons-le avec les deux Pères abbés et nous tous avec eux, dans le Magnificat de la Très Sainte Vierge : que la grâce de Dieu déploie en nous la force de son bras, dispersant ce qui relève de la superbe, renversant le quant-à-soi de son trône pour élever l’humilité en tous nos actes, en notre attitude, en notre existence entière à la suite de Marie, Trahe nos, Virgo Immaculata, post te curremus, amen, alleluia.

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Solennité de L’ASSOMPTION, mardi 15 août 2017

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Solennité de L’ASSOMPTION, mardi 15 août 2017,

NOTRE DAME de TRIORS.

 

 

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

Deux femmes conversent dans cette page d’évangile, mais en arrière-plan deux enfants à naître sont aussi eux-mêmes en conversation. Marie entre chez Élisabeth : une femme sous un toit, c’est, je crois, l’idéogramme qui, chez les chinois, indique la paix. Marie entre donc dans la paisible intimité de sa cousine, mais sa cousine perçoit en retour l’intimité pacifiante du mystère qui a pris place chez Marie depuis la récente visite de l’ange Gabriel. Et ce va-et-vient entre les deux femmes est accompagné du langage muet entre les deux enfants, à travers le tressaillement dans le Saint-Esprit : le nouvel Adam s’y entretient avec le fils du vieil Adam qui attend avec véhémence le salut : le ciel et la terre ne sont plus séparés, puisque le lien rompu aux origines se noue à nouveau.

Mais en ce jour d’Assomption, nous fêtons Marie entrant dans l’intimité divine, au terme de son existence, avec toute son humanité, en corps et en âme. Un verset de S. Jean me semble souligner l’analogie de la situation avec celle de la Visitation : Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure (Jn. 14,23). La liturgie nous fait découvrir ce grand mystère qui nous dépasse tellement, éblouissant surtout les anges. Sur terre, derrière le voile, nous le devinons suffisamment pour y ancrer notre dévotion à Marie. De la même façon que Marie entra chez Élisabeth avec tant de paisible douceur, elle entre chez Dieu, un et trine, avec un accueil d’un autre ordre, mais qui encourage et stimule notre foi. Comment fut-elle accueillie ?

Élisabeth l’a accueillie chez elle par ces mots : D’où me vient ceci, que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? (Luc 1,43). Bossuet analyse cet étonnement d’Élisabeth pour nous aider nous-mêmes à accueillir les visites divines dans la foi : Les âmes que Dieu aborde, écrit-il, étonnées de sa présence inespérée, le premier mouvement qu’elles font est de s’éloigner en quelque sorte comme indignes de cette grâce : Retirez-vous de moi, Seigneur, disait S. Pierre, parce que je suis un pécheur (Luc 5,8). Et le Centenier nous dicte ce que nous disons avant chaque communion : Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison (Mt. 8,8). Dans un semblable sentiment, mais plus doux, Élisabeth ne laisse pas d’être surprise de se voir approchée par le Seigneur d’une façon si admirable : D’où me vient ceci, que la Mère de mon Seigneur, et qui le porte dans son sein, vienne à moi ? Elle sent que c’est le Seigneur qui vient lui-même, mais qui vient et qui agit par sa sainte Mère.

Néanmoins ici c’est la sainte Mère de Dieu elle-même qui entre au ciel. Quelle fut alors son émotion, quelle fut alors sa sainte confusion ? Elle est reçue avec le respect du à une Reine, alors qu’elle est pure créature face à son Créateur. Le salut de l’ange l’avait mise en émoi naguère ; que dut lui faire alors l’accueil des myriades d’anges et surtout le salut de son Dieu et Fils ? L’émoi devant Gabriel fut sûrement au ciel mieux apaisé encore : Ne timeas Maria, ne craignez pas Marie (Luc 1,30). Dieu n’ôta pas cette crainte révérencielle qu’a spontanément l’ordre créé face à l’incréé, crainte que S. Thomas attribue même à la sainte humanité du Christ jusque dans l’éternité (IIIa, Qu.7, a.6), mais le Bon Dieu a alors exclu d’elle toute trace de ce trouble qu’évoque Bossuet avec les auteurs spirituels, pour que ne demeure en elle que la joie et la paix béatifiques.

Le mystère des gloires de Marie se dévoile ainsi peu à peu aux yeux de la Mère Église. Elle y trouve une aide puissante pour affronter des temps qui n’aiment pas Jésus, boudant (au moins en apparence) le salut apporté par lui. Au XIXème s., elle put dire sa certitude de toujours que Marie était Immaculée Conception, et l’on sait le parti magnifique que le dogme a apporté à Lourdes ou au saint martyr fêté hier, le Père Kolbe. Puis au milieu du siècle passé, l’Église déclara avec la même solennité le mystère de ce jour, avant de proclamer au Concile Marie Mère de l’Église : trois gestes rares qui disent la vigueur de sa foi au moment où les signes visibles en sont devenus bien rares.

La situation de Notre Dame est à part, tout à fait singulière. Cela se justifie par son rôle exceptionnel dans l’Incarnation, sous l’influence et la proximité du Verbe Incarné. L’Immaculée Conception annonce l’entrée du Sauveur en ce monde, l’Assomption annonce sa sortie en vainqueur, son succès rejaillissant en premier lieu sur sa Mère. D’un bout à l’autre, le Fils triomphe en sa Mère, d’abord de façon cachée, puis aux yeux des anges, avant que le triomphe ne soit rendu évident à toute l’humanité lors du Jugement général. Ce triomphe devient nôtre grâce à notre lien avec Marie si profondément associée à l’œuvre de notre salut et entrée désormais au ciel en corps et en âme (Cf. Dom Roux, Marie, Mère et Reine, p. 110).

Marie entre au ciel : la femme entre sous le toit de l’éternité, Reine de la paix, Regina pacis. Au delà de l’idéogramme chinois, c’est le signe grandiose décrit par S. Jean dans son Apocalypse (12;1s), prolongé à Fatima il y a juste un siècle. L’Apocalypse comme Fatima évoquent en même temps un combat âpre et terrible, subi par l’Église militante désignée comme le reste de sa descendance (Apoc. 12,17). Avec confiance, recommandons-nous à Elle, recommandons-lui en particulier la France qui lui est dédiée depuis 1639, associons-nous à la louange divine par son Magnificat, supplions-la pour chacun d’entre nous et plus spécialement pour la pureté de la foi et des mœurs dans le clergé dont la mission est d’attirer l’humanité à Jésus par Marie. Trahe nos, Virgo Immaculata, amen.

Solennité de la Toussaint, le mercredi 1er novembre 2017

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Solennité de la Toussaint, Notre Dame de Triors,

le mercredi 1er novembre 2017.

 

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

L’apocalypse est à l’honneur en cette fin d’année liturgique. Au terme de la grandiose vision inaugurale (Ap. 4 & 5), la 1ère lecture nous a montré les douze tribus du peuple élu, bien rangées et au complet devant le mystérieux « trône » de Dieu, puis au-delà, la foule innombrable de la Toussaint (Ap. 7). Le livre se poursuit avec des visions grandioses, en lesquelles cataclysmes et menaces précèdent d’une façon radicalement contrastée les douces noces de l’Agneau. À chaque messe les fidèles y sont invités : Bienheureux les invités au repas du Seigneur, les invités au repas des noces de l’Agneau, dit plus précisément le texte sacré (Ap. 19,9). Car il s’agit de noces, et ici-bas nous en sommes les novices.

Oui, nous voilà invités à entrer dans la famille de Dieu, dit S. Paul de son côté (Éph. 2,19s), nous ne sommes pas des hôtes de passage, des météores venus d’on ne sait où et errant on ne sait vers quoi. S. Paul parle des mêmes réalités que l’Apocalypse : nous sommes invités aux noces de l’Agneau, avec l’immense foule de l’Apocalypse. D’ailleurs, cet appel rehausse notre sens des noces humaines elles-mêmes, si hautes et si simples à la fois : la présence de Jésus à Cana en soulignait déjà la noblesse (Jn. 2,1ss). Pourtant l’histoire et la société ne cessent de malmener le mariage par des contrefaçons, et désormais par d’affreux contresens : on légifère en vain à ce sujet d’une façon qui discrédite le fondement du droit. Au sujet du mariage humain, S. Paul renvoie tout simplement à la Genèse comme le fit d’ailleurs Jésus : Les deux ne seront qu’une seule chair (Gen. 2,24), avant d’orienter vers une union plus intime dans le Seigneur lui-même : Celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit (I Cor. 6,16s). Le mariage humain dévoile quelque chose de notre vie en Dieu Lui-même, quelque chose des noces de l’Agneau auxquelles nous nous savons conviés. C’est ce dont nous parlent les Béatitudes, le bonheur promis est un mystère d’union et d’unité.

L’évangile ne nous fait pas courir vers du vide ; les utopies se multiplient sous nos yeux, mais qu’elles ne nous distraient pas vrai but de notre vie : à chaque messe retentit l’invitation concrète au mystère nuptial pour les pauvres de Yahvé, c’est-à-dire pour l’innombrable troupeau des méprisés d’ici-bas. Et Dieu sait combien notre société les multiplie, elle n’est pas le paradis tiède et facile des affiches, elle engendre plutôt par sa stérilité spirituelle d’innombrables nouveaux pauvres, sans lien avec personne, pauvres en désarroi moral, ceux des larmes et du chagrin, écrasés sous les violences externes du fisc ou de l’addiction à l’écran pour s’en tenir à deux emblèmes ; écrasés surtout par ces blessures morales qui paralysent les consciences désemparées.

L’évangile, bonne nouvelle, a vocation de libérer tous ces captifs. Plus que les guérisons corporelles que le Seigneur a multipliées au début de sa vie publique, l’évangile est ici le lieu du miracle qui guérit les plaies morales. En cela, il a l’ambition de rejoindre notre époque blasée et malheureuse. S. Bernard lit ainsi le texte de ce matin. Le Seigneur s’éloigne de la foule, il monte seul sur la montagne et y appelle ses Apôtres. Il veut passer des miracles extérieurs à la guérison intérieure, il veut rendre leur santé aux âmes, leur vocation à la sainteté, en les imprégnant d’enseignements sublimes à partir de ce haut lieu symbolique, supérieur au Sinaï de Moïse et plus radical que lui. Au lieu des éclairs effrayants d’alors, voici la douceur souveraine de l’alliance nouvelle prophétisée par Jérémie, incrustant la loi divine dans notre pensée et l’écrivant dans notre cœur (Jér. 31,31ss).

S. Bernard continue en comparant le Verbe au scribe agile du psaume (Ps. 44,1) : il écrit dans le cœur des disciples les commandements de la Nouvelle Alliance pour qu’ils nous les enseignent. Sans nuées épaisses, sans tonnerre et sans éclairs, il s’entretient paisiblement avec eux, et par eux, avec nous tous et de façon accessible. Et que dit-il ?  À ceux qui désirent voir des jours heureux (Ps. 33), aux chercheurs d’un bonheur qui ne trompe pas, Jésus découvre divers degrés d’ascension, vers LA béatitude qui ne trompe pas. Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux (Mt. 5,3). Voilà la base, voilà la première marche. Oui, heureux les pauvres de cœur : le Seigneur indique ce que requiert le Royaume des cieux, à savoir l’humilité de l’âme avec un certain détachement des soucis matériels.

Les cataclysmes et les menaces de l’Apocalypse sont pourtant, semble-t-il, toujours là, dans l’actualité avec ses terreurs : Magadiscio, et cette nuit New York ! L’horreur nous nargue chaque jour au Journal de 20 h. Le 1er conflit mondial il y a cent ans inaugurait cet enfer larvé. Mais à Fatima, Notre Dame nous a rappelé l’appel des béatitudes et du ciel si proche de notre quotidien. Le grand Pape Pie XII, 25 ans après, lors du second conflit mondial, consacra le monde au Cœur Immaculé de Marie pour répondre à l’appel poignant de notre Mère du Ciel et éviter au monde le désespoir. Il le fit, il y a donc 3/4 de siècle, la veille de la Toussaint, avant d’instaurer peu après une fête en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie pour obtenir par son intercession la paix des nations, la liberté de l’Église, la conversion des pécheurs, l’amour de la pureté et la pratique des vertus. Le programme reste le même. Cette fête fixée au 22 août, jour octave de l’Assomption, est désormais consacrée à Marie Reine : ici-même la vie monastique a commencé sous son égide. Tous ensemble redisons-lui notre piété pour que son Cœur « triomphe » en nous, nous arrachant à la peur et à l’enfer, nous fixant dans l’amour du ciel. Marthe Robin a dicté cette belle pensée (26/10/30) : Dire que Marie est Reine du Ciel et de la terre est très beau, très vrai ; dire qu’elle est Mère de tous les cœurs, Médiatrice de toutes les causes qui pénètrent au Ciel est plus sublime encore, amen.

Solennité des Saints apôtres Pierre et Paul, jeudi 29 juin 2017

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Solennité des Saints apôtres Pierre et Paul,

Notre Dame de Triors, jeudi 29 juin 2017.

 

 

Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,

Le Seigneur pose deux questions aux disciples : la première concerne l’avis de la foule à son sujet, puis ensuite, il les interroge eux-mêmes directement sur sa Personne. S. Ambroise souligne avec finesse la distance infinie entre ce que pense la foule et la vérité sur le Sauveur : Pourquoi les foules voyaient en Jésus un autre Élie, Jérémie, ou Jean-Baptiste, se demande-t-il. Bien sûr, Élie fut enlevé au ciel dans un char de feu, mais quand le Christ Jésus va au ciel, c’est par sa propre vertu ; de plus, il retournait là d’où il était venu. Quant à Jérémie, il fut sanctifié dès le sein de sa mère, tandis que Jésus, lui, dès le sein de sa mère sanctifie son Précurseur. Et ce dernier, Jean ? Oui, dans le sein de sa mère il a senti la présence du Seigneur et il l’adora, et Jésus était celui-là même qu’il adorait ; ensuite, Jean baptise dans l’eau, alors que le Christ baptise, lui, dans l’Esprit ; Jean amène à la pénitence et Jésus pardonne les péchés (Luc VI, n.96).

Durant ce dialogue avec les apôtres concernant les avis des hommes, Pierre se taisait, gardant son secret pour lui. Recueilli, il se préparait à répondre à l’autre question du Seigneur. C’est du moins ainsi que S. Ambroise voit la scène : Pierre semblait pressé d’une seule chose que jusque là il gardait bien cachée. Mais dès qu’il s’est agi de dire la vérité sur le Christ, il s’empresse à parler, alors que jusque là il s’était enfermé dans son silence (id°) : Vous êtes le Christ le Fils du Dieu vivant (Mt. 16,16). Le voilà le beau secret, la voilà sa confession, tellement plus avantageuse que les opinions des hommes qui vont et viennent au gré mouvant de l’actualité, tel le vol fugace des oiseaux, poignées de fatigue à poursuivre le vent, dit l’Ecclésiaste (4,6). L’Imitation de Jésus-Christ fustige les disputes subtiles sur les choses cachées et obscures, qu’au jugement de Dieu on ne vous reprochera point d’avoir ignorées, mais déplorant que, ayant des yeux, nous ne voyons point (I,3,1).

Sur la route de Césarée, Pierre, lui, eut des yeux pour voir, et il s’est écrié : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant (16,16). Proférés à cet instant de la conversation, S. Hilaire voit en ces mots le condensé parfait du Credo (in Mt. 16, n. 4 & 5). C’est bien ici la foi vraie et inviolable : du Dieu éternel est né Dieu le Fils ; ce Fils possède l’éternité du Père de l’éternité, lui qui a daigné vouloir naître sur terre. En naissant, il reçut ce qu’il était déjà, il naissait Verbe de Dieu. Il est donc éternel et il est né, car celui qui est né n’est pas autre que celui qui est éternel ; c’est là la confession de foi parfaite.Toute l’Église en dépend, Paul bien sûr y compris qui sait en Qui il croit (Cf. II Tim. 1,12).

Peu après la scène dont nous venons d’entendre le récit, Pierre sera pourtant traité de Satan (Mt. 16,22s ; Mc. 8,32s) ; plus tard il va renier son Maître par une folle présomption [les Synoptiques et S. Jean insistent sur tous les détails (Mt. 26,69-75] ; mais sa foi est restée en lui. Menacée de devenir foi morte, elle est revenue, approfondie par les larmes de l’humilité après l’aveu honteux : Je ne connais pas cet homme (Mt. 26,74), alors que peu avant, il affirmait du Christ qu’il était le Fils du Dieu vivant (Mt. 16,16). Oui, Paul, lui aussi, sait en qui il a donné sa foi et sa confiance (II Tim. 1,12), mais après avoir été le persécuteur effréné de l’Église de Dieu (Cf. Gal. 1,13). En revanche dans l’après-midi de Pâques les deux pèlerins d’Émmaüs sont en plein désarroi, sous le coup d’une cuisante déception, le ressort de la foi est cassé : nos sperabamus (Luc 24,21). Pierre certes avait renié, de même que Paul avait persécuté, mais la foi de Pierre, éprouvée et criblée, ne défaille pas (Luc 22,31), ravivant providentiellement la flamme autour de lui.

Bossuet voit nos âmes recevoir des saints Apôtres la foi et la vie spirituelle : Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant, qui êtes venu en ce monde. Ajoutons avec saint Paul : Afin de sauver les pécheurs, desquels je suis le premier. Crois donc, âme chrétienne, adore, espère, aime, poursuit l’orateur devançant la pièrre de Fatima. O Jésus ! ôtez les voiles, et que je vous voie. O Jésus ! parlez dans mon cœur, et faites que je vous écoute. Parlez, parlez, parlez ; il n’y a plus qu’un moment : parlez. Donnez-moi des larmes pour vous répondre ; frappez la pierre, et que les eaux d’un amour plein d’espérance, pénétré de reconnaissance, coulent jusqu’à terre.

L’actualité récente a été et reste éprouvante. Écoutons d’autant mieux ces conseils avisés qui nous renvoient à Pierre, confessant et reconnaissant le Bon Dieu en Jésus. La foi de l’Église est là dans cette humble adhésion à la réalité immense de la Présence divine : depuis l’incarnation du Verbe devenu notre Rédempteur, nous ne sommes pas orphelins, nous savons sur Qui appuyer notre vie. La foi de l’Église en la tendresse qui nous sauve ne défaille pas, disant avec S. Paul : C’est quand je me sens faible, que je suis fort (II Cor. 12,10). L’Imitation poursuit : Je vous comprends, ô grands Apôtres ! Ce sentiment qui vous humilie, appelle la grâce promise aux humbles, et par elle, vous êtes tous deux revêtus de la force de Dieu même (II,10). Marie demeure au Cénacle, contemplative du grand mystère de la foi, Pierre peut dès lors aller hardiment le proclamer dans les rues de Jérusalem pour nous le faire entendre, comme Paul sur les routes du monde, amen.